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196ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy, présumé coupable.

Publié le 05 février 2011 par Juan
196ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy, présumé coupable.Il ne ménage pas ses efforts. Il sillonne la France. Il exhibe son épouse. Des centaines de déplacements de terrain sont prévus pour convaincre qu'il a changé, qu'il nous protège et ne fait que son devoir devant les dangers de la mondialisations. Jeudi prochain, il réédite son show de proximité sur TF1. Et pourtant, rien n'a changé. Ni sa cote de popularité, désastreuse, si ses convictions, si son tempérament. Il suffit d'un fait divers dramatique pour qu'il dérape. Un dérapage bien préparé. A-t-il perdu la main ? Il suffit d'une révolution arabe pour qu'il soit tétanisé. Après la révolution tunisienne, l'administration Sarkozy passe à côté de la révolte égyptienne. Sa ministre des affaires étrangères Alliot-Marie se noie dans des polémiques.
Agitation médiatique
Lundi, Sarkozy vient de rentrer d'un sommet africain à Addis Abeba en Ethiopie; il avait auparavant célébré rapidement ses 56 bougies, le 28 janvier dernier, avec quelques proches à l'Elysée. Minc, Bazire, Balkany, Hortefeux, Guéant, Barbelivien, Charon, Herzog, et Guaino ont pu gouter du buffet élyséen.
Pour cette semaine qui débute, l'agenda présidentiel est très chargé. Dès lundi, Sarkozy reçoit beaucoup : il félicite les handballeurs victorieux, il console la famille adoptive de Laetitia, il écoute Lionel Jospin pour le G20. Il s'occupe et occupe le terrain. Carla Bruni joue sa part, avec quelques confidences au Parisien : « Je ne me sens plus vraiment de gauche.»
François Léotard, son ancien collègue du gouvernement Balladur, se confie au juge Marc Trévidic dans l'affaire Karachi. Il se dit convaincu que l'attentat du 8 mai 2002 a pour cause l'arrêt du versement des commissions aux intermédiaires et la vente de sous-marins à l'Inde qui aurait fâché les Pakistanais. Sur d'éventuelles rétrocommissions pour financer la campagne Balladur, Léotard n'en sait rien. Il jure que son propre parti, à l'époque, n'en a jamais reçu. Et l'intermédiaire Ziad Takiédine, imposé à la dernière minute par les Balladuriens ? « On m'a dit que c'était important pour le contrat Agosta.» Ce même lundi 31 janvier, la cour d'appel de Paris refuse d'élargir le volet financier de l'instruction aux faits de corruption.
Pédagogie de la rigueur
Le lendemain, le candidat file dans le Cher. Son déplacement passe inaperçu. Sarkozy fait la leçon de la rigueur aux maires et élus locaux : « on ne peut pas toujours dépenser plus. » C'est une question d'indépendance nationale ... envers les agences de notation, celles-là même qui dégradent la note de la Tunisie quand l'autocrate Ben Ali est renversé. Tout y passe. Les tribunaux ? « On ne va pas garder un tribunal avec son juge d'instruction tout seul dans son bureau et deux audiences la semaine.» Les hôpitaux ? « 69% des hôpitaux de France sont en déficit.» Les bureaux de postes ? « Le service public c'est la polyvalence..» Les gendarmeries ? « mieux vaut un gendarme en tournée qu'à attendre le chaland .» Sarkozy suggère même à l'un des maires présents de distribuer lui-même le courrier s'il trouve son acheminement trop long à cause des fermetures de bureaux de postes. Il ressort ses exemples caricaturaux sur la Fonction publique (« le postier avec sa casquette au liseré jaune ») ou les salariés qui ne voudraient pas évoluer dans la mondialisation.
Quand Sarkozy parle équilibre budgétaire, jamais il n'évoque la question fiscale. Il y aurait fort à dire sur l'ISF qu'il veut supprimer, le bouclier fiscal qu'il aimerait cacher, ou le faible taux d'imposition des plus riches. Mardi, son secrétaire de l'UMP avait lancé une nouvelle idée. Jean-François Copé est là pour « faire vivre le débat », c'est-à-dire dire tout haut ce que Sarkozy pense tout bas. Cette fois-ci, il suggère de relever la TVA pour y transférer le financement de l'assurance sociale. Ce retour de la TVA sociale ne plaît pas à certains ministres tels Lagarde ou Baroin.
