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[Critique] “Carancho”

Par Kub3

Crashs et plus si affinités

Avec son nouveau film, Pablo Trapero confirme sans conteste la grande vigueur du cinéma argentin. A la fois fragile et dur, violent et doux, Carancho mélange les genres, entre thriller noir, romance émouvante et portrait social presque documentaire.

[Critique] “Carancho”

Sélectionné dans la compétition “Un certain regard” au dernier Festival de Cannes, Carancho n’est pas passé inaperçu lors de sa sortie en Argentine. Le film y a rassemblé plus de 600 000 spectateurs l’année dernière tandis que la Présidente Christina Kirchner a encouragé les parlementaires à étudier de plus près la législation autour du phénomène des « caranchos », véritable fléau dans la région de Buenos Aires. En langage porteño, le carancho désigne un avocat peu scrupuleux encourageant ses clients à passer sous une voiture pour que lui ou sa famille bénéficient d’allocations… Face au marché particulièrement fructueux de la mort par accidents de voiture (8 000 Argentins y laissent leur vie chaque année – record mondial), de tels agissements sont légion. Autour de cette thématique, le cinéaste Pablo Trapero construit un film coup-de-poing, mâtiné de Martin Scorsese et de James Gray, sans pour autant renier le réalisme documentaire à partir duquel il tire sa force.

Dans le rôle-titre, Ricardo Darín (véritable star en Argentine et remarqué en France dans Dans ses Yeux), incarne l’un de ces fameux caranchos véreux, soucieux de raccrocher mais emprisonné dans les rouages du système mafieux au sein duquel il évolue. L’intérêt principal du film se concentre autour de cet homme, qui bientôt rencontre Lujan, médecin urgentiste devinant rapidement les agissements du curieux bonhomme. L’idylle se noue, touchante et profonde, entre le carancho las et vieillissant et cette jeune femme que le métier use malgré sa jeunesse. Ricardo Darín et Martina Gusman, tous deux impeccables, forment un véritable couple de cinéma et méritent à eux seuls le détour.

Mais Carancho doit aussi beaucoup au talent de metteur en scène de Pablo Trapero, qui réussit à conjuguer l’approche ultra-réaliste de la narration avec la mythologie du film de mafia. Essentiellement composé de scènes nocturnes et/ou d’hôpital, le film se révèle véritablement étouffant, suffoquant, prenant le temps d’instaurer une atmosphère lourde tout en restant rythmé comme un thriller. Si le scénario frôle parfois l’overdose dans le glauque, le sanglant et la démonstration de son propos, Carancho assume jusqu’au bout sa noirceur sans échappatoire, séduisante dans son refus de la concession et la finesse de sa brutalité immédiate.

Derrière ses ficelles narratives et ses codes visuels fréquemment hollywoodiens, le film de Pablo Trapero reste une satire diablement efficace, pendant social du Crash existentialiste de David Cronenberg, qui conjuguait déjà efficacement souffrance des corps et accidents de voiture.

[Critique] “Carancho”

En salles le 2 février 2011

Crédits photos : © Ad Vitam


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