Magazine Journal intime

Sébastien Fritsch

Par Elisabeth Robert

Cette semaine ce n'est pas UN mais DEUX interviews In que vous pouvez trouver sur mon blog, alors elle est pas belle la vie?;)

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"Né en région parisienne, Sébastien Fritsch vit actuellement à Lyon avec sa femme et ses quatre enfants."

Passionné d'écriture, de musique et de dessin il tient aussi un blog.

Ses romans sont à la fois de type fantastique et historique, un joli mélange pour cet artiste humble et prévenant.


-Sébastien, comment t'es-tu mis à l'écriture? Qu’est ce qui t’a poussé à coucher des histoires sur le papier ? Le vécu, l’imaginaire ?

L’imaginaire est le point de départ : je ne peux pas m’empêcher d’inventer des histoires, en brodant parfois à partir de rien, d’un détail, d’une ambiance, d’un visage entrevu.

Ensuite, le vécu intervient, mais uniquement par petites touches, pour bâtir un décor ou peaufiner la psychologie d’un personnage.

Sinon, le choix de l’écriture comme mode d’expression est lié au fait que c’est pour moi l’outil le plus complet pour suivre mon imagination partout où elle m’entraîne.

Le dessin et la musique sont mes deux autres marottes, mais je me sens plus limité techniquement. Et comme l’écriture peut tout aussi bien faire naître des images que des mélodies, je parviens finalement à concilier mes trois passions en une seule.

-Avant d’être publié, dirais-tu que tu as vécu un réel parcours du combattant ? 15 années avant de trouver, non ?

Le trajet entre « premier roman écrit » et « premier roman publié » a été long, effectivement, mais il ne s’agit pas du même roman. Il n’y a donc pas eu un parcours du combattant de quinze ans, pendant lequel je défendais un seul et même texte auprès de dizaines de maisons d’édition.

En fait, pour mes deux premiers romans achevés, écrits en 92 et 93, je me suis contenté d’empiler les lettres de refus.

Après, je suis passé par un passage à vide (mon « vrai » métier me prenait de plus en plus de temps), pendant lequel je n’ai écrit que quelques nouvelles et des poèmes.

De ce fait, le « parcours du combattant » a surtout démarré en 2003, quand je me suis mis à écrire « Le Mariage d’Anne d’Orval ». Et dans ce parcours, le premier obstacle à franchir, c’était… écrire le roman. J’avais fini par comprendre les défauts de mes deux premières tentatives ; alors, cette fois-ci, je voulais sortir un texte irréprochable. Ça peut paraître prétentieux, mais je pense que c’est l’une des conditions pour aboutir : donner le meilleur de soi-même, être intransigeant, même sur les détails, s’interdire la facilité au niveau du langage, de la construction, des profils des personnages et… de tout le reste. Et le combat fut rude !

Quand j’ai terminé ce roman, deux ans après, le parcours du combattant a continué, mais « en extérieur ». Je me suis réellement fait un plan de bataille, en essayant de cibler les maisons d’édition, en gérant mes envois de manuscrits, mes relances.

Là encore, j’avais décidé d’être « combatif ». Evidemment, au début, j’ai envoyé à quelques grandes maisons (histoire de compléter ma pile de lettres de refus… et de voir si le texte de ces lettres avait changé en quinze ans). Mais, j’ai fini par circonscrire plus précisément ma cible : un éditeur indépendant, publiant déjà des romans historiques et implanté dans la région où j’avais placé mon intrigue, était le destinataire tout désigné de mon manuscrit. Mais encore fallait-il qu’il l’accepte.

En octobre 2005, j’avais son accord… pour une publication en mars 2007. L’étape suivante du parcours du combattant fut donc la patience.

Mais ce n’était pas fini pour autant : une fois publié, le roman ne se vend pas tout seul. Là encore, il faut savoir faire preuve de pugnacité.

Et puis, rien n’est acquis : mon second roman, écrit en 2005, ne correspondait pas à ce que publiait mon premier éditeur. J’ai donc dû repartir à l’attaque en 2006, pour trouver un éditeur en 2007, pour une publication en 2008.

-Peux-tu nous parler de tes deux maisons d’éditions et des rapports que tu entretiens avec elles ?

Il s’agit, dans les deux cas, d’éditeurs indépendants, situés en Province. Les Editions Créer, qui ont édité mon premier roman, sont basées en Auvergne et existent depuis trente ans. Elles publient principalement des ouvrages sur le patrimoine, l’architecture, les traditions régionales et quelques romans, surtout des romans historiques ayant un lien avec l’Auvergne. « Le Mariage d’Anne d’Orval » a donc logiquement trouvé sa place ici.

