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Je souligne et j’annote tous mes livres, c’est grave Docteur ?

Par Benard

Posté parCélinele 21.01.11 à 15:09

Magali m'écrit en ces termes : «Depuis que j'ai l'âge de 15 ans, je ne me peux m'empêcher de souligner et d'annoter les livres que je lis. J'écris en marge, j'entoure des mots. Lorsque je veux me débarrasser de ces ouvrages, personne n'en veut tant ils sont maculés d'inscriptions diverses. Est-ce grave Docteur ?»

Chère Magali, la médecine littéraire a longtemps valorisé cette pratique qui consiste, lorsqu'on lit un ouvrage, romanesque, une pièce de théâtre ou un essai, de noyauter le texte de réflexions personnelles, de traits et d'inscriptions qui, à la relecture le plus souvent, ne présentent plus guère de signification, même pour celui ou celle qui les a produites. On y a longtemps vu un signe d'esprit, d'intelligence, une manière tout à fait appropriée de s'accaparer le texte et de le prolonger par des réflexions personnelles. Depuis une vingtaine d'années pour des raisons matérielles plus qu'intellectuelles (plus grand monde n'a suffisamment d'espace vital pour se composer une bibliothèque, les livres envahissants ont tendance à ne plus nous faire toute une vie), ce symptôme a été reconnu parmi les maladies littéraires.

Je souligne et j’annote tous mes livres, c’est grave Docteur ?
Signe des temps, ce symptôme dont vous faîtes état a maintenant un nom savant : on parle, dans notre jargon, d'unegribouillite référentielle. Comme souvent, ce n'est pas un qualificatif élégant. Je dois reconnaître que les médecins littéraires qui baptisent nos affections ne sont pas de grands poètes. La gribouillite ou phénomène d'annotation excessive répond traditionnellement à 2 motivations :

- C'est, tout d'abord, le prolongement naturel d'un mode de lecture qui veut que le livre entre en intéraction avec son lecteur, qu'un dialogue s'établisse entre les deux, d'où sa connotation positive. L'annotation, le surlignage ou sous-lignement, se posent en matérialisation maladroite de ce dialogue. On sait aujourd'hui que la gribouillite traduit en fait une immaturité du lecteur qui, non seulement, ne se tient pas vraiment à sa place (on doit recevoir le livre et ne pas chercher à lui opposer sa pensée dans le même mouvement qu'on le lit - ce n'est pas juste ni productif), mais procède souvent à une lecture ligne à ligne d'un texte. Sauf à considérer que vous vous mettez à souligner rétroactivement les passages qui vous ont intéressé, la pratique veut souvent que l'annotation suive en temps direct le mouvement de lecture. Cela ne vaut pas grand-chose et explique que vous ne puissiez la plupart du temps pas tirer ensuite un bénéfice de ce que vous avez noté.

- Le second ressort qui motive la gribouillite repose sur la volonté du lecteur que vous êtes de concurrencer le livre et son auteur par le dressage (en marge) de votre propre pensée. Cela trahit de fait une certaine suffisance mais également une réduction de votre ouverture intellectuelle au livre. Le caviardage est une forme de désacralisation de la parole lue qui risque de brouiller immédiatement la perception des charmes et de la subtilité de celle-ci. Ce n'est pas un hasard si cette pratique est assimilée et naît souvent des pratiques scolaires : on bachotte, on cherche à retenir ce qui est important, on mésinterprète. Tout ceci ne renvoie pas à une pratique de lecteur mature et quoi qu'on en dise, vous éloigne vraisemblablement de l'appréciation esthétique et intellectuelle de l'œuvre.

Que faire dans ce cas pour lutter contre cette tendance naturelle qui présente comme autre désavantage, vous l'avez dit, de ne pas pouvoir transmettre le livre à quelqu'un d'autre, sans que celui-ci vous demande ce que vous avez voulu dire par ces pattes de mouches, ces ratures et ces défigurations ?
Voici ce que je propose très simplement :

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