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France 1500

Par Abigemuscas
L’exposition France 1500 s’attache aux règnes de Charles VIII et de Louis XII, respectivement dernier des Valois directs et premier héritier couronné de la branche Orléans, tous deux successivement époux d’Anne de Bretagne. Elle présente une riche collection d’œuvres organisée en trois parties.
La première est consacrée à la rencontre entre le mécène et l’artiste. En regroupant les œuvres de certains maîtres autour des princes qui les ont commandées elle fait apparaître plusieurs berceaux artistiques (Normandie, Languedoc, Bourgogne, Bourbonnais, Anjou…) et, comme une carte géographique, propulse immédiatement le visiteur dans cette France du XVème siècle traversée et nourrie par l’axe ligérien. Les sujets sacrés y dominent très nettement : la peinture, le vitrail, la statuaire y sont abondamment représentés, dans une ambiance de cathédrale. On y déambule entre des Vierges à l’enfant de marbre, d’albâtre ou de pierre, aux yeux en amande et au visage lisse, qui prêtent à cette promenade leur sereine gravité. Les motifs de l’Annonciation, de la Descente de Croix ou de la Nativité y sont répétés à l’envi et les Vierges de pitié inclinent au dessus des visiteurs de longs corps voilés et ployés. Tout ceci est représenté avec une grande habileté technique: les formes des statues sont naturelles et soulignées par des drapés très souples. Le corps en fait semble apparaître sous la posture et le sensible sous le spirituel, comme en témoigne la statue gracieuse et sommairement vêtue de Sainte Marie l’Egyptienne.
Plus ardue, malgré la couleur qui flamboie jusque dans les enluminures de livres d’heures magnifiques, est la contemplation des tableaux et des images. Les peintres représentent des scènes évangéliques avec un luxe d’étoffes chatoyantes et de cuirasses luisantes (le cas échéant). Les portraits des mécènes se mêlent à cette imagerie : ils figurent le plus souvent humblement agenouillés, présentés par un saint qui se tient debout derrière eux. Les artistes semblent se donner beaucoup de peine pour que le sujet représenté n’échappe à personne; les personnages figurent au premier plan, le plus souvent bien au milieu du tableau, et les paysages qui apparaissent derrière et au-dessus de la scène principale, par une fenêtre ou à travers une galerie, comportent parfois des éléments étagés dans le temps aussi bien que dans l’espace qui fournissent une sorte de pense-bête au spectateur. Ainsi dans une représentation du Noli me tangere, le Christ ressuscité repousse Marie-Madeleine au premier plan, alors que le second plan révèle son tombeau vide et l’ange rouge qui monte la garde devant, et que le Golgotha domine le fond du tableau. J’ai eu quelque peine à me perdre dans ces compositions très didactiques, alors qu’au contraire on en contemple longuement et avec plaisir certains détails : corps, visages, étoffes sont sans raideur, même si leurs positions semblent tirées d’un répertoire assez formel.
La seconde partie de l’exposition s’attache davantage aux techniques et aux motifs ornementaux, pour montrer comment, sur des meubles, des émaux ou des tapisseries, coexistent les hérissements flamboyants d’un art gothique encore vivace et les rinceaux et couronnes à l’antique, premiers symptômes visuels de la Renaissance. Quant à la dernière étape de ce parcours, elle met en scène la rencontre en France de courants artistiques venant des Flandres et d’Italie. Faute de temps, j’ai parcouru un peu vite ces salles pourtant intéressantes car les sujets religieux y laissent partiellement place (comme de juste, sur des supports aussi triviaux que tables, coffres ou gourdes) à des thèmes profanes.
J’aurai donc, sans doute, assez peu compris de cette exposition accompagnée d’explications que je n’ai pas toujours trouvées très utiles – savoir de qui un peintre était l’élève, quand on a le malheur d’être assez ignorant des différentes écoles de l’époque, est sans doute moins stimulant que d’apprendre en quoi il est caractéristique de cette école. En revanche, il m’en reste l’impression d’avoir effleuré l’âme d’une époque encore baignée d’une spiritualité médiévale très concrète, encore habitée par les anges et les saints, au moment même où elle se retourne vers l’homme, annonçant au travers de représentations de plus en plus fidèles du règne matériel le très prochain désenchantement du monde. De ce tremblement entre deux univers l’exposition France 1500 a donné au béotien que je suis une perception plus charnelle que rationnelle; je n’ai pas finalement l’impression d’avoir perdu au change.
France 1500, entre Moyen Âge et Renaissance, Grand Palais

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