Magazine Journal intime

Et alors ta journée

Par Markhy

Quand elle rentre le soir, elle me dit : et alors ta journée. Et cette question est tuante. Je me faisais toujours niquer, étudiant, je devais répondre « j’ai découpé des papiers et j’ai photocopié jusqu’à trouver une compo qui m’impacte un peu avant de tout foutre à la poubelle et d’aller boire une bière au Magnolia ». Donc je m’énervais en lui disant ça, parce que je comprenais que j’avais perdu du temps, que j’allais devoir taper la nuit blanche pour rattraper. Et on se criait un peu dessus dans la voiture en allant faire des courses etc. Je fais attention de toujours parler avant, maintenant. Le bagou gagné de la relation qui dure, j’ai bien regardé comment fait mon père à ma mère, le gros malin. Et alors ta journée. Et donc là pendant une heure minimum, j’ai sa journée. Il se passe toujours un truc et c’est dingue, je l’écoute vraiment même si elle ne le croit pas. Et je réfléchis aussi à ce que j’ai foutu, mon planning. En fait, je sais pas trop ce que j’ai foutu, j’ai mes périodes.

Genre parfois j’écris des pages sans m’arrêter, plein de conneries, des idées, des passages, des blagues à moi même et je me marre réellement comme un trou du cul, et je supprime tout vers 11h comme si je me réveillais et que j’étais un merdeux. Hangover. Alors je prends généralement un café et je lis des livres, mais j’oublie le café donc, la dolce gusto finit par s’éteindre toute seule et j’ai lu aucun livre car il y avait du linge à nettoyer/ranger et je finis par m’énerver sur le son que j’écoute car c’est la 100ème fois que je me le fous dans la tête. Et je lis des articles un peu partout, je récupère d’autres mp3 au cas où j’ai raté le train, mais ça va on ne m’en voudra pas. Et là elle m’envoie un sms « on mange pas ensemble ce midi ». D’un côté je suis énervé j’envoie un « :/ » d’un autre côté je suis content, personne me sortira de mon road-trip en cage et ça peut durer jusqu’à 22h sans que je capte plus rien. Oui, elle travaille tard parfois.

Genre d’autres fois j’ai du boulot comme si c’était tombé du ciel. Je sais pas comment ça marche ce game. Donc là je fais bien mon truc, j’ai 40 fenêtres ouvertes, mon bureau est en bordel, je cherche de l’icono partout, j’en crée, j’en vole discret avec un petit filtre « trame de demi-teinte ». Je dis que je suis pauvre et je me retrouve à chiner des bouquins de trucs d’artistes que j’oublie dans la minute où j’ai trouvé ça excitant, un million d’idée dans le crâne, dans les couilles, pour révolutionner le monde et je ponds la petite merde dans l’urgence au milieu de tout ce que j’ai chiadé. C’est ce qu’on retiendra. Avant de recommencer le cycle, d’envoyer des mails, parfois avec CV, parfois avec la langue pour lécher. Je suis mauvais pour ça.

Et genre je bosse à mon œuvre plusieurs fois. Alors ça, ça a commencé depuis longtemps. Depuis qu’il a fallu plaire aux filles. Mon œuvre, je sais pas trop ce que c’est mais je bosse dessus, je pose les limites. Et c’est l’heure de la sieste. Je reste dans mon coin et je me dis tiens ça serait marrant de faire un truc sous Processing où je dis salut et t’as toutes les meufs qui tiennent un blog vidéo qui me répondent « coucou les filles ». Et je dis « tenue » et elles détaillent toutes en même temps leur tenue dans un brouhaha impossible, elles nous enfument au gaz sarin. Ça exprimerait le bruit ambiant de l’internet et le fait d’exister sans exister, d’être dans un univers plus que convenu où l’on respecte tous les codes attendus, « coucou les filles », en espérant sortir du lot à se nommer megaconnard. J’y crois pas du tout mais je me dis que le commissaire de l’expo que je ne connais pas encore pourrait bien pondre cette phrase dans le communiqué de presse. Et je commence à riper tous les youtube de toutes ces meufs et comme j’aime pas le décor de leur chambre et ça rendrait mieux avec un petit fond uni, j’ouvre le putain d’after effects pour la rotoscopie. Et au bout de 36 images (1seconde et 12 images) j’ai envie de mater une série. Mais j’ai déjà tout vu alors j’écris des lettres de motivation ou j’oublie de répondre aux potes. Je regarde ma rotoscopie et elle est toute pourrie. Je supprime toutes les images clés. Et je vais aux chiottes. Je rap mais pas trop fort, en ce moment il y a des ouvriers sur notre pallier. Et en fait je crois que je fous vraiment rien, je me dis en voyant mon reflet dans l’appart’ alors je me remotive pour pondre un texte pour quelqu’un. De la money bonus. Mais t’as les notifs mails qui sonnent de partout. Je pleure chaque fois que ma candidature ne correspond pas mais qu’il garde mon dossier au cas où. Je lui transfère tous ces mails de refus pour qu’elle m’encourage un peu et c’est beaucoup dur parce qu’elle demandera quand même.

« et alors ta journée ».

Malgré les tweets, les like, les mails, les sms. Je n’ai rien à dire. Sauf et toi.

Qu’est ce que j’en ai à branler de Julian Assange.

Bonus Track



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