Magazine Cinéma

"Train de nuit" : le degré zéro de l'existence

Par Vierasouto

Ce film dépressif et déprimé a pourtant un ton, un style anti-sophistiqué et figé, désertique et déserté, en couleur mais en noir et blanc comme le négatif de la photo, en musique mais souvent celle des machines assourdissantes des fonderies, tels des bombardements en temps de paix. Qu’il s’agisse du décor misérable et morose du désert en ville, la salle de fête de l’agence matrimoniale, ou bien de l’univers déshumanisé de l’énorme usine broyeuse d’individus minuscules, partout la désertion des sentiments, les rencontres sans tendresse, les rapports sans compassion, l'individualisme de survie.
 

© Ho Hi Pictures Galerie complète sur AlloCiné


Pour illustrer ce désespoir encore pavé de quelques maigres espérances, une jeune trentenaire, Wu Hongyan, bourreau de profession, travaille dans un tribunal de l’ouest de la Chine où elle est chargée de veiller sur les femmes condamnées pour crime passionnel, quelquefois aussi de les exécuter. Pendant le week-end, Hongwang prend un train de nuit pour se rendre en ville à une soirée dansante dans un club de rencontres, le Bonne Chance. Mais les rencontres amoureuses de passage décevantes ont souvent la brutalité du monde du travail corrompu de la Chine d’aujourd’hui, aggravant encore la solitude de la jeune femme. Un jour, Hongyang rencontre Li Jun, un individu mystérieux dont elle ignore qu’il est l’époux d’une des femmes condamnées à mort… D'où un petit côté polar insufflant au film l'énergie du suspense.
Le nouveau cinéma chinois décrit un pays en pleine mutation où il semble que les améliorations matérielles des conditions de vie, loin de conduire au bonheur, laissent au contraire les êtres désemparés et solitaires, sans autres repères que matériels dans un pays où on se tue au travail 24 heures sur 24 pour gagner un peu d’argent. Dans cette société, les rapports humains ressemblent alors à l’addition de solitudes miniatures. Tandis que le gigantisme de l’usine de ce "Train de nuit" écrase les individus qu’on dirait compressés par les machines, dans le club de rencontres, ce sont des fantômes qui errent, des survivants…
Un cinéma intransigeant comme "Still life" l’année dernière ou "Le Mariage de Tuya" où on n’atteignait pourtant pas, loin de là, ce degré de dévastation morale. Un beau film d'un authentique cinéaste pour un public averti.

© Ho Hi Pictures


Note CinéManiaC :
Notez aussi ce film !


 

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Vierasouto 1042 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines