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De Bettencourt à Karachi, les sales vérités de Nicolas sarkozy

Publié le 21 novembre 2010 par Juan
De Bettencourt à Karachi, les sales vérités de Nicolas sarkozy« Chacun gagne en crédibilité à dire la vérité aux Français.» Cette petite phrase, prononcée par Nicolas Sarkozy à la télévision mardi soir, a valeur de symbole; dès le lendemain, la Sarkofrance a été bousculée par deux affaires, Woerth/Bettencourt et Karachi, où justement la quête de la vérité semble un chemin semé d'embûches : refus de remises de pièces aux motifs farfelus, délocalisation d'affaires, refus d'instructions indépendantes, accusations du pouvoir, stigmatisation de la presse, le pouvoir sarkozyen se cache à peine.
Mais cela ne suffit plus.
Une affaire de vérité
L'affaire Bettencourt, et toutes ses facettes, a été délocalisée mercredi ... à Bordeaux, chez Alain Juppé. Le ministre de la Justice Michel Mercier s'est déclaré confiant, vendredi à Rennes au congrès de l’Union syndicale des magistrats (USM), que le volet impliquant Eric Woerth serait réglé avant l'élection présidentielle de 2012. On n'en doutait pas. « Il appartient aux magistrats saisis d'en décider mais je pense que 2012 c'est quand même loin, et que peut-être les choses peuvent être réglées d'ici-là.» a expliqué Mercier.
Le même jour, on apprenait que David Sénat, l'ancien conseiller de Michèle Alliot-Marie débarqué de son poste cet été suite à une enquête de la DCRI sur l'origine des fuites de deux PV d'auditions dans cette même affaire, avait assigné en référé Brice Hortefeux pour « atteinte à la présomption d’innocence », lundi 29 novembre. En cause, cette déclaration écrite du ministre de l'intérieur dans l'édition du 17 octobre dernier du Figaro Magazine (contre qui David Sénat a également porté plainte pour diffamation) : « Cette vérification [de la police] a confirmé qu’effectivement un haut fonctionnaire, magistrat, membre de cabinet ministériel, ayant donc accès à des documents précisément confidentiels, alimentait selon ces sources, vérifiées, un journaliste sur des enquêtes (…). Je dis que ça tombe sous le coup du non-respect du secret professionnel. »
La présomption d'innocence est effectivement un concept à géométrie variable en Sarkofrance. Interrogé sur le cas Eric Woerth mardi dernier, Nicolas Sarkozy s'était indigné des attaques contre son ancien ministre du Travail : « C'est un homme honnête. » La veille, Xavier Bertrand, prenant les clés du ministère, s'était aussi lancé dans l'hommage appuyé, larmes à l'oeil et trémolos dans la voix à l'égard de son ancien collègue Woerth victime d'une « chasse à l'homme
L'affaire d'Etat
Vendredi, les familles de victimes ont décidé de porter plainte pour homicide involontaire contre ... Jacques Chirac et Dominique de Villepin, respectivement président et secrétaire général de la présidence en 1995 quand la décision fut prise de ne pas verser le solde des commissions occultes en marge du contrat Agosta. Or, jeudi 18 novembre, un nouveau témoin de l'affaire s'est expliqué devant le juge Renaud Van Ruymbecke. Michel Mazens dirigeait la Sofresa entre décembre 1995 et janvier 2006, une société mixte, codétenue par l'Etat et les industriels de l'armement depuis 1974 pour la commercialisation d'armements au Moyen-Orient. Cet homme, jeudi devant le juge, a confié que Villepin lui avait demandé de cesser ces versements, consigne qu'il a transmise au patron de la DCNI, Dominique Castellan. Et il ajouta : « Un soir, je suis allé voir M. Castellan dans son bureau pour lui faire part de la directive de M. de Villepin. Il a réagi en me disant que pour lui c'était compliqué car c'était faire courir des risques à ses personnels
Ce témoignage contredit une première partie de la « fable » sarkozyenne : il confirme la possibilité d'un lien de cause à effet entre cet arrêt de versement de commissions pakistanaise et l'attentat de Karachi.
Interrogé vendredi, Hervé Morin, ancien ministre de la Défense, s'est défendu à son tour : il aurait bien déclassifié du secret défense ce qu'il y avait à déclassifier (« je suis le meilleur de la classe »), expliquant même qu'il aurait transmis d'autres documents que ceux que le juge Trévidic lui demandait. Et il tenta de mouiller François Bayrou : « J’allais dire aux familles et à tous ceux et toutes celles qui revendiquent la levée du secret défense, puisque j’ai entendu un certain nombre d’hommes politiques le dire, à gauche, François Bayrou, etc. Je prends le cas de François Bayrou ; il était secrétaire général de l’UDF, qui était la principale formation politique qui soutenait Edouard Balladur, il était président d’une des formations qui était le CDS... Moi j’ai envie de dire à tous ceux qui ont joué un rôle prépondérant dans la campagne d’Edouard Balladur : qu’ils disent ce qu’ils savent de l’organisation de cette campagne... Ils ont peut-être en eux, aussi, un secret défense ! »
Hervé Morin joue donc au premier de la classe. On oublierait presque que son propre directeur de cabinet, depuis mai 2007, s'appelait Patrice Molle, ancien chef de cabinet de François Léotard quand il était ministre de la Défense d'Edouard Balladur en 1995. Patrice Molle vient d'être nommé à la présidence de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale. En 1995, Hervé Morin lui-même était conseiller technique de Léotard à l'époque.
Le Karachigate est devenue une affaire d'Etat.
L'Elysée en panique
Vendredi, Nicolas Sarkozy s'est échappé à Lisbonne, pour un sommet de l'OTAN. Il put éviter quelques questions gênantes. A 20 heures, Dominique de Villepin était sur TF1. De Lisbonne, Nicolas Sarkozy a raté l'intervention. A cette heure, il terminait une « photo de famille » avec ses collègues de l'OTAN, avant d'enchaîner pour un dîner protocolaire. Sur TF1, DDV a balancé. D'abord, il ira voir le juge Van Ruymbeke pour témoigner sur l'affaire Karachi. Ensuite, il confirme : « Oui, Jacques Chirac, quand il arrivé comme président de la République en 1995 a souhaité moraliser la vie publique internationale, c'est-à-dire interrompre tous les contrats qui avaient ou pouvaient donner lieu à rétro-commissions. Il est apparu que de très forts soupçons existaient dans deux dossiers, deux contrats, un contrat avec le Pakistan, le contrat des sous-marins, et un contrat avec l'Arabie Saoudite. » Puis il s'exonère : il n'y a pas eu de vengeance politique car Jacques Chirac n'a pas exploité ni médiatiquement ni judiciairement l'affaire. Enfin, il achève, c'est le coup de grâce : Chirac a demandé l'arrêt du versement des commissions destinées aux « étrangers non Pakistanais » et qui étaient « soupçonnés de revenir vers la France» . En d'autres termes, les deux intermédiaires imposés par Edouard Balladur fin 1994 : « ces commissions ne concernaient pas le Pakistan. »
A Lisbonne, Nicolas Sarkozy a sans doute reçu un compte-rendu de Franck Louvrier. On l'imagine secrètement enragé. Villepin l'attaque une nouvelle fois, lui qui s'est chiraquisé du mieux qu'il a pu... Quelle injustice !
On l'imagine stressé, inquiet au point de demander à Claude Guéant de réagir en son absence. Ce fut fait vendredi soir, par un étonnant communiqué officiel du secrétaire général de l'Elysée. C'est la seconde fois seulement, depuis la mise en cause de Nicolas Sarkozy dans cette affaire de Karachi, que l'Elysée réagit officiellement. Guéant évoque des « interprétations les plus fantaisistes.» Il ajoute, sans précaution, que la justice doit faire son travail mais que Sarkozy n'est pas concerné : « Il n'est en particulier pas acceptable que ce drame soit utilisé comme un argument de circonstance pour alimenter la démarche entreprise par ceux qui n'ont d'autre préoccupation que d'impliquer le Chef de l'Etat, par une succession d'insinuations, dans une affaire qui ne le concerne en rien.» Claude Guéant reprend aussi à son compte les déclarations d'Hervé Morin sur la levée du secret défense. Et il précise : « Affirmer sans autre forme de procès que les conditions du marché d'armement Agosta avec le Pakistan auraient eu pour conséquence de contribuer illégalement au financement de la campagne électorale du Premier Ministre de l'époque, dont les comptes ont été validés par le Conseil Constitutionnel, relève de la rumeur malveillante qui vise à jeter le discrédit sur la vie politique de notre pays.» Guéant poursuit son travail d'avocat du président français, expliquant que Nicolas Sarkozy n'était que le porte-parole, pas le trésorier ni le responsable de campagne d'Edouard Balladur ; qu'il n'a jamais, en tant que ministre du budget, « eu à approuver des commissions relatives à des marchés à l'exportation, la procédure d'agrément préalable en cette matière ayant été supprimée dès le mois d'octobre 1992 »; et, mieux, que la négociation de ces ventes de sous-marins au Pakistan avait débuté avant l'arrivée son ministère.
Cette réaction de Claude Guéant appelle plusieurs remarques : Elle illustre d'abord l'agitation élyséenne sur cette affaire. Nicolas Sarkozy n'était pas directeur de campagne d'Edouard Balladur. Nous l'avons pourtant écrit, comme d'autres. D'autres aussi. C'est d'ailleurs ce que l'on peut lire sur Wikipédia, depuis des mois. Guéant explique ensuite que la procédure d'agrément préalable des commissions sur ventes d'armes a été supprimée en 1992. C'est vrai. Mais, selon nos informations, ce n'est pas vraiment le problème : l'agrément n'est plus préalablement requis pour démarcher et prospecter. Il n'en demeure pas moins obligatoire à la conclusion de la vente. La règlementation, consultable sur le site de la Direction des Affaires Stratégiques du ministère de la Défense, reste très claire : « la remise de l'offre engageant l'entreprise et en particulier la négociation d'un contrat aux fins de cession ou de livraison à l'étranger restent en revanche soumises au régime de l'agrément préalable.» 
En d'autres termes, Guéant essaye de noyer le poisson...
Les familles de victimes ont répondu à Claude Guéant : elles ont rappelé qu'à chaque pression médiatique le gouvernement trouvait de nouveaux documents, comme par hasard, à transmettre au juge ; que le parquet a fait appel contre l'ordonnance du juge Renaud van Ruymbeke ; que les raisons invoquées par Accoyer pour refuser de transmettre les pv d'audition parlementaire n'ont pas été avancées pour d'autres affaires (Urba, Rwanda). 


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