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Cousine K de Yasmina Khadra

Par Sylvie
Cousine K de Yasmina KhadraEditions Julliard, 2003

Yasmina Khadra (l'ancien officier algérien qui a pris un pseudonyme féminin pour échapper à la censure) nous a habitué à des romans politiques notamment sur le terrorisme. Ici, il nous livre un court récit intimiste très marquant mettant en scène un être exclu qui sombre dans la haine et la folie.

Il s'agit d'un monologue intérieur d'un homme relégué derrière les fenêtres de sa grande maison dans un village algérien où la sécheresse règne. Nous ne saurons jamais son nom ; le lecteur saura seulement qu'il est une silhouette fantomatique mal aimée par son entourage : il a découvert son père assassiné à cinq ans. Sa mère lui a toujours préféré son frère aîné. Il voudrait aimer, montrer son affection mais ne sait pas...Il tombe amoureux de Cousine K qui est adorée par sa mère. Mais K est bien ingrate ; ivre de jalousie, le jeune homme pourrait être capable du pire...

Khadra installe brillamment une atmosphère très âpre : la sécheresse du pays, la tristesse et la pauvreté des habitants, le vent qui souffle plante le décor. Puis il y a cet homme enfermé derrière ses volets qui épie le moindre geste et qui se souvient. Khadra prend soin de bien décrire la solitude de l'homme, sa tristesse puis tout à coup le lecteur est surpris par une telle violence. Parfois, nous avons l'impression qu'un monstre enfermé dans une maison nous parle. Le lecteur éprouve alors un rôle de sentiment, entre condamnation et pitié ; car la solitude et le rejet peuvent conduire à la pire folie...

L'écriture très métaphorique nous hypnotise littéralement et nous enferme dans un atmosphère de déréliction.

Je vous laisse découvrir des phrases très poétiques qui font toute la beauté du livre :

"Je ne vis pas vraiment ; je ne fais qu'être là, quelque part ; une ornière sur un chemin, un nom sur un registre communal. Les nuages qui essaiment par dessus la montagne, la brise musardant dans l'empuantissement, les mioches que délure la rue et le braiment des ânes ne me divertissent pas. Je considère la nuit comme une agression, subis le regard des autres comme un viol, et me fais violence toutes les fois que j'ouvre ma fenêtre sur le village. Je n'aime pas les papillons. Pourtant, s'ils pouvaient se pousser un peu pour me frayer une place dans leur chrysalide, je leur donnerais mon âme et mon corps en guise d'offrande et chanterais leurs louanges jusqu'au jour dernier. Mon matin est aussi navrant que vain ; une île perdue au large du renoncement. Son soleil me brûle, ses perspectives me donnent la nausée; .... Ma nuit est une concubine frigide et ingénue. Ses baisers sont urticants, ses fantasmes incongrus. Dès le coucher du soleil, elle me rejoint....Souillant mes draps et mes chairs à la manière d'une truie. Ensuite, elle se retire, en même temps que la marée. Tirant la couverture vers elle. M'abandonnant seul et nu, tel un ver solitaire, dans le monde démentiel du "déjà-vu". .....Captif des lassitudes, des serments avortés et des années mortes, il m'arrive souvent de scruter la pénombre sans savoir pourquoi, de veiller longuement le silence à l'affût de je ne sais quoi. J'ignore pourquoi je suis venu au monde, pourquoi je dois le quitter. Je n'ai rien demandé. Je n'ai rien à donner. Je ne fais que dériver vers quelque chose qui m'échappera toujours..."

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