Magazine Journal intime

Nouvelles en trois lignes

Par Markhy

Perdu dans une caisse au fin fond de la librairie du Palais de Tokyo, Félix Fénéon et ses nouvelles en trois lignes. -50%.

Je suis trop content de l’avoir topé putain. Le livre est tout abimé et tout et je l’ai payé moins cher que sur Amazon, big smile. Félix Fénéon je l’ai rencontré à travers Artistes sans Oeuvres (Jean-Yves Jouannais), un anar du début de siècle et critique d’art. Il avait sa petite rubrique dans « Le Matin » où il lâchait des faits divers en trois lignes. Cinglants. Et là je les ai tous dans ce petit bouquin, mes sessions chiottes se passent à fond.

Mais le meilleur dans la non oeuvre de Fénéon, ça reste son interrogatoire au Procés des Trente. Répartie de hagar. On le trouve easy sur Wikipedia et tout. Mais comme un leak des Daft il y a plein de versions et c’est un peu chiant de savoir le vrai du vrai, faudrait que je sorte de l’appart, que je quitte l’internet et que je me plonge dans les dactilos originaux. Mais je ne suis plus étudiant alors on va faire avec.

En regular, le président. En italique, Félix Fénéon aka F.F. Ancêtre du LOL french touch.

— Êtes vous un anarchiste, M. Fénéon ?
— Je suis un Bourguignon né à Turin.
— Vous étiez aussi l’ami intime d’un autre anarchiste étranger, Kampfmeyer?.
— Oh, intime, ces mots sont trop forts. Du reste, Kampfmeyer ne parlant qu’allemand, et moi le français, nos conversations ne pouvaient pas être bien dangereuses.
— Votre concierge affirme que vous receviez des gens de mauvaise mine.
— Je ne reçois guère que des écrivains et des peintres
— L’anarchiste Matha, lorsqu’il est venu à Paris, est descendu chez vous.
— Peut-être manquait-il d’argent.
— À l’instruction, vous avez refusé de donner des renseignements sur Matha et sur Ortiz.
— Je me souciais de ne rien dire qui pût les compromettre. J’agirais de même à votre égard, monsieur le Président, si le cas se présentait.
— Il est établi que vous vous entouriez de Cohen et d’Ortiz.
— Pour entourer quelqu’un, il faut au moins trois personnes.
— On vous a vu causer avec des anarchistes derrière un réverbère.
— Pouvez-vous me dire, monsieur le Président, où ça se trouve derrière un réverbère ?
— On a trouvé dans votre bureau, au ministère de la Guerre, onze détonateurs et un flacon de mercure. D’où venaient-ils ?
— Mon père était mort depuis peu de temps. C’est dans un seau à charbon qu’au moment du déménagement j’ai trouvé ces tubes que je ne savais pas être des détonateurs.
— Interrogée pendant l’instruction, votre mère a déclaré que votre père les avait trouvés dans la rue.
— Cela se peut bien.
— Cela ne se peut pas. On ne trouve pas de détonateurs dans la rue.
— Le juge d’instruction m’a demandé pourquoi je ne les avais pas jetés par la fenêtre au lieu de les emporter au ministère. Vous voyez qu’on peut trouver des détonateurs dans la rue.
— Votre père n’aurait pas gardé ces objets. Il était employé à la Banque de France et l’on ne voit pas ce qu’il pouvait en faire.
— Je ne pense pas en effet qu’il dût s’en servir, pas plus que son fils, qui était employé au ministère de la Guerre.
— Vous avez dit que vous croyiez que les détonateurs n’étaient pas des engins explosifs. Or, M. Girard a fait des expériences qui établissent qu’ils sont dangereux.
— Cela prouve que je me trompais.
— Voici un flacon de mercure que l’on a trouvé également dans votre bureau. Le reconnaissez-vous ?
— C’est un flacon semblable, en effet. Je n’y attache pas l’ombre d’une importance.
— Vous savez que le mercure sert à confectionner un dangereux explosif, le fulminate de mercure.
— Il sert également à confectionner des thermomètres.

Félix Fénéon a été acquitté.



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