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Mon rapport à la Pharmacovigilance

Publié le 12 février 2011 par Jean-Didier
Je discutais voici quelques semaines avec le rédacteur en chef d'un mensuel pharmaceutique. Le tourbillon médiatique soufflait alors sur le Médiator. Nous avions tous deux la même analyse: la tempête s'abattait sur la Pharmacovigilance et l'AFSSaPS, mais quid des professionnels de santé eux-mêmes? Quid de tous ces professionnels, informés par Prescrire pour certains, qui ne furent pas vigilants ou qui prescrivirent encore du Médiator? Je n'ai d'ailleurs lu qu'un seul article de quotidien pointant cette défaillance. C'est un article de Sylvie Montaron paru dans Le Progrès du 16 janvier 2011.Pourquoi cette sous-notification des évènements indésirables graves en ville?
Plusieurs facteurs ont été identifiés depuis la création des centres de pharmacovigilance. Ainsi, on invoque une certaine forme de complaisance à l'égard des médicaments ayant obtenu leurs Autorisation de Mise sur le Marché, apparaissant dès lors sûrs; la peur de la responsabilité professionnelle suite à la survenue de l'effet indésirable; le sentiment de culpabilité; la difficulté de collecte de case report; la méconnaissance du système de déclaration; la difficulté d'établir un lien de causalité entre la prise du médicament et l'effet indésirable; et même l'indifférence à l'égard de la nécessaire obligation de déclarer les effets indésirables graves (1).Voilà pour les facteurs recensés dans la littérature.En pratique, j'entends souvent: "Trop long, trop compliqué, il faut décrire de manière pointue et pis de toute façon on n'a jamais de retour".Mon expérience en terme de déclaration en pharmacovigilance est maigre. Je n'en ai fait qu'une dans ma carrière. Le centre de Lyon m'a répondu sous deux mois.Je n'en ai pas fait trois alors que je le devais.Il me serait facile d'invoquer le manque de temps. Pour l'une d'elle, j'étais étudiant, en 5e année hopitalo-universaitaire. Je pourrais arguer du manque d'encadrement; j'étais en stage chez le premier pharmacovigilant de Lyon. On peut me taxer de négligence. Oui.Et pourtant, il me semble que la réponse est ailleurs.L'idée m'est venue un matin en partant au travail. Je prends le dernier Daniel Pennac (qui date de 2007... oui je suis en retard dans mes lectures) Chagrin d'école que je lis dans le métro. Mais oui! C'est évident! Pennac me donne ma solution!Pennac tient sans doute des grands pédagogues. Face à des élèves en difficultés en français pour le bac, il leur fait rédiger des sujets et imaginer les rédacteurs des sujets. Pennac me donne la solution! Comment est-ce que je m'imagine les responsables de la pharmacovigilance?
Quand je me les imagine, je pense à mon maitre de stage hospitalier. Je m'imagine une personne aux connaissances en pharmacocinétique et pharmacodynamie pointues. Des femmes et des hommes qui lisent beaucoup, au fait de tous les derniers articles sur le sujet. Je m'imagine neuf sages au regard altier débatant autour d'un table ronde en bois massif, dans une salle de conseil à Paris.Au delà du caractère causasse de ma représentation, il faut voir ce qu'elle dissimule de mes craintes.J'ai peur que ne soit jugées mes connaissances. J'ai peur que des personnes que je considère comme mes pairs jugent mon savoir, ma réflexion, mon analyse.Contrairement au médecin, je n'ai pas à craindre une remise en cause de la prescription. Je crains leur regard sur la démarche que j'ai mise en place pour évaluer la cause iatrogène; ma collecte d'informations auprès du patient, mes sources bibliographiques, la rédaction de ma déclaration.Voilà ce dont