Magazine Société

Les guerres intestines de « Retour d’actu »

Publié le 10 janvier 2011 par Ruddy V / Ernst Calafol

Les guerres intestines de « Retour d’actu »Retour d’actu célèbre son centième article ! Pour l’occasion, le blog livre une partie des cordiaux écharpages d’Ernst Calafol et Ruddy V. avant la publication de certains papiers… La preuve que, si quelques articles passent assez mal auprès des lecteurs, ils ne font pas toujours non plus l’unanimité en interne ! Morceaux choisis de correspondance entre les auteurs…

Wikileaks a encore frappé : voici en exclusivité les échanges de mails des deux célèbres acolytes de Retour d’actu, Ruddy V., son créateur, et Ernst Calafol, sa meilleure – et unique – recrue à ce jour. Ici, il ne sera pas question des revenus, qu’on dit mirifiques, dégagés grâce au blog par ces deux maîtres es polémique. Mais des graves dissensions qui agitent le duo, causées par le flamboiement de leurs caractères opposés mais complémentaires. L’eau gelée et le feu du ciel.

Le schéma est toujours le même : Ernst Calafol, réactionnaire inculte, aux penchants extrémistes bien connus de nos lecteurs, propose un sujet, accepté magnanimement par Ruddy V., créateur-tyran-despote, néanmoins ouvert d’esprit, de Retour d’actu. Puis il l’écrit, souvent en une heure ou deux, dans un état de transe inquiétante, suant devant son ordinateur, jusqu’à en oublier parfois de déjeuner ou de dîner (selon certains témoignages).

Sa fougue l’entraîne, la plupart du temps, même s’il en guérit petit à petit, à commettre certains dérapages verbaux, qui tendent à faire penser au lecteur lambda que lui, Ernst Calafol, détient la vérité parce qu’il a lu tel et tel auteur, et que l’internaute, quidam moyen, n’a rien compris à rien et se vautre dans la bêtise à longueur de temps. Ruddy V. parlemente alors afin qu’Ernst Calafol se décide à Coca-cola-lighter ses papiers, pour être mieux en accord avec son époque qui ne tolère pas le commencement d’un début de revendication de supériorité. Ernst-le-brave s’exécute, en général, docile, soumis, avec une vraie dévotion envers la vision de son chef.

- L’affaire « Gouverner, c’est falsifier »

Nous sommes en septembre 2010. Après plusieurs mois de collaboration sans anicroches, voici le premier traumatisme interne de l’histoire de Retour d’actu. Ernst Calafol a l’idée absolument géniale, neuve, révolutionnaire, de remettre en cause le système démocratique. Du jamais-vu. Un risque pénal fou. Ruddy V., conscient de ce risque en tant que responsable éditorial, conscient également, d’un point de vue plus personnel, qu’il peut perdre la plupart de ses amis et être renié par sa famille en cautionnant des articles si bêtes et méchants, accepte héroïquement le sujet. Un « oui » qu’il regrettera amèrement.

Ernst prend l’Eurostar et écrit un brûlot contre le genre humain, dans un obscur cybercafé anonyme niché dans une impasse sordide du East-End londonien. Ruddy relit l’article terminé vers 3 heures du matin (heure française), et réagit très violemment dès le 20 septembre.

« Par pitié, essaie de respecter celui qui lira ton papier. Franchement, même moi, je me sens presque insulté quand je lis le passage selon lequel « le peuple y croira devant sa télé ». Pourquoi ne pas simplement laisser parler les faits ? Même si tes critiques sur la faiblesse de pensée en démocratie sont certainement fondées, il faut tout de même laisser à chacun le soin de se faire sa propre idée. Du reste, on peut parler des faits, des mensonges, on les a vus, entendus… Mais on n’a fait aucune étude sociologique pour savoir comment les discours de Sarkozy et consorts passent auprès du mec lambda devant sa télé. »

La réponse, cinglante, d’Ernst ne se fait pas attendre :

