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“Another Year”, trio magique

Par Kub3
Mike Leigh signe son onzième film et brille une fois de plus.

Chez Mike Leigh, le bonheur et la douleur ne se distinguent jamais. Comme l’osmose parfaite entre le rire et les larmes. Un équilibre idéal ? Oui mais aussi une révolte. Celle contre la vie, cruelle mais immuable. Pouvons-nous aider les autres ? Et surtout comment ? C’est ainsi que se caractérise le cinéma social du cinéaste anglais, qui signe ici son onzième film et brille une fois de plus. Dans Another Year, la délicatesse domine. Et la beauté des personnages nous gagne peu à peu. Telle est la méthode de Mike Leigh : dévoiler le charme unique de ses personnages, des éclopés.

“Another Year”, trio magique

Qui ne connaît pas une femme un peu toquée et extravagante sur les bords ? Mary (Lesley Manville) en est la figure type. Un fléau, cette bonne femme : larmoyante à souhait, dépressive, débarquant à l’improviste… Elle se trimballe, vous suit partout et pose des questions quand il ne faut pas (étrange point commun avec Cynthia dans Secrets et Mensonges). Son métier : secrétaire dans un cabinet médical. Sa seule amie, c’est Gerri (Ruth Sheen), sexagénaire placide, mariée à Tom (Jim Broadbent), géologue impassible à l’air crétin. Le couple est serein, ils ont un fils qui peine à se marier et un grand jardin qu’ils ne cessent de bichonner. C’est chez eux le rendez-vous de tous les écorchés de la vie, le lieu où naissent tous les espoirs. Des amis malchanceux, des gens “à plaindre”, un frère en deuil… Tous ont le mal de vivre, les regrets de l’existence, cette mélancolie… Et pourtant il y a cette espérance de s’en sortir, ce sourire de Mary, cette demande en amour de Ken et tous ces mots qui font naître l’ambigüité. Mike Leigh n’est pas un moraliste, il peint simplement nos vies. La réussite du film est là : dans le reflet de nos illusions, le miroir de nos malheurs. Dans Another Year il n’y a aucun manichéisme, simplement des personnages qui tentent de s’en sortir avec ce qu’ils ont et ce qu’ils sont. Un peu comme dans un conte tchekhovien, ou la fatalité est une évidence.

Chez Mike Leigh, les saisons révèlent tout : le temps qui passe, la solitude, le réconfort et la mort. Pouvons-nous changer ce que nous sommes ? Non, le changement est une illusion. Notre seule solution : s’efforcer à trouver l’harmonie, un peu comme celle de Tom et Gerri. De la bouffe, de l’alcool et des cigarettes, seule issue pour ces âmes malheureuses qui viennent se réfugier chez eux. Alors Mary goute à l’ivresse pour sortir de ce quotidien qui la ronge, cette solitude qui la gagne. Mais pourra-t-on la sauver ? Il est déjà trop tard. Elle, si touchante, si fragile… Que cherche-t-elle ? Seulement un peu de réconfort, pour ne pas pleurer encore une fois, et se dire que tout n’est pas terminé. Car même une année de plus ne changera rien. Le quotidien restera le même.

C’est cet humanisme qui apporte à Another Year la grâce. Et puis, ces acteurs anglais si formidables. Mike Leigh les aime tant, ces rebelles au cœur d’argent : Lesley Manville, si éblouissante, Ruth Sheen, si flegmatique, et Jim Broadbent, si imperturbable… La réussite du film tient grandement à ce trio de paumés. Et même s’il y a parfois trop de longueurs, leur histoire blesse et enchante. Another Year est la preuve que même au cœur de la douleur, il reste cet espoir minime de croire en la vie. Que même si la tristesse domine, jamais le désespoir ne l’emporte.

“Another Year”, trio magique

En salles le 22 décembre 2010

Crédits photos : © Diaphana Distribution


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