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Faut-il embaucher des geeks ?

Publié le 29 janvier 2011 par Abouchard

Je réfléchis à cet article depuis quelque temps. En fait, depuis un échange de commentaires dans l’un de mes précédents articles.
La question concernait le fait d’embaucher (ou non) des développeurs qui codent pendant leur temps libre. Est-ce une bonne chose ?

Naturellement, j’aurais tendance à préférer un gars (ou une fille, mais ne m’en voulez pas si je parle au masculin) qui développe le soir et le week-end. C’était un feeling plus qu’un raisonnement réfléchi, alors je me suis creusé un peu la tête sur le sujet.

Pourquoi préférer un geek ?

Si on essaye d’être rationnel, il y a plusieurs aspects positifs dans le fait d’embaucher quelqu’un qui passe une partie de ses soirées et de ses week-ends sur son ordinateur :

  • C’est un passionné : Quand on se cogne 8 à 12 heures de développement par jour au boulot et qu’on vous demande de l’implication et de l’imagination, on peut vite être «usé» par le temps. Ce qui fait souvent la différence, c’est la passion qu’on éprouve pour l’informatique en général et le développement en particulier. Ce n’est pas pour rien que la passion est un critère fréquemment cité par tous les recruteurs.
  • Il fait une veille techno active : J’ai déjà parlé de l’importance de la veille technologique. Un développeur passionné, c’est bien ; un développeur qui explore de nouveaux horizons, c’est mieux. En prenant du temps personnel pour faire du développement, il essaiera des techniques différentes de celles dont il a l’habitude, et cela pourra n’être que profitable pour l’entreprise sur le long terme.
  • Il accorde peu d’importance à la politique : Ce n’est pas évident pour tout le monde, mais le monde de l’entreprise est un terreau fertile pour l’apparition de comportements «politiques». Et il n’y a rien de plus désagréable et improductif que d’avoir des guéguerres de pouvoir. Un vrai geek, passionné par l’informatique au point de développer sur son temps personnel, s’attachera le plus souvent à bien faire son travail sans s’occuper des manigances des uns et des autres. Dans une entreprise bancale, ça pourrait jouer en sa défaveur, mais dans une entreprise “normale”, ce sont les politiciens qui sont mis à l’écart.

Pourquoi faudrait-il éviter un geek ?

D’un autre côté, il existe aussi des raisons pour ne pas souhaiter embaucher un codeur fou :

  • Il n’est intéressé que par le défi technique : Nous avons tous connu des informaticiens qui changent régulièrement d’entreprise parce qu’ils s’ennuient rapidement. Dès qu’ils ont l’impression d’avoir fait le tour de ce qu’ils pouvaient apprendre et de ce qu’ils pouvaient apporter, ils ressentent le besoin irrépressible de partir ailleurs. Et même si pendant l’entretien d’embauche ils vous disent «Votre annonce correspond précisément à ce que j’ai toujours recherché !», vous ne savez absolument pas quels seront leurs moteurs internes dans 6 mois.
  • Il peut s’essouffler rapidement : Si l’usure du temps le rattrape plus vite que ne le fait avancer sa passion, il risque d’en avoir plus rapidement assez du développement que vous n’auriez pensé. Et le jour où votre développeur de génie vous dire «J’en ai marre du développement, je veux devenir chef de projets / faire du décisionnel / faire du référencement / devenir commercial», vous allez faire une drôle de tête.
  • Il peut avoir un déséquilibre social : Même si tous les geeks ne répondent pas aux clichés que l’on s’en fait, certains restent toutefois des asociaux ou des autistes latents. Le fait de développer le soir et le week-end n’est alors qu’un indicateur de leur incapacité à avoir une vie sociale équilibrée. Et cela voudra dire que les mêmes difficultés de communications les gêneront dans l’accomplissement de leur travail (à moins de les faire bosser tous seuls au fond d’une grotte, sans interaction avec qui que ce soit, mais c’est assez rare).
  • Il peut privilégier ses projets personnels : C’est le revers de la médaille qui est habituellement passé sous silence. Les gens ont des passions, c’est normal et souhaitable pour maintenir un équilibre personnel. Mais à l’inverse de la plupart des passions qui ne peuvent pas se pratiquer au travail (sport, musique, tricot, élevage d’alligators nains), le développement informatique est une activité à laquelle les développeurs peuvent s’adonner même quand ils sont au boulot. On ouvre juste un fichier supplémentaire, on se connecte par SSH à un autre serveur… et on passe 4 heures à développer un petit-truc-qui-prendra-5-minutes.

Conclusion

Comme souvent, on se retrouve là sans avoir une grande vérité unique et absolue. Chaque situation est différente, chaque personne est spéciale.

Il y a des avantages et des inconvénients. Mais en fait il s’agit de risques plutôt que d’inconvénients réels. En tout cas, rien qui ne soit détectable et rectifiable avec un management efficace.

Pour ma part, je valorise le codage personnel chez les jeunes informaticiens, pour deux raisons :

  1. Ils n’ont pas encore l’expérience et les habitudes nécessaires à la mise en place d’une veille technologique correcte. Leurs projets personnels peuvent en tenir lieu pendant un certain temps, et les aidera à trouver leur propre méthode de veille.
  2. L’expérience est une chose très importante. On l’oublie parfois, mais il y a une vraie différence de qualité et de rapidité entre un développeur junior et un informaticien qui a plusieurs années de travail derrière lui. Les projets personnels sont un moyen efficace pour engranger rapidement de l’expérience supplémentaire. On réussit mieux ses études d’informatique quand on développe des projets personnels en plus de ceux imposés par le cursus. Il en est de même avec l’expérience professionnelle.

Par contre, chez des informaticiens expérimentés, je privilégie ceux qui savent faire une vraie veille techno et qui ont une vie personnelle équilibrée. Ce sont ceux qui ont la meilleure expérience professionnelle et qui savent le mieux en faire profiter l’entreprise.


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