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Une vague océane…

Par Jean33
Lorsque le débit de la rivière est faible et que les marées ont un gros coefficient, il se produit un phénomène rare et singulier. La marée s’engouffre dans l’estuaire et se heurte et refoule le flux du fleuve en créant une série de vagues qui gonflent et dégonflent en fonction de la largeur variable et de la profondeur du cours d’eau. Cette vague pénètre profondément dans les terres en apportant près de la moitié de la marée montante, jusqu’à Libourne pour ce qui nous concerne.
Le marnage à l’Hermitage atteint près de 5 mètres. Mascaret est un mot gascon datant du XVIème siècle qui signifie « boeuf tacheté » et vient de mascara « mâchurer, tacheter », par analogie avec un animal bondissant. Il y a ainsi deux mascarets par jour toute l’année, qui peuvent être très spectaculaires avec des vagues dépassant les deux mètres, ou au contraire si imperceptibles que seul le sens du courant qui change donne une trace de leur passage. Le mascaret existait sur de nombreuses rivières débouchant sur l’Atlantique. Tous ont disparu, victimes des aménagements des embouchures sauf en Gironde. Le mascaret est rapide, jusqu’à 30km/heure, et il faut le considérer avec respect. Celui de la Seine a disparu en 1963 en raison de travaux effectués dans le port du Havre. Il était énorme, dépassant plus de 4 mètres au centre du lit et 7 mètres sur les bords en raison des rebonds sur les rives. Celles-ci étaient si dangereuses qu’aucun bateau n’était amarré autrement que sur des corps-morts au centre de la rivière. On rejoignait leur bord en empruntant de petites annexes. Entre 1789 et 1829, 112 embarcations disparaissent entre Quillebeuf et Villequier. Entre 1830 et 1851, 105 naufrages supplémentaires entre Tancarville et Caudebec-en-Caux. Il semble que ce soit un mascaret qui ait emporté Léopoldine, la fille de Victor Hugo, pour laquelle, inconsolable, il composa le poème « Demain dès l’aube… » Le même Victor Hugo écrira:  » Une catastrophe semblait inévitable. Cette catastrophe imminente avait, en quantité faible, mais suffisante, le vent qu’il lui fallait. Avant peu d’ heures, le gonflement de la marée ascendante allait se ruer de haute lutte dans le détroit des Douvres. Les premières lames bruissaient déjà. Ce gonflement, mascaret de tout l’Atlantique, aurait derrière lui la totalité de la mer. Aucune bourrasque, aucune colère; mais une simple onde souveraine contenant en elle une force d’ impulsion qui, partie de l’Amérique pour aboutir à l’Europe, a deux mille lieues de jet. Cette onde, barre gigantesque de l’océan, rencontrerait l’hiatus de l’écueil et, froncée aux deux Douvres, tours de l’entrée, piliers du détroit, enflée par le flux, enflée par l’empêchement, repoussée par le rocher, surmenée par la brise, ferait violence à l’écueil, pénétrerait avec toutes les torsions de l’obstacle subi et toutes les frénésies de la vague entravée, entre les deux murailles, y trouverait la panse et la durande, et les briserait. » Les travailleurs de la mer, 1892.

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