Bizarrement, ni Copé, ni Sarkozy ne voulaient commenter cette semaine le regain de l'inflation ni la stagnation des salaires. Les péages des autoroutes comme les TGV ont annoncé une hausse tarifaire de 2,24% et 2,85%. Les premiers chiffres sur le pouvoir d'achat des Français en 2010 sont très mauvais : en 2010, les salaires de base n'ont progressé que de ... 0,3% en France, la plus faible hausse depuis 2000.
Il y a deux semaines, Sarkozy exposait longuement sa feuille de route pour les prochains G20 et G8. Il y a 8 jours, c'était il y a une éternité. Vendredi, le sommet européen auquel il assistait à Bruxelles fut un échec. Les Etats n'ont pu se mettre d'accord sur les conditions de prolongation de la « Facilité européenne de stabilité financière ». Le candidat Sarkozy s'est collé à Angela Merkel. L'Allemagne est un modèle qu'il faut suivre. La chancelière a proposé un « pacte de compétitivité » pour les 17 économies de la zone euro, basé sur les critères de « l’État le meilleur », c'est-à-dire de l'Allemagne.  Quel programme ! Les « points très concrets » à mettre en œuvre dans chaque Etat-membre sont édifiants : fin de toute indexation des salaires sur l’inflation, relèvement de l’âge de la retraite sur le vieillissement, limitation constitutionnelle de l’endettement, création d'une assiette commune des impôts sur les bénéfices des sociétés. Le président polonais s'est senti insulté. Belgique, Luxembourg, Autriche, Espagne ont fait savoir qu'ils ne suivraient pas les exigences allemandes. Sarkozy suit et applaudit. A-t-il le choix ?
Boomerang sécuritaire
Le candidat Sarkozy, si soucieux de son image sérieuse et rassembleuse, avait déjà dérapé sur le drame de Pornic la semaine dernière. En réclamant un loi d'urgence contre la récidive sexuelle, il avait tenté d'instrumentaliser l'affaire alors que son propre bilan contre la délinquance est critiqué de toutes parts. Devant la résistance de son propre camp, il avait du renoncer. Lundi 31 janvier, les ministres de l'intérieur et de la justice lui ont remis leurs conclusions, et leurs recommandations : des dysfonctionnements dans la chaîne pénale auraient permis de laisser le suspect Tony Meilhon sans surveillance. Les remèdes proposés sont intentionnels ou inefficaces : on promet d'augmenter les capacités d'accueil du centre national d'évaluation des condamnés, mais on veut créer des strates administratives supplémentaires (nouvel « office central de suivi des délinquants sexuels et violents », « cellule de synthèse et de recoupement »); on va même mobiliser des retraités pour renforcer le suivi des récidivistes.
Mardi, le corps découpé de Laëtitia est retrouvé près de Saint-Nazaire. L'émotion est forte. Jeudi, le candidat Sarkozy est en campagne, à Orléans. Le déplacement devait être calme, le sujet était rassembleur (la prévention de la délinquance), avec une table ronde soigneusement décorée comme un plateau de télévision. Mais, avant ce débat, les vieux démons de Nicolas Sarkozy ont pris le dessus. Devant quelques gendarmes et policiers réunis pour 15 minutes d'échanges avec lui, Sarkozy commet une vraie faute politique, une bourde savamment préméditée. Passés les compliments d'usage et les messages de soutien, il justifie d'abord les réductions des effectifs de police et de gendarmerie. Plutôt que d'« avoir beaucoup d'effectif et peu d'équipements», il préfère « investir massivement dans les moyens techniques. » Plutôt que la police de terrain, les fichiers et les caméras ! On connaît le refrain, mal compris, y compris à droite. Lundi, il avait dû céder devant une épidémie de grève chez les CRS contre des fermetures de casernes. Mais ce jeudi-là, il voulait montrer qu'il tient la barre. Il glisse sur l'affaire Laëtitia, micro en main, le sourire crispé. On sent l'effort de maîtrise, les mots soigneusement choisis :  « Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute. Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés.»