Les Editions du Pierregord, installées en Dordogne, ont vu le jour il y a trois ans, et ont voulu constituer et faire grandir rapidement un catalogue comportant uniquement des romans. Ils touchent à tous les domaines de la fiction : romans policiers, romans historiques, fantasy, romans « contemporains ».

Avec ces deux éditeurs, j’entretiens des rapports vraiment agréables. Les échanges autour des textes, des couvertures, des présentations ou des actions de promotion, se passent dans un esprit de partenariat : nous sommes dans le même bateau, avec la même destination : faire connaître nos livres. Je retrouve ici la même volonté que celle qui m’a permis de donner le jour à mes romans.

Dans la pratique, nous ne nous voyons pas beaucoup, puisque nous sommes assez loin les uns des autres, mais les échanges sont fréquents, pour se tenir au courant des différentes actions en cours, et on se retrouve aux salons du livre. Et quel que soit l’environnement ou l’intérêt que nous portent les visiteurs, l’ambiance est toujours chaleureuse. C’est un côté de la vie d’écrivain que je suis heureux d’avoir découvert.

-Quelle est ta méthode de travail ?Tu prépares un plan, des fiches avec les personnages, sais-tu toujours où tu vas? Le temps que tu consacres à écrire ?

D’un roman à l’autre, je peux travailler un peu différemment, surtout parce que j’aime changer les contraintes que je m’impose.

Mais ma « méthode » débute dans la plupart des cas par une phase de «mise en condition» : je dois faire «comme si j’y étais» (pour que les lecteurs aient ensuite la même impression). Alors, une fois que l’idée centrale est née, je cherche à encadrer au maximum l’univers du roman : je rédige donc des « fiches signalétiques » pour chaque personnage, des descriptions des lieux ; je peux aussi m’appuyer sur des photos, des dessins, des cartes, des plans… que je dessine moi-même si le lieu n’existe que dans mon imagination. J’établis aussi un calendrier des évènements du roman et des antécédents des personnages (dans la limite de ce qui est utile pour l’histoire, bien sûr). En même temps, je commence à accumuler la documentation et à m’en imprégner pour me sentir encore plus dans l’ambiance.

Je définis aussi de quelle façon je vais raconter mon histoire : mode de narration, structure du roman (basée notamment sur le positionnement de certaines « révélations »), registre de langage (éventuellement différent d’un chapitre à l’autre si j’utilise plusieurs modes de narration en alternance).

A ce stade, je peux aussi avoir déjà écrit quelques pages ou quelques phrases clés.

Tout ça, c’est bien beau, mais une fois lancé dans l’écriture proprement dite, je peux être amené à tout balancer aux orties. C’est ce qui s’est passé avec mon premier roman, dans lequel l’idée de départ à totalement disparu, les personnages ont été remplacés par d’autres, le ton de l’écriture a même évolué pour mieux coller au sujet. Le premier jet n’avait donc rien à voir avec le roman final.

Tout cela pour dire que je crois souvent savoir où je vais, mais mes personnages m’emportent parfois ailleurs. Alors je recommence tout : les fiches, la structure, le roman en entier… Ça fait partie du jeu !

Concernant la phase d’écriture, je peux travailler dans l’ordre des chapitres (même si je laisse parfois des blancs que je viendrai compléter ensuite, notamment si ce sont des passages qui nécessitent d’utiliser de la doc), mais je peux aussi travailler dans le désordre : une fois que la structure est établie, et que je sais ce que je vais mettre dans chaque chapitre, je choisis celui que je vais rédiger selon mon inspiration ou mon niveau de préparation documentaire ou selon mon humeur du jour.

Ensuite, vient la phase de relectures (le « s » est important), pour juger la cohérence de l’ensemble (au niveau du sens), mais aussi l’équilibre des différentes parties. Après, arrive la phase la plus « ludique » : « le grand nettoyage » : je fais la chasse aux répétitions, je tronçonne les phrases trop longues, j’améliore les phrases bancales ou obscures et je me désole en découvrant les fautes d’orthographes abominables que j’ai pu commettre !

Concernant le temps d’écriture, je serai bien incapable de répondre. C’est un peu par-ci, un peu par-là, un peu dans le train, un peu au soleil, un peu en pleine nuit… Alors en tout, j’ai mis deux ans pour mon premier roman et un an pour le second. Sinon, le troisième a été commencé il y a quinze ans : je suis en train de réécrire entièrement un manuscrit refusé partout à l’époque.

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-Lorsque tu écris, fais-tu relire à des proches au fur et à mesure? Est ce que leurs réactions, réflexions peuvent t'amener à modifier le cours de ton développement?

Du fait de ma méthode, je ne fais relire que lorsque que j’ai fini tout le roman (ou bien s’il ne reste que quelques petits passages à compléter, mais qui n’ont pas d’impact sur l’intrigue ou la structure).

