e-loue, remède contre la loose … 24e démonstration !

Morgane, Morgane et Morgan sont trois frères et sœurs. D’aussi loin qu’ils se souviennent, ils ont toujours eu plusieurs choses en commun : des parents au sens de l’humour particulier qui leur ont (presque) donné le même prénom, les railleries de leur camarade de classe sur cette particularité homonymique, et une passion extrême pour Guy Marchand … non pas en tant qu’acteur, mais en tant que chanteur.

Depuis qu’ils sont tous jeunes, le trio ne cesse de se passer en boucle destinée :

Leur cœur fond à chaque fois qu’ils entendent l’homme murmurer les paroles de cette chanson d’amour. Pendant de très nombreuses années, ils ont littéralement voué un culte à Guy Marchand, allant jusqu’à regarder tous les épisodes de Nestor Bruma dans l’espoir que l’acteur/chanteur n’entonne sa destinée.

Hélas, Guy (”guitou”, comme ils le surnomment entre eux) semble avoir tirer un trait définitif à sa carrière musicale. Pire : dès que le sujet est abordé, l’homme prend la mouche, s’emporte, s’énerve …

Le rêve de Morgan, Morgane et Morgane est de pouvoir rencontrer leur idole, et que celui-ci pousse la chansonnette, juste une fois, rien qu’une fois. Depuis leur majorité, ils parcourent le monde, à la recherche de Guy Marchand (qui, comme chacun sait, est sans cesse en déplacement pour des tournages aux coins de la Terre, le veinard ! ^^). A chaque fois qu’ils parviennent à le repérer, un obstacle les empêche toujours de s’approcher plus.

Aussi, à quelques jours de Noël, c’est une toute autre stratégie que les trois frères et sœurs mettent au point. Pendant plusieurs mois, ils ont épargné, mis de l’argent de côté, pour acheter une information capitale : l’adresse de la maison de vacances où “guitou” va passer les fêtes de fin d’année. L’information enfin en leur possession, ils comptent aller frapper à la porte de leur star, et lui demander d’exhausser leurs prières.

C’est un vendredi … Monsieur H., leur contact, est en retard. Ils l’attendent dans leur voiture, prêts à partir, sur le qui-vive. Dans une valise, à l’arrière, une valise comprenant plusieurs milliers d’euros en petites coupures … Les minutes passent, et Morgane s’impatiente. Il demande à sa sœur, Morgane (^^), si elle ne s’est pas trompé de lieu ou d’horaire … il semblerait que ce ne soit pas le cas. Soudain Morgan cesse de respirer : il aperçoit Monsieur H. au coin d’une rue. Ni une ni deux, ils fondent tous sur lui et, en moins de temps qu’il ne faut à une bande de piranhas pour dévorer un animal innocent, la petite troupe hurle, pleure de joie, et s’engage sur l’autoroute. Direction : Toulon !

La route est longue, ils ont froids, ils trépignent, et ne cessent d’écouter en boucle destinée. De temps à autre, l’un d’eux cherche à se calmer en inspirant profondément … puis la tentation d’exulter redevient trop intense, et le revoila à s’éventer avec sa main avant de crier de plus belle, de rire, de sangloter, de remercier Dieu, le Président, la Vie et l’Amour. De vrais fans, vous dit-on !

Bientôt arrivés devant la maison (aaaaaaaaaah c’est trooooop intense comme jooooooooooie), ils tirent au sort celui (ou celle) qui appuiera sur la sonnette … et c’est Morgan (ouf !) qui est le vainqueur. Le jeune homme, fébrile, manque plusieurs fois de tourner de l’oeil. Un gros effort plus tard, Guy Marchand est devant eux, manifestement intrigué, mais pas nécessairement dérangé ou en colère.

Morgan : Bonjoureuuuuuuuh, Monsieur Marchand … c’est tellement … tellement … un … honneur de vous voir, de vous parler … nous … nous sommeuuuuuuuuuh vos plus grands fans, nous vivons pour vous, nous vous aimons, et nous vous avons suivi partout dans le mondeuuuuuuuuuuh depuis de nombreuses années, sur les tournages, partout … nous n’avons jamais la chanceuuuuuuuuh de vous voir de si près … nous sommes tellement heureuuuuuuuh …

Guy Marchand : Et bien enchanté, je suis désolé, je n’ai pas beaucoup de temps à vous accorder. Mais ça me fait très plaisir de savoir que j’ai des fans aussi fidèles que vous.

Morgane (en pleurs) : Vous êtes tellement … tellement “tout” !

Morgane (l’autre, en reniflant) : Merci à vous, merciiiiiiiii !

Guy Marchand : C’est idiot, je n’ai même pas de photos de moi à vous dédicacer, ni rien.

Morgan : Monsieur Marchand, notre plus grand rêveuuuuuuuuh est de vous entrendreuuuuuuuh chanter destinée.

Guy Marchand : …

Morgan : Nous savons que vous avez tiré un trait sur cette période de votre vie, mais vous nous feriez (il crie) TELLEMENT PLAISIR !!!!

Guy Marchand : Bon … juste une fois alors, une fois et puis ensuite je rentre chez moi, et vous faîtes de même, nous sommes d’accord ?

Les trois (en larmes) : Oui, merci, merci, vous êtes trop bons, merciiiiiiii.

A ces mots, Guy entame le premier couplet et le refrain de destinée (sous l’émerveillement général). Morgan, qui, mine de rien, ne perd pas le nord, et muni de son appareil photo, pointe l’objectif vers son idole. Bientôt, la chanson est finie, et “guitou” retourne chez lui.

Sous le choc de ce bonheur, le trio remonte en voiture, sans un bruit, puis fait route vers Paris … il est déjà tard. Tous se repassent mentalement cet événement. A mi parcours, Morgan exulte, d’un coup d’un seul et en plus, j’ai filmé ça, on pourra se le passer, encore et encore. A ces mots, le véhicule s’arrête, et les trois têtes se penchent au dos de l’appareil numérique.

Horreur, Morgan, dans la confusion la plus totale, a oublié que l’outil High Tech est de mauvaise facture ! Capricieux, celui-ci n’a pas filmé, mais seulement pris une unique photo :

Le malheur s’abat sur ces trois pauvres âmes … pas la peine, le chagrin, non, le malheur, le vrai. Plus tard, ils décideront de retourner chez “guitou”, bien décidés à le supplier de refaire la scène à l’identique. Rien n’y fera. Pire : la police viendra les arrêter. Amende, injonction du tribunal, impossibilité de se trouver dans une zone de 300 m autour de leur raison de vivre.

S’ils nous avaient écouté, Morgane, Morgane et Morgan auraient tout simplement loué un appareil photo numérique digne de ce nom, en prévision de cette rencontre