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Eugène Leroy

Publié le 03 janvier 2011 par Lironjeremy
Eugène Leroy

C’est singulièrement « grouilleux » pour tout dire, un mot qu’on s’est inventé faute de mieux sur l’instant, imposant les mots « grouillant » et « pâteux », « boueux » un peu. La peinture épaisse est montée en excès, presque écœurante. On pourrait dire : une croute. On fouille des yeux cette espèce de champ de bataille flegmatique, comme plombé de couleurs rabattues, confuses, on n’y distingue rien, à peine si on y voit. Chaque touche, empâtée, est fondue en une autre, et dans une autre encore en un désastre comme une mer qui bientôt efface, individuelles, toutes les vagues qui la composent. (j’avais déjà raconté ça ici) Les teintes surajoutées ne laissent généralement plus voir qu’un magma indéfinissable, brunâtre, duquel émergent distraitement quelques touches variées. Dans un recul on tente pourtant de faire apparaitre ce que le titre vous suggère. Ou à défaut de titre, un étrange désir de figuration qui s’exerce sournoisement sur tout ce qui s’offre au regard – il faudrait bien y distinguer pour pouvoir saisir ce qui sinon échappe dans l’indéterminé. Mais jamais alors, le sujet ne s’impose en se détachant distinctement. Plutôt le peintre fait venir le fond au devant du sujet, le contaminant, le noyant bientôt dans une pâte épaisse comme la multitude des regards lancés à palper le monde. L’un n’est pas par-dessus l’autre. Là où Giacometti cherche et bute au monde, émaciant ses visages, enlevant la matière jusqu’à rencontrer au fond de tous l’extrémité du squelette, Eugène Leroy cherche ce même point de contact en surchargeant la toile, accumulant comme pour toucher mais sans y parvenir. Il peint l’excédance du monde et sa disparition dans cette excédance même. Alors, ce qui fascine - et touche finalement - dans ces tableaux rustres et lourds c’est ce phénomène d’éclipse, l’identité en péril de ce que l’on croit pouvoir distinguer avant de convenir que cela déjà n’est plus. Cette épaisseur, c’est l’épaisseur du temps, des moments, des aspects, de laquelle sourd comme une permanence ultime, nettoyée, un corps, des fleurs en fagot ou plus souvent une tête qui comme chez Giacometti, puisque leurs différences au bout du compte les rapprochent, laisse percevoir son crâne.

Exposition Eugène Leroy, l'intimité, du 10 octobre au 31 mars 2011, Palais des Beaux arts de Lille.


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