Le tollé était inévitable. En quelques heures, Sarkozy parvient à liguer contre lui magistrats, policiers et personnels pénitentiaires.  On applaudit ! La campagne de 2012 démarre très mal. Le candidat auto-proclamé de la droite s'est planté. Les magistrats annoncent une grève des audiences pour une semaine. Les syndicats de policiers dénoncent l'injustice des accusations, l'inefficacité des mesures proposées, et surtout l'instrumentalisation politicienne du drame de Pornic. Les services sont surchargés. Des courriers officiels révèlent que la Chancellerie était au courant depuis deux ans au moins des dysfonctionnements en Loire-Atlantique. Va-t-on virer Hortefeux ou Fillon ?
Sarkozy a-t-il perdu la main ? Il est pris au piège de son jeu et de son bilan : depuis 2002, le nombre de violences aux personnes ne cesse de croître.
Sarkozy voulait-il provoquer pour divertir l'attention ? Jeudi, le procureur Jean-Claude Marin a confirmé ce que l'on craignait : le deuxième otage français au Niger n'a pas été exécuté par AGMI, mais tué par erreur par les forces françaises lors de leur intervention le 8 janvier dernier.
Faillite diplomatique
L'échec, cette semaine, était aussi diplomatique. Pourtant, Nicolas Sarkozy porte une attention hors normes aux sujets étrangers depuis novembre dernier. C'était même le prétexte avancé pour justifier son silence prudent sur les affaires intérieures. Mais il a complètement raté le coche... A l'étranger, la révolte égyptienne fascine et inquiète. L'administration américaine, de Barack Obama à Hillary Clinton, a multiplié les déclarations simples, claires et précises : la violence doit cesser, et Hosni Moubarak doit partir. L'Amérique a plus à craindre d'un changement. Elle subventionne à hauteur de 1,3 milliards de dollars l'armée égyptienne. Le gouvernement français est à la traîne. Il suit, il approuve sans approuver, il se perd dans un langage diplomatique empoulé à force de prudence, il a toujours quelques heures voire quelques jours de retard. Quand la secrétaire d'Etat à la jeunesse Jeannette Bougrab, dimanche dernier, recommande à Moubarak de partir, elle se fait recadrer illico par François Fillon. Il fallut que des journalistes soient attaqués, voire disparaissent pour le Monarque réagisse directement :«  J'ai été choqué par ce qui s'est passé à l'endroit des journalistes (...) les menaces sur la presse sont inadmissibles et inqualifiables.» a-t-il enfin lâché vendredi, à Bruxelles, lors d'un sommet européen à Bruxelles. Mais sur l'éventuel départ de Moubarak, « nous laissons aux Egyptiens le soin de déterminer qui doit le conduire et comment. »
La diplomatie française est inaudible. Quel sinistre présage pour les prochains G20 et G8 présidés par la France ! La ministre des Affaires Etrangères s'est encore faite tacler à deux reprises. Lundi, François Fillon répond par écrit à une question de l'opposition : la Sarkofrance a bien autorisé la livraison de grenades lacrymogènes à la Tunisie 48 heures avant la fuite de Ben Ali. Trouillard quand les choses s'enveniment, Fillon précisa qu'il n'y était pour rien, mais qu'Alliot-Marie, comme Hortefeux et Juppé, ont donné son feu vert.
Mercredi, le Canard Enchaîné accuse Alliot-Marie d'avoir usé d'un jet privé d'un proche du dictateur Ben Ali pour rejoindre une villégiature tunisienne, 6 jours après le déclenchement de la révolution, 6 jours après que le jeune vendeur de légumes Mohamed Bouazizi se soit immolé par le feu de désespoir à Sidi Bouzid. Michèle Alliot-Marie a nié. Son hôte est un ami, un homme d'affaires qui aurait été victime comme d'autres du clan Trabelsi-Ben Ali. Il était là par hasard, sur le tarmac de l'aéroport de Tunis, près à l'emmener gratuitement dans son jet quasi-vide. Vendredi, Mediapart démonte la défense de la ministre. L'avion qu'elle a utilisé « a été soupçonné une dizaine de jours plus tard par la police italienne d'avoir transporté le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali dans sa fuite.» Cet avion, d'après les registres aériens, était la propriété directe de Belhassen Trabelsi, le beau-frère de Ben Ali.
Ami sarkozyste, où es-tu ?


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