Mind the Kap

Non, l’electro française ne se résume pas à la French Touch et à mettre des polos multicolores. Si je n’ai rien contre Institubes et compagnie, en tant que vieux fan de TTC, il n’empêche qu’une certaine énergie punk commençait à manquer par ici. Avec Rebeka Warrior et Mitch Silver de Sexy Sushi, Caroline Martial et Orion Bouvier de Kap Bambino redonnent foi en la musique française engluée dans l’alter-démagogie et le parisianisme pseudo-décalé. Il était temps de donner un grand coup de pied dans la fourmilière pour dépoussiérer tout ça à coup de gros beats agressifs et de concerts qui dépotent. Kap Bambino est arrivé à mes oreilles je ne sais comment, très certainement grâce au magazine D-Side qui leur a ouvert ses pages à l’occasion de la sortie de Blacklist, en 2009. Un tour sur le MySpace plus tard et j’avais en poche ma claque electro de l’année… Rapidement, Kap Bambino, c’est 8 singles et EP, et deux albums sortis l’un en 2006 (Zero Life Night Vision), l’autre en 2009 (Blacklist). C’est aussi une carrière majoritairement indépendante sur leur propre label wwilko, puis Alt < Delete, poussée au niveau supérieur chez Because Music après de nombreux déboires. Nous ne pouvions plus assouvir les demandes de notre public, ni de notre chat (D-side 53), voilà pourquoi les deux bordelais se retrouvent au milieu de Justice, Charlotte Gainsbourg et Uffie pour un avenir qu’on espère radieux. Et pour découvrir le son Kap, rien de tel que de profiter des quatre vidéos officielles, Save, Red Sign, Dead Lazers et Batcaves, histoire de comprendre qu’on n’est pas face à des rigolos, même si le deuxième album est plus varié et fourni que le premier. Après l’écoute, il était temps de passer par la case live, d’autant que les photos de la page MySpace étaient très prometteuses. Malheureusement, mes rendez-vous avec les Kap avaient été deux fois manqués : en premier à Clermont-Ferrand, où l’affiche se partageait avec Pony Pony Hype-Hype Run Run, ce qui avait du provoquer un afflux de jeunes branchés : résultat, concert complet avant que j’ai le temps de souffler. Ensuite, à Lyon, lors des dernières Nuits Sonores, concert (gratuit) annulé pour cause de blessure la veille… Mais le duo pense à son public et nous fait la promesse de revenir nous voir dans quelques mois. Promesse tenue le 8 Octobre et autant dire que les fans étaient au rendez-vous : la salle du Kao a chauffé comme jamais et j’ai sué comme jamais aussi… Parce que rarement un groupe et un public auront eu autant envie de se rencontrer, quelques mois après l’annulation de dernière minute qui a échauffé tout le monde. C’était la symbiose, la vraie, celle qui annule la frontière entre la fosse et la scène et transforme le tout en grande fête géante (pauvre sécu). Il n’a pas fallu attendre longtemps avant qu’une première personne monte sur scène, suivie par beaucoup d’autres pendant toute la soirée, que Caroline enlaçait parfois, où renvoyait dans le public ; et c’est sans compter sur ses propres voyages dans la fosse, transportée, disparue, avalée, tirant ses fils aussi loin que possible pour chanter au milieu de la foule, convoitée comme une déesse sonique, passée de blonde à furie gothico-sexy, jamais claquée, jamais fatiguée. Elle possède l’espace, debout sur la table, transportée par les fans ou calée contre une baffle, comme l’unique maîtresse de cette party trop courte mais si intense. Car le concert a filé très vite, mais sans fioritures : juste le temps qu’il faut pour être lessivé, trempé, et attraper un métro à l’heure (très important). Je savais qu’on pouvait compter sur vous, nous lâche Caroline. Ceux qui se plaignent des publics mous n’ont qu’à suivre mon conseil : chopez Kap Bambino près de chez vous si l’occasion se présente histoire de vous noyer dans la foule comme à l’ancienne. Il est peut-être possible que je m’excite trop, car ça fait bien un an que je ne m’étais pas autant amusé. Et pourtant, après le dernier morceau, les visages incrédules ne semblaient dire qu’une chose : qu’est-ce qui vient de se passer, là ? N’oublions pas le duo Magnetix dont la première partie très rock’n'roll et très dissonante a électrifié le public, concert dont je vous propose de voir deux vidéos ; rien pour Kap Bambino, la folie était telle que je ne pouvais sortir l’appareil sans que ça se transforme en film de Gaspar Noé. Heureusement pour moi, mes affaires restaient au chaud dans mon sac qui reposait sur une baffle à gauche de la scène. Par contre, j’ai gagné un aller à la boutique Orange pour débloquer mon portable qui me demande mon code PUK : j’ai supposé que la pression sur ma poche a fait entrer mille codes PIN incorrects, tout ça pour surveiller l’heure du métro… Mais c’est un soucis bien dérisoire. Pour finir, coup de pouce à la première partie locale, Blackbreinz, et son electro girly et sautillante. Que dire maintenant ? Mon cerveau tente de reconstituer la playlist et d’oublier la jolie fille sauvée des bras d’un jeune homme trop insistant. Je me dis aussi que le Kao, c’est pas mal, que je reviendrai certainement surtout si ça ne finit jamais trop tard. Et comme d’habitude, j’ai bu un Coca et un jus de pomme, mais je me rends compte que la folie n’attend pas l’alcool pour se déclarer. Quand aux deux Kap, ils ont filé en Italie dès le lendemain et reviendront en France le 23 Octobre à Allones, près du Mans. Et après, ils s’occuperont très certainement des prochaines sorties de leur label wwilko. Et moi, j’essayerai de ne pas être trop blasé des concerts, espérant très fort retrouver une telle ambiance, avec eux ou avec d’autres. Gardez le Kap ! Et à part ça ? Je parlais de D-Side plus haut : le magazine electro-goth est mort mais renaîtra en Novembre dans le corps d’Obsküre Magazine, comprenant des membres du site du même nom et des anciens de D-Side. Le magazine sera pensé comme un média global, entrant en résonance avec le site, et réciproquement. Pour les curieux, Nikö d’Obsküre viendra présenter cette nouvelle entité dans l’émission de radio Coma Electrique le 5 Novembre prochain.