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Des mondes de papier

Publié le 19 octobre 2010 par Europeanculturalnews
Des mondes de papier

Grenouille pour jeu de balle, R. Ackermann, entre 1906 et 1918, chromolithographie, 129 x 58 cm. Strasbourg, Cabinet des Estampes et des Dessins. (c) Photo : M.Bertola

L’imagerie populaire de Wissembourg

Un chinois à la bouche ouverte et au regard méchant, un gorille avec un haut de forme à la main, une image sainte avec un cadre doré, un jeu de société, l’éruption du Mont Pelé qui a eu lieu à la Martinique en 1902, mais aussi des têtes de lapins de pâques et des pères Noël : On peut admirer tout ceci et encore davantage sur de grandes feuilles de papier multicolores à la galerie Heitz au Palais Rohan à Strasbourg. Grâce à l’exposition «Des mondes en papier – l’imagerie populaire» organisée en collaboration avec le musée alsacien, le visiteur a l’occasion de se familiariser avec un chapitre particulier de la culture populaire alsacienne: les travaux de l’entreprise Wentzel, fondée en 1839 à Wissembourg. Au 19e siècle, cette entreprise fut l’une des plus importantes pour l’impression des lithographies en couleur. Ses produits furent distribués dans toute l’Europe. En transitant par un dépôt à Paris, les feuillets étaient livrés dans toute la France, mais également plus au sud, jusqu’en Arabie Saoudite. L’Alsace fut le point de départ pour les cargaisons destinées à l’est européen, jusqu’à la Pologne.
Après une histoire riche en changements, aussi riche en changements que l’histoire même de l’Alsace, l’entreprise a cessé son activité cent ans après sa création.

Des mondes de papier

Gare de chemin de fer, Fr. Wentzel, entre 1865 et 1869, lithographie colorée, 30,5 x 45,2 cm. Strasbourg, Musée Alsacien (c) Photo : M.Bertola

Jusqu’en 1870, l’année où l’Alsace fut conquise par les Allemands, la production de Wentzel fut pratiquement 100 % bilingue, car la clientèle alsacienne savait lire et écrire l’allemand. Si à ses débuts l’entreprise se consacra essentiellement à la diffusion de motifs religieux, ses dirigeants comprirent très vite que les affaires avec les enfants étaient au moins aussi lucratives. Des jeux, de petites poupées, des coulisses de théâtre et des feuillets d’images «optiques » furent distribués par des représentants itinérants et également par l’intermédiaire des librairies. Mais Wentzel n’a pas seulement diverti la population. L’entreprise a également contribué à son instruction, tout en soutenant le pouvoir en place. Sous forme de séries historiques on a fait connaître de façon imagée la vie de héros de romans légendaires à la population. Les portraits des grandes figures républicaines et même le pape ont trouvé leur chemin dans les foyers où à l’époque la télévision ne faisait pas partie du décor.

La production de l’entreprise Wentzel était la preuve que déjà à cette époque les alsaciens avaient différentes confessions: en plus des motifs chrétiens comme le cœur Jésus ou la vierge Marie, on pouvait y trouver des motifs luthériens comme les portraits des grands réformateurs Martin Luther, Philippe Melanchton, Jean Calvin, Ulrich Zwingli et Jean Hus. Des images juives, comme Moïse et les 10 commandements et même des sourates du Coran étaient également imprimées. Ces derniers étaient sans doute des commandes venant de l’étranger. Wentzel imprimait tout ce qui pouvait rapporter de l’argent.

A cette époque, l’entreprise faisait partie des cinq sociétés les plus importantes sur le continent. La concurrence dans le secteur était rude. Débaucher des collaborateurs qualifiés était un acte qui était souvent suivi par une action en justice, une collaboration entre les différentes entreprises était en ce temps-là totalement exclue.
Au 19e siècle, chaque feuillet était soumis à la censure de façon à empêcher toute diffusion d’idées qui auraient pu porter atteinte à la sécurité de l’Etat.

La promenade à travers l’exposition permet d’apprendre au sujet de la diffusion des événements par l’image: des évènements comme l’incendie de l’opéra de Paris en 1887, ou alors la rébellion des Hereros en 1904 en Afrique de l’ouest allemand nécessitaient au moins quelques semaines pour faire le tour du pays.

Les images à taille réelle représentant de belles dames, des chasseurs, des fous du roi, des chevaliers, des cartes de jeux et tant d’autres sujets composés de 4 feuillets, servaient à décorer les murs des petits bistrots et des brasseries associatives. De cette façon, ces dernières ont réussi à se fabriquer une image moderne et porteuse de message.

« Des mondes de papier » c’est une promenade à travers l’histoire du 19e et du début du 20e siècle. Une époque, où les images étaient encore rares mais l’imagination d’autant plus fertile.

Vous trouvez plus d’information en suivant le lien suivant :

http://www.musees.strasbourg.eu
Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker


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