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Lettre de remerciements à Michèle Alliot-Marie

Publié le 07 février 2011 par Ruddy V / Ernst Calafol

Lettre de remerciements à Michèle Alliot-MarieNous devons beaucoup à MAM : grâce à ses erreurs tout simplement inadmissibles, on peut enfin faire officiellement le deuil de la démocratie française.

Heureusement que MAM est là. Elle m’a initié, elle a fait de moi un homme. J’avais encore beaucoup trop d’espoir dans la  réussite de la vie en communauté, dans la réalisation d’une société reposant, tant bien que mal, sur un socle de valeurs communes. J’étais faible, naïf, mignon, gentil, pas plus. Aujourd’hui, grâce aux coups d’éclats MAMiens, je suis libre comme l’air. Je me sens dans la situation de quelqu’un qui prendrait, disons, un jet privé pour éviter des embouteillages intempestifs dus aux pathétiques révoltes de prolétaires qui, vivant toujours dans des représentations dignes du Moyen-Age, croient que se battre pour leur liberté politique a encore un intérêt quelconque.

MAM, ministre d’État du pays que nos ancêtres les plus éloignés appelaient la « patrie des droits de l’homme » (sic), heureusement, est là pour nous faire basculer dans la modernité stratosphérique. Proximité, élégance, écoute, sens des responsabilités : tout cela n’était qu’une vaste blague ! MAM, et la lumière fût.

MAM vient de conditionner mon bonheur futur. Car qu’aurais-je ressenti, toute ma vie durant, si j’avais continué de croire si bêtement qu’il était possible de construire non pas une société idéale, non, même pas, mais un monde à peu près honnête, un minimum, vivable, plutôt agréable, ou, sans que chacun soit un modèle de vertu, l’on pourrait trouver l’entreprise générale globalement respectable et respectueuse ?

Grâce à MAM, j’apprécie Céline

Si MAM ne m’avait pas déniaisé, j’aurais souffert toute ma vie, voilà la vérité. J’aurais dû constater tout au long de mon existence que mes rêves de démocratie réussie étaient sans cesse contredits par les agissements de nos représentants ; que l’application dans les faits d’idéaux puérils comme le « respect de l’autre » était vouée à l’échec ; mais sans l’acte fondateur, radicalement révolutionnaire, anti-fédérateur de MAM, je n’aurais jamais pu me débarrasser de mes illusions. Le choc fût rude, j’en suis resté abruti, muet, plusieurs jours durant. Mais enfin je suis guéri, merci Alliot-Marie.

Je me souviens, il y a seulement quelques semaines, je ramais en plein marais idéaliste, j’abhorrais cet ignoble Louis-Ferdinand Céline, antisémite patenté, asocial maladif, qui disait que le monde n’était qu’une vaste entreprise à se foutre du monde. Je me disais que décidément, avec des gens comme ça, l’on n’avançait pas ; l’on ne tirait pas dans le bon sens. Grâce à MAM, je me moque comme d’une cerise de tirer dans le bon sens ; j’ai même compris ce que voulais dire Céline, j’ai compris le mot de « Littérature ». Je commence même à l’aimer Céline, à le lire, à mesure que j’estime que tous les idéaux libéraux du monde ne sont qu’un fatras de conneries. MAM, amie de la Lecture qui s’ignore, t’en voilà sincèrement remerciée.

Heureusement, MAM a agi. MAM à parlé. MAM m’a parlé, en tant que citoyen français. MAM a dit qu’elle se rendait compte qu’elle avait pu choquer des gens en utilisant à deux reprises le jet d’un membre de l’entourage de Ben-Ali. Mais Madame MAM est trop bonne ! C’est nous qui nous excusons d’avoir été choqués, tant Madame est de bonne foi, honnête, pure et parfaite, elle qui n’a, comme elle l’affirme, « jamais menti », Madame qui ne voit pas en quoi son geste était « répréhensible », qui estime ne plus être ministre lorsqu’elle est en vacances, et tout cela est évidemment surévident, surdéfendable, surcompréhensible, tout le reste n’est que le résultat d’une cabale médiatique immonde menée contre Madame, bien entendu, venant du PS, du PC, bien entendu, des médias, certainement, et peut-être même des manifestants tunisiens et des misogynes du monde entier.

Heureusement pour la liberté, MAM est surprotégée. C’est bien pour cela, justement, qu’elle affirme si fièrement sa pureté morale : que risque-t-elle ? Nous ne sommes plus à la basse et ennuyeuse époque où le peuple pouvait se rebeller et demander avec fureur la tête de ses dirigeants – comme c’est paraît-il le cas actuellement dans certains pays islamiques dont les analystes occidentaux droit-de-l’hommistes nous répètent depuis dix ans que ce n’est absolument pas dans leur culture de se rebeller.

MAM, ministre des Affaires Étrangères aux Français

La vérité ? Je l’ai enfin vue en face, je l’ai acceptée, dans toute sa cruauté : ceux qu’on appelle les « Français » n’intéressent personne. Pas plus que les « Tunisiens », les « Égyptiens » n’intéressent quiconque. Avec émotion, je nomme donc MAM ministre des Affaires Étrangères aux Français, et même Étrangères aux Peuples du Monde, pour m’avoir si clairement signifié que dans son esprit, je n’avais, en tant que citoyen français, qu’une place ultra-relative. Des choses capitales doivent m’échapper, à moi, pauvre petit votant remplaçable.

Mais cette fois, j’ai compris la leçon, et je pense que Madame en sera ravie. Je vais donc, une bonne fois pour toute, plus que jamais :

- Me foutre éperdument de tout ce qu’il se passera sur la scène politique française ;

- Ne penser qu’à ma gueule avec une rigueur redoublée, mentir avec le sourire, en toute détente, calmement, l’esprit serein et tranquille, et m’excusant, quand même, parfois, du bout des lèvres, d’avoir causé éventuellement quelques dommages minimes autour de moi ;

- Être un parfait agent de la France surmoisie, cramoisie ; ce pays à bien des égards devenu écœurant, puisqu’il est gouvernés par des personnes qui, en quelques semaines, réussissent à écorner une réputation fondée sur des siècles d’histoires et de révolutions.

Une pensée pour le chef d’orchestre, N.S.

Ouf, la messe est dite, on peut respirer tranquille, longue vie à tous. Que chacun règle ses compte de son côté, que chacun prenne ses vacances au mépris des autres, que chaque paroisse respire et vive de sa petite jalousie et de ses petites attributions.

Et n’oublions pas d’adresser un immense remerciement à celui sans qui tout cela n’aurait pas pu arriver : Nicolas Sarkozy le Grand, l’homme aux mille jets privés à la minute, défenseur acharné de la République irréprochable (expression prononcée le soir de son élection, du grand art), qui a l’insigne honneur de présider un gouvernement qui aura permis à des tas de naïfs comme moi d’avancer dans la Connaissance, de vaincre leurs derniers démons humanitaires, de se désolidariser de l’immonde optimisme civilisateur et fédérateur, de se débarrasser comme d’une vieille peau, une veste miteuse passée de mode, de notre volonté de participer à un monde qui ne soit pas le plus minable des mondes.

Pour conclure, une expression s’impose. En ces temps naïfs où les « Tunisiens » et autres « Égyptiens », ces peuplades éloignées si dérisoires, si anciennes, si arriérées puisqu’elles croient encore au bien fondé des idées démocratiques et des institutions qui les accompagnent, on a envie de dire : MAM, dégage. En jet comme en jet-ski. Et cette fois, on te le promet, personne ne t’en voudra.

Crédit photo : François à L’Imprévu / Flickr



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