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"Indignez-vous" de Stéphane Hessel, l'esprit aristocracritique des Lumières, Voltaire, Beaumarchais, l'alerte interne à l'attention des "élites"

Publié le 01 janvier 2011 par Jcgrellety

Dans la gérontodémocratie française (les Sénateurs qui mènent train de, les députés dont la moyenne d'âge est de plus de 60 ans), les "vieux sages" sont rares. De l'époque de la Seconde Guerre Mondiale où tant de citoyens français et une majorité d'êtres humains sur cette planète ont eu à affronter les pires fous dangereux de l'Histoire, il n'y a presque pas ou plus de "grandes âmes" qui, dans un monde si différent, osent parler pour exprimer un discours argumenté ET posé. C'est ce qu'a fait Stéphane Hessel, simplement, dans "Indignez-vous" et à propos duquel il s'explique ici. Certains font remarquer lucidement que le propos est loin d'être "révolutionnaire" : "Que dit Hessel ? Rien de très original, ni de très violent. Le nouveau chef des Indignés ne propose pas de jeter des bombes, ni de prendre le Palais d'assaut pendant la nuit du Nouvel An. Il dénonce "la dictature des marchés financiers". Il propose de confier à ses confrères diplomates des Nations Unies la lutte contre ces dictateurs des marchés. Il espère des dirigeants ayant "une vision claire et encourageante". Mais le Sarkozistan tout entier, dignitaires compris, tient ou pourrait tenir le même discours ! Et à propos de l'Homme Fort, justement, quel terrible cri d'indignation lance-t-il, dans son allocution de Mediapart ? Simplement que "ses voeux ne sont plus crédibles". On pouvait imaginer indignation plus virulente. Si le Régime ne trouve face à lui que le vénérable ambassadeur de France Hessel, il devrait pouvoir survivre. Alors ? Une sourde indignation rentrée court le pays. Jusqu'aux dernières heures de l'année, les motifs d'indignation seront tombés en grêle. Dans les seules dernières heures, on a appris coup sur coup que Le Monde (opposition modérée) avait délibérément censuré des accusations de corruption, pourtant en sa possession, contre les politiciens du pays, et que le gouvernement se refusait obstinément à condamner un de ses alliés européens, la Hongrie, qui vient de faire tomber une chape de plomb sur la presse. Excusez du peu ! Il y a embouteillage d'indignation. Les indignés eux-mêmes sentent bien les ambiguïtés de leur indignation. S'indigner, certes. Mais cela suffit-il ? Quels débouchés donner à cette indignation ? Hessel se prononce en faveur de la très modérée opposante officielle Aubry. Il décerne même un brevet "d'homme de gauche" à l'opposant encore plus sage Strauss-Kahn, nommé par le Numéro Un lui-même à la tête du Fonds Monétaire International, et que certains radicaux qualifient de "boucher des peuples". Peu importe que cette indignation reste sage." Stéphane Hessel n'incarnera pas l'esprit renouvelé de la Révolution, mais c'est un homme posé, attentif au monde qui l'entoure, qui ne s'abuse pas de bons mots et ne vend pas une "communication", un homme de dialogue et dont l'analyse sur les structures du monde sont confirmés et partagés par tant et tant. C'est surtout la conscience-type des Lumières que nous retrouvons dans l'homme-Hessel : l'indignation voltairienne contre le fatalisme providentialiste qui justifiait le tremblement de terre de Lisbonne et ses milliers de victimes, contre les comploteurs de l'affaire Calas, la critique de Beaumarchais d'une noblesse dont la valeur est essentiellement illusoire, tout en accaparant tout ou presque. Mais il s'agit de généralités généreuses. Il s'agit, pour Hessel, de supporter, soutenir et de pouvoir tenir, face à ce qui est "insupportable". Le "thumos" Hesselien est vif mais constamment modéré. Il représente une chance pour les pouvoirs en place qu'il met en cause avec d'autres, car il est un homme de dialogue, modéré, et s'il n'est pas du tout entendu par eux, la modération sera modérément préférée par celles et ceux qui luttent et lutteront. Avant tout, Hessel s'adresse à celles et ceux qui prennent des décisions déterminantes en les invitant à ce dialogue réflexif entre eux avant de continuer à prendre d'autres décisions toujours plus lourdes et graves. "Le peuple" s'est heurté à un mur, ici, comme là-bas (en Israël/Palestine). A t-il une chance d'être entendu par des consciences si fières de l'étroitesse de leur espace et de leurs frontières-limites ? Il est symptomatique de l'entendre tenir des propos et des analyses semblables ou parallèles à celles de Jean-Luc Mélenchon, et dans le même temps critiquer celui-ci. Il s'agirait de soutenir une radicalité non radicale. Quelles que soient ses limites, Stéphane Hessel participe, étant donné son parcours et sa situation sociale aisée, à une "conscience commune" qui permet de convaincre des citoyens exagérément modérés qu'il faudra bien avoir le courage d'oser des luttes non désirées par les pouvoirs en place !


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