Par contre, une fois terminé, le roman passe à la moulinette : mes relecteurs familiaux ou amicaux sont sans pitié et ne se contentent pas de corriger les fautes : ils me soumettent aussi leurs avis sur la lourdeur d’une phrase, la clarté douteuse d’un passage… Je prends en compte leurs avis dans la plupart des cas. Mais cela ne touche que le style ou la compréhension du texte, jamais le cours du développement.

-Crois-tu un jour pouvoir vivre de tes écrits?

Croire est toujours permis. En attendant, j’écris.

-Tu penses quoi de la publication en ligne?

La publication en ligne gratuite est une méthode intéressante pour faire connaître des écrits qui, sinon, resteraient dans le fond du tiroir parce qu’ils n’ont pas trouvé d’éditeur. Moi-même, j’ai choisi de mettre sur mon blog mes poèmes et mes nouvelles. Je me dis que, comme ça, au moins, ils seront lus… et donneront peut-être envie de découvrir mes romans.

La publication payante permet au lecteur d’avoir un roman moins cher qu’en librairie, mais, personnellement, je préfère quand même un livre « en vrai », palpable, que l’on glisse dans sa poche pour le lire n’importe où.

-Tu lis énormément, tu évalues d’ailleurs chaque livre, comment trouves-tu le temps de lire autant ?

«Enormément» me semble un peu exagéré. D’autant plus que j’ai des périodes de «boulimie» et des phases sans lecture. Pendant l’écriture de mon premier roman, j’ai passé plusieurs mois sans ouvrir un livre : je ne lisais que mon manuscrit, de la documentation, mon manuscrit, des livres d’histoire, mon manuscrit… et des BD.

En ce qui concerne les évaluations, je le fais parce que ça me fait plaisir d’échanger des avis avec d’autres lecteurs. Et j’aime aussi relever, dans certains livres, des éléments qui m’aident à avancer en tant qu’écrivain.

Quant au temps nécessaire pour la lecture (si je ne suis pas en phase d’écriture intense), je ne le trouve pas : je le prends.

-Qu’est ce que cela t’apporte d’avoir un blog ? Quel rapport entretiens-tu avec ce média en ligne ?

En créant mon blog, je ne savais pas trop ce que ça pourrait m’apporter. Je me disais simplement que ça donnerait une visibilité supplémentaire à mon roman. J’ai rapidement découvert qu’on était des dizaines d’écrivains dans le même cas et que j’étais donc finalement aussi visible que tous les autres… ou aussi peu visible, ça dépend si la bouteille à moitié vide est en train de se remplir ou pas.

Au bout du compte, ça m’a quand même permis de faire connaître mon livre un peu plus largement (ça n’a quand même pas été la ruée dans les librairies le jour où j’ai mis mon blog en ligne), mais ça m’a surtout permis des rencontres (virtuelles mais aussi réelles dans certains cas), des échanges (de livres, de musiques…), et des partages avec d’autres auteurs (et on se rend compte que l’on vit beaucoup de choses semblables), mais aussi d’autres artistes, des lecteurs, ou encore des blogueurs qui ne se revendiquent pas artistes, mais aiment les mots, les images, la musique. La portion de la blogosphère que je visite est une espère ce corporation diffuse de créateurs, indépendants, enthousiastes, souvent émouvants, parfois amusants, toujours enrichissants.

-Que penses-tu des séances de dédicaces ?

On se marre / on s’ennuie,

On parle avec plein de gens / on s’endort,

On vend rien / on vend bien,

On bouffe mal / on se régale

… et parfois on tombe sur une perle : un lecteur enthousiaste, un autre auteur avec qui partager ses impressions, une femme qui ressemble à l’héroïne du roman que l’on présente…

En fait, je n’ai jamais fait deux séances identiques. Et parfois, la surprise vient dans des lieux où on ne l’attend pas.

-Quels sont les auteurs que tu admires ? Ton livre de chevet ?

Vian, Balzac, Irving, Modiano, Agatha Christie, Fred Vargas.

En 2007, j’ai aussi fait trois découvertes qui m’ont marqué : Hugo Boris, Solenn Colléter et Patricia Parry (désolé de mettre le monsieur en premier, mais je les présente par ordre d’entrée en scène).

Mon livre de chevet : “Le Monde Selon Garp” de John Irving.

-Ton chanteur préféré, Goûts musicaux ?

Ma préférence musicale est, depuis quelques années, le trio suédois de jazz « E.S.T. ». Sinon, mes goûts musicaux sont très larges, puisqu’ils vont d’Oscar Peterson à Iron Maiden, en passant par Ella Fitzgerald, Léonard Cohen, Pink Floyd, Cure, Marillion

Pour te donner une idée, actuellement, je suis plongé en alternance dans le jazz du contrebassiste Avishai Cohen, les mélodies du pianiste québécois Michel Fournier et les guitares de The Editors. Trois univers très différents.

