Le Chat botté

Revenons au livre de Gianni Rodari, Grammaire de l’imagination. Il se termine par des fiches parmi lesquelles on trouve une Défense du « Chat botté ».

L’auteur semble rendre compte d’un débat où s’opposent des jugements contradictoires. L’un reproche au conte de valoriser la ruse, la tromperie, outils du système par lequel on peut devenir « un des grands de ce monde ».

Or, le conte ne parle pas seulement de réussite sociale ; il parle aussi de solidarité. Le chat peut être interprété comme « un animal protecteur, un esprit-gardien », comme l’est par ailleurs l’ours en peluche. « Il est possible que le chat se révèle à deux faces : celle de l’initiateur à un monde corrompu et inhumain ; mais aussi celle de l’allié qui rend justice à son protégé ».

Et Gianni Rodari cite un article de Laura Conti qui explique : « Ce qui comptait pour moi, ce n’était pas les actes du Chat, mais leurs résultats ; ce qui m’importait, c’était que l’on pût gagner en misant sur le perdant (…) Ce qui me fascinait, c’était ce double renversement de situation, de petit à grand et de perdant à gagnant. (…) Dans les combats entre forts et faibles des contes de fées, je détestais les forts et prenais parti pour les faibles ; mais si les faibles gagnent, on risque de devoir les considérer comme forts, et par conséquent les haïr. L’histoire du Chat botté m’évitait ce risque, puisque le Chat, même en gagnant la partie contre le Roi, continuait à être un chat ».