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Michel Onfray et le droit à l'athéisme

Par Abigemuscas
(Michel Onfray parle d'athéisme, d'anti-cléricalisme, de laïcité et de Michel Onfray dans le Monde, et il m'agace).
On doit à Michel Onfray une récente tribune intitulée « Du droit à l’athéisme ». Assez curieusement, cet homme qui fait profession de penser ne parvient en l'occurrence à aligner sur le sujet qu’une collection d’opinions de comptoir que ne relie aucune apparence de raisonnement. De l’histoire de l’athéisme (fort résumée) à l’absence d’anti-cléricalisme chez l’auteur, illustrée par une touchante anecdote, en passant par une laïcité promptement balayée comme effet de mode s’exerçant « au détriment de l’athéisme », on ne comprend ni où M.Onfray veut en venir, ni en quoi il justifie son titre : car enfin la notion de droit n’est jamais évoquée dans son texte. S’il s’était souvenu de ce titre, peut-être aurait-il, dans un éclair de lucidité, compris en quoi la laïcité qu’il méprise s’articule à l’athéisme qu’il promeut.
C’est sur le plan du droit en effet qu’au premier chef la laïcité de l’État donne à l’athéisme, comme conviction, la possibilité d’exister. C’est une évidence, et l’on s’étonne d’avoir à le rappeler : quant à regretter que la laïcité permette « aux judéo-chrétiens » (s’il y a ici des judéo-chrétiens, levez la main ! je n’en connais aucun) « de conserver les nombreux acquis de l’ancienne religion longtemps dominante », non sans laisser leur place aux musulmans, autant dire que l’on déplore que la laïcité soit laïque ; c’est à se demander ce que M.Onfray voudrait mettre à la place. Et comment diable (c’est bien le mot) la laïcité pourrait-elle s’exercer « au détriment de l’athéisme » ? Souhaiterait-on faire à l’athéisme comme conviction une place privilégiée dans l’espace public ? Dans ce cas en effet, la laïcité est contre-productive. Créant pour l’athéisme comme conviction un espace de droit sans toutefois favoriser cette conviction, la laïcité est cependant l’horizon institutionnel le plus favorable auquel puisse prétendre un athéisme humaniste.
De plus, si elle est la condition du droit à l’existence d’un athéisme de conviction et si, en cela, le principe politique précède la conviction métaphysique, on peut aussi voir dans la laïcité la traduction politique d’un athéisme philosophique que je qualifierai ici de « faible » parce qu’il n’implique aucune conviction quant à l’existence de Dieu. L’athéisme, au sens étymologique, qu’est-ce d’autre que la caractéristique de ce qui est « a – thée », sans dieu ? Non pas forcément par conviction, mais par essence, par définition ou par accident, comme on voudra. Ainsi la science est-elle athée, puisqu’elle s’arrête là où l’on choisit de faire appel à l’hypothèse de dieu (pour reprendre la célèbre formule de Laplace présentant à Napoléon son traité de mécanique céleste : « la Providence, Sire ? je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse »). La musique est athée, fut-elle sacrée, et la grammaire est athée. Toute théorie, toute construction intellectuelle qui ne s’appuie pas sur l’hypothèse de dieu est athée, au sens faible : et de même les institutions de notre République sont-elles parfaitement athées, quand bien même elles reconnaîtraient l’existence de religions – ce qui ne comporte nul postulat quant à l’existence de Dieu.
Or cet athéisme au sens faible, cet athéisme adjectif pourrait-on dire, parce qu’il n’existe qu’accolé à une réalité dont on constate le caractère athée, se trouve à la racine même de tout humanisme si l’on accepte de qualifier ainsi une démarche qui tente d’explorer, de maîtriser et d’accroître le champ de la liberté et de la raison humaines. Liberté, égalité, fraternité : la devise a beau avoir été inventée, plus ou moins, sous les auspices de l’être suprême qui n’en pouvait, mais elle n’est inspirée que par l’homme. Athée donc notre nation, sous la devise qu’elle s’est donnée, athée notre République, athée notre laïcité ; et réciproquement, laïque cet athéisme faible qui n’existe pacifiquement que jusque-là où l’on ne pourrait plus se passer de Dieu.
Qu’est-ce donc à la fin qui ennuie tant M.Onfray, dans ces liens qui unissent l’athéisme adjectif, l’athéisme nominal (celui de l’athée), et la laïcité ? Il n’y a certes nulle équivalence entre ces trois concepts ; pour autant, n’y avait-il vraiment rien d’autre à dire sur le sujet qu’une sentence opposant en une phrase athéisme et laïcité ? De la part de quelqu’un qui a pourtant dû réfléchir au sujet, c’est un peu court en somme…

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LES COMMENTAIRES (1)

Par ccourouve
posté le 10 février à 21:05
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L'histoire de l'athéisme dressée au pas de charge par Michel Onfray est bien lacunaire ; il n'a pas compris l'athéisme de Montaigne, ignore l'athéisme d'auteurs anciens, récuse Sade car "misogyne". Son "Traité d'athéologie" n'est même pas un manuel, ni même un précis, plutôt un imprécis.

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