-Si tu n’avais pas pu être édité, aurais-tu continué à écrire malgré tout ?

Oui.

Je n’ai pas été édité il y a quinze ans et j’ai continué à écrire. Même si j’ai connu un passage à vide, j’ai toujours gardé un lien avec les mots, ne serait-ce que dans un poème de quelques lignes… jusqu’à ce que l’envie d’écrire un roman s’empare de moi à nouveau, il y a cinq ans.

Etre édité est une reconnaissance du travail d’écriture, mais, bien avant cette reconnaissance, il y a le plaisir et bien avant le plaisir, il y a le désir (oui, oui, je parle bien d’écriture).

-Peux-tu nous parler de ton dernier ouvrage ? Ton actualité ?

Mon dernier roman s’intitule « Le Mariage d’Anne d’Orval ».

Comme son titre le laisse entendre, il est articulé autour d’un personnage féminin dont la vie est entièrement soumise aux autres protagonistes de l’histoire. De cette contrainte va naître un mystère dont la clé se trouve dans les cinq derniers mots. Les tricheurs peuvent commencer par lire cette dernière ligne : elle ne leur servira à rien s’ils n’ont pas lu le reste.

J’ai voulu rendre une ambiance médiévale précise dans les moindres détails, en m’appuyant sur une documentation très fournie, mais il ne s’agit pas d’un roman historique : tous les personnages sont inventés et m’ont surtout servi à explorer un large éventail de sentiments et de profils psychologiques, et à construire une intrigue, de plus en plus serrée au fil des pages, et qui oscille sans cesse entre romantisme et violence... jusqu’aux cinq derniers mots.

Au mois d’avril prochain sortira mon second roman, « Le Sixième Crime ».

C’est un huis clos en plein soleil, qui ne comporte pas cinquante personnages comme le précédent, mais seulement deux : un policier et un romancier, le plus grand romancier francophone des cinquante dernières années.

D’autres visages apparaissent au cours de leur confrontation. Lequel d’entre eux sera l’auteur du sixième crime ? Et qui en sera la victime ?

-As-tu des retours de lecteurs ?

Oui. Je ne cacherais pas que ça me fait énormément plaisir de savoir ce que les lecteurs ont pensé de mon roman. Et à chaque nouveau commentaire positif, j’ai des petites ailes qui me poussent dans le dos.

Même si j’apprécie tous les commentaires, ça me fait tout drôle quand des passionnés d’histoire me disent que mon roman est très bien documenté, ou quand un pianiste me vante le rythme de mon style. J’ai alors l’impression que, même si ces éléments ne sont pas les plus apparents, l’énergie qu’ils m’ont demandée est reconnue.

-Qu’est ce que cela t’a apporté de voir ton livre exister ?

Une joie immense. Et aussi une autre idée de mon écriture : elle était jugée comme « valable » par quelqu’un que je ne connaissais pas et qui ne me disait pas « C’est bien » juste pour me faire plaisir. Cela s’est confirmé ensuite par les commentaires de lecteurs qui, eux non plus, n’avaient pas d’autre raison d’aimer le roman que le roman lui-même.

-Un prochain livre en projet ?

Non, trois.

Je suis en train de réécrire un roman que j’avais achevé il y a quinze ans (en le croyant parfait, mais j’ai revu mon jugement, surtout avec l’éclairage du comité de lecture de mon second éditeur).

J’ai aussi un autre manuscrit, terminé il y a un an, que je vais reprendre pour le peaufiner. Enfin, j’ai un projet pour lequel j’ai réalisé déjà toutes les premières phases (telles que je les décrivais en répondant à ta question sur ma « méthode »). J’en ai déjà rédigé une centaine de pages (et notamment la toute dernière), puis je l’ai mis de côté il y a un an ; je pense m’y remettre d’ici cet été.

-Question finale : Es-tu un homme heureux ? Te reste t-il encore des rêves à accomplir ?

Oui, ma femme, mes enfants et le plaisir d’écrire sont mon bonheur.

Et cette vie est la réalisation de rêves anciens… que je continue à rêver et réaliser jour après jour.

Parmi mes autres rêves à accomplir, il y a notamment la possibilité de pouvoir me consacrer entièrement à l’écriture (futurs lecteurs, ce message subtil vous est destiné…) et aussi d’autres rêves qui concernent les personnes qui m’entourent.

Le_mariage_danne_d_orval
La_sixime_crime

Merci Sébastien pour ce bel interview aux réponses enrichissantes!

Retrouvez le: ICI!


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