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Le Télétravail en France – Une vraie opportunité à saisir

Publié le 05 janvier 2011 par Mdial

Le télétravail très en retard en France.

Avant d’embarquer sur le sujet du télétravail en France, il faudrait définir ce que c’est.  En m’appuyant sur la définition de l’Accord-Cadre Européen du 16 juillet 2002, le télétravail est le travail qui se fait à distance du bureau grâce aux technologies, principalement à la maison ou dans un local qui est plus pratique par rapport au domicile (par exemple: un centre de télétravail), et cela de façon régulière.   Ce travail doit s’accomplir pendant les horaires habituels du travail et peut être soit un travail spécifique, ou à temps partiel, mais jamais celui ramené ponctuellement ou même chroniquement à la maison.

Le télétravail – un réel intérêt stratégique

A mon avis, le télétravail porte un intérêt absolument stratégique pour les entreprises.  L’intérêt semble gagnant-gagnant pour tous, avec des avantages économiques (gain de productivité, souplesse d’organisation…), ergonomiques (qualité de vie pour le salarié, éviter les temps de transport et les bouchons) et donc écologiques. Quand on entend tous les malheurs et le mal-être des salariés d’entreprise, il semblerait critique de trouver des solutions.  Un dispositif de télétravail devrait à mon sens en faire partie (parmi d’autres actions, bien entendu).

Il était estimé par Gartner qu’en 2011, il y aurait au monde 112 millions de personnes faisant au moins un jour (>8h) par mois de télétravail.  Aux États-Unis, selon l’étude “WorldatWork Telework TrendlinesTM 2009” faite par The Dieringer Research Group, ils étaient 33.8 million d’Américains qui faisaient du télétravail en 2008, une augmentation radicale depuis 3 ans, boosté par une conjoncture particulière: le prix de pétrole, la récession, et l’accélération de la pénétration de l’Internet (haut débit) et de la mobilité.  Si la pénétration de 28.0% aux États-Unis est impressionnant, la Belgique (si proche) est au-dessus à 30.6%.  Voici ci-dessous une graphique réalisée par Gartner de la pénétration dans les pays européens, plus les Etats Unis et le Japon.  L’Europe en moyenne aurait une pénétration à 18.3% en 2010 selon cette graphique.  Ainsi, on peut dire que le phénomène est bien répandu.  Pourtant, la France a l’un des taux les plus faibles parmi les pays développés à 8.9% ; seule l’Italie a un score plus bas.

Nathalie Kosciusko-Morizet avait annoncé, lorsqu’elle était Secrétaire de l’Économie Numérique, vouloir accélérer l’adoption du télétravail en France et il y a un projet de loi dans ce sens.  Pour l’instant, la loi n’a pas vu le jour.  Entretemps, la France continue à peiner.

Quels sont les freins contre le télétravail en France?

Il est certain que le problème est principalement culturel car la technologie, l’équipement et l’infrastructure sont disponibles, et les processus à mettre en place connus. Cependant,  il existe un attachement fort à la présence physique au bureau par le management, mais aussi par les employés.  Il est ancré dans un système vertical où, en sortant de l’école, le français est formé et recruté pour un seul métier/une seule voie. Il aspire à travailler simplement pour l’une des grandes institutions (soit l’état, soit une grande entreprise).  Le statut (qui est considéré noble) est lié à son lieu de travail. Tout comme l’hésitation d’être entrepreneur, le Français semble attacher plus d’importance au nom au-dessus de la porte, et l’adresse de son travail.  Puisque ça marche assez bien ainsi, il n’existe pas une motivation suffisante pour vouloir changer d’habitudes.  Le changement serait synonyme de perte de privilèges, la chasse gardée des syndicats.  Derrière cette réticence pour le télétravail, il y a une crainte — différente selon la position.  Pour le management, il y a la peur du manque de contrôle.  Pour le salarié, outre l’aspect d’appartenance et de contact social, il y a la peur d’être invisible, oublié par la hiérarchie avec le risque de passer à coté d’une promotion éventuelle.  Dans tous les cas, je résumerai la situation par une manque de confiance mutuelle.

Quels changements seraient nécessaires pour accélérer l’adoption du télétravail en France?

En attendant une loi (car tout se légifère de tout façon), je caractériserais en 5 étapes les changements qui pousseraient la France à adopter le télétravail plus rapidement.

  1. La plus facile à régler est la technologie. Si pas tout le monde est encore équipé, il s’agit d’une décision budgétaire car la technologie est au point.
  2. Le processus.  Un des points clés pour la mise en place du télétravail est la bon réglage des objectifs.  Les objectifs du salarié doivent être clairement établis et compris pour éviter les mauvaises surprises à l’entretien de fin d’année.  Un deuxième point clé sur lequel beaucoup de patrons doivent travailler est la ponctualité car le bon fonctionnement du travail à distance demande une rigueur notamment pour les appels en conférence (visio ou pas).
  3. Une crise.  Il pourrait s’agir d’inflation des prix de l’énergie, en particulier le pétrole ou bien de grèves, ou bien des perturbations climatiques sévères. Je verrais les Comex prendre au sérieux l’avantage d’une force de travail “distribuée,” qui pourrait poursuivre le travail à di stance.
  4. L’espace. L’espace coute cher. Louer des espaces dans les centres urbains est à gèrer avec grande prudence ; les besoins en immobilier évoluent dans tous les sens. L’adaptabilité est décisive pour les budgets.  Avoir une marge de manœuvre grâce au travail à distance serait un souffle pour la santé de l’entreprise.
  5. Le temps (… c’est de l’argent.)  De toute façon, avec le temps, quand les jeunes génération prennent le relai et tiennent les rênes du management, ils vont naturellement accepter — voire exiger — le télétravail.

Je reste convaincu que l’état d’esprit nécessaire pour le bon fonctionnement du télétravail est similaire à l’état d’esprit du web communautariste (dit “web 2.0″) : à savoir, capable de socialiser “virtuellement,”  avoir l’esprit de partage et de collaboration, et une aisance avec l’apprentissage à distance et les logiciels dans le nuage (’cloud’)…

Il est évident qu’une fois la nouvelle génération “digital native” a accédé au pouvoir, vu leur aisance avec la technologie et l’envie d’un meilleur équilibre de vie, on verra une plus grande acceptation et motivation d’instaurer les conditions nécessaires (l’équipement, le processus et l’organisation) pour le télétravail.

Avec la compétition pour les talents de demain, les entreprises qui auront compris l’intérêt du télétravail auront un avantage certain dans le recrutement et rétention de leurs employés.  Qu’en pensez-vous de l’importance du télétravail comme avantage compétitif à l’avenir?  De quoi a besoin pour que le télétravail se répand davantage en France?

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Pour plus de lecture sur le sujet voici un très bon article écrit par Yann Gourvennec, chez Orange Labs où vous trouverez également un entretien en vidéo réalisé par Orange-Business.tv de NKM.  Vous pouvez aussi consulter ZeVillage.net, un site communautaire autour du télétravail (qui visiblement voudrait migrer vers un réseau social autour du sujet) et qui répertorie les lieux de télé-centres en France.  Et enfin, une présentation “Nomadisme et Télétravail” faite par Nicole Turbé-Suetens (juin 2010).


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