« Je persiste à penser qu’il ne faut jamais montrer du doigt les manipulations des politiques sans rappeler la lâcheté et l’inculture de la masse, c’est malhonnête. Tu parles d’un sondage qui permettrait enfin de savoir ce que réellement les Français pensent. Malheureusement, je crois qu’on attendra ce sondage jusqu’à la fin des temps, dans la mesure où un sondage est forcément partial, discutable. Et puis cela voudrait dire que les générations qui nous ont précédées étaient donc incapables de dire quoi que ce soit sur leurs congénères, dans la mesure où ils n’avaient pas les techniques nécessaires pour faire des sondages ? Les sondages, c’est pipeau, il suffit de regarder comment vivent les gens autour de soi, pour saisir les vérités générales. »

C’est une véritable lutte de titans. A son issue, Ernst effectue quelques retouches cosmétiques à son papier, mais comme l’Empire, Ruddy contre-attaque, depuis sa suite d’un palace parisien où il se livre, paraît-il, entre deux sabrages de papiers, à des excès orgiaques dignes de la décadence romaine :

« Ton papier ne me plaît toujours pas. Même moi, je n’accroche pas à la lecture. Certes, tu as enlevé certains trucs, mais il reste beaucoup trop long. Pourquoi en faire tant ? Les FAITS parlent d’eux-mêmes. Limites-toi à quelques lignes, et non pas trois paragraphes d’analyse sociologique ou philosophique après chaque citation. Et ça ferait 800 mots percutants au lieu de 1600. »

A l’occasion de cet échange, un nouveau pas est franchi dans l’agressivité. Ruddy déteste tellement le papier d’Ernst qu’il le menace : si le grand Ernst Calafol publie le papier tel quel, Ruddy ne le diffusera pas sur sa propre page Facebook (car les deux géants, férus de nouvelles technologies, ont eu l’idée iconoclaste d’utiliser ce réseau social, encore confidentiel, pour diffuser leurs idées).

« Pour que les choses soient claires, sache juste que cette fois, je ne prendrai pas parti sur Facebook. »

L’affront est immense. Les deux compagnons ne se parleront plus pendant 48 heures. Qu’elle paraît lointaine, l’époque où, alors qu’Ernst était attaqué de toutes parts à propos de son pamphlet contre les anti-corridas, Ruddy avait défendu longuement, patiemment, sur cinq colonnes à la Une, les arguments de son collègue.

Finalement, l’article sort dans les bacs après qu’Ernst ait pris en compte les remarques de Ruddy, avec l’élégance qui le caractérise. Et il s’est bien classé dans les charts.

Conclusion d’Ernst Calafol : « Je suis un peu buté, mais pas je crois jusqu’à l’imbécillité. » Retour d’actu passera cette épreuve dans trop de dommages.

- L’affaire « Facebook »

A peine sorti de ce premier duel, voilà qu’Ernst remet ça, avec un papier sur Facebook qu’il écrit après avoir vu The Social Network, le film de David Fincher. Cette fois, Ruddy V. est agacé par le fait qu’Ernst profite de cet article pour étaler au grand jour ses obsessions bien masculines. Il le lui dit en termes non déguisés.

« Tu sembles t’acharner à mettre l’aspect sexuel au premier plan, dans une grande partie du papier. Il y a par ailleurs un autre côté très dérangeant : il transparait dans ton papier l’idée qu’une jolie fille est nécessairement une s… qui se fait désirer sur Facebook. Et ça, désolé, je trouve que c’est carrément outrageant pour qui le lira, et je ne suis absolument pas d’accord. De surcroît, il y a encore ce côté socio-moralisateur que je n’arrive pas à aimer chez toi. Et c’est sans doute son plus gros problème. Il y a un côté très méprisant, style ‘inclinez vous devant mon savoir’. »

Ce à quoi Ernst répondra par un magistral : « Certes, je suis obsédé, mais au moins on peut le voir clairement, pas comme les autres qui le sont autant que moi mais qui le cachent. » Honnêteté.

Ruddy V., père spirituel de Retour d’actu, regrette également la nouvelle direction prise par le blog, à cause du ton pseudo-intelligent, à tendance socio-philosophique de comptoir, qu’emprunte le pédant et maladroit Ernst Calafol.

« Je trouve même que le blog prend une trajectoire qui n’est plus celle du départ. Le but initial était de pointer du doigt ce que les autres médias ne disent pas, mais pas de faire des analyses sociologiques. »

Malgré les remarques acerbes de Ruddy, le papier est publié avec une forte tendance « socio ». Il n’éveille aucun commentaire particulier. Comme souvent avec nos deux journalistes, beaucoup de bruit pour rien !

- L’affaire « Napoléon »

En plus d’être frustré, Ernst Calafol est napoléonien et le fait savoir, dès le 22 novembre. Non sans, encore une fois, éveiller les foudres de son supérieur hiérarchique, profondément attaché à Jaurès, et donc, on l’a compris, au « peuple » qu’il défend bec et ongles.

« Ton papier sur Napoléon, pensé, fouillé, dénonciateur à souhait, serait excellent s’il n’y avait pas ces multiples piques de mépris à l’attention du « peuple ». Exemples : « ces Français qui crachent leur venin moral », « la haute niaiserie de ces points de vue », « la foule des socialistes à tendance hystérique », « jugement simpliste, digne d’un enfant ». Franchement, parfois, je ne suis pas loin de partager ton avis : mais je ne PEUX pas cautionner et laisser passer des articles qui sont insultants pour beaucoup de personnes. Je suis convaincu qu’on peut DIRE les choses sans les ASSENER. »

Pour la première fois, Ernst est sonné. Il aurait pu répondre, avec sa célèbre répartie, que « si le lecteur se sent agressé par certains de mes propos, c’est qu’il y a déjà chez lui une vulnérabilité, quelque chose dont il doute intimement, que j’ai touché ». Mais il est K-O et l’avoue quelques jours après, dans un mail aux accents chateaubrianesques. Depuis son splendide isolement, il consent à quelques modifications, une fois de plus.

« Bon, après une longue nuit de doute, j’ai fait une nouvelle version de mon Napoléon ; il n’y a plus aucune remarque pouvant entraîner une dispute avec l’un de tes proches, ni l’un des miens (c’est déjà fait de toutes façons, de proche en proche, je n’ai plus de proches, ou plutôt il ne reste que les irréductibles). »

Qui a raison ?

Qui a le dernier mot ? Comme toujours, le public. Car Ruddy V. a bien été obligé de constater que les papiers d’Ernst Calafol étaient les plus lus, et ceux qui faisaient le plus réagir. Il l’admet avec une certaine classe le 7 décembre, dans un ton qui n’est pas sans rappeler les Confessions d’un enfant du siècle de Musset, ou encore le mea culpa de Lionel Jospin après l’échec du 21 avril 2002.

« Les visites sur le blog durant ces derniers jours tendent à te donner raison sur pas mal des choses dont nous avons débattues : ce sont principalement tes articles qui sont lus et commentés, ça prouve à mon avis que tu es dans le ton juste pour le blog, et que je suis sans doute parfois un peu frileux. »

Ah, si tous les chefs de la terre savaient ainsi reconnaître leurs propres limites ! Ernst, peu susceptible, lui rend le compliment.

« Tu préfères mes papiers un peu plus calmes, je préfère tes papiers plus toniques, c’est très bien ainsi. Et je te rappelle que si mes papiers sont de qualité, ils le doivent aussi à tes critiques que je prends toujours en compte, dans la mesure où j’estime qu’elles sont justifiées. »

Deux grands esprits se rencontrent…

Crédit photo : M@rcello;-)/ Flickr



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ruddy V / Ernst Calafol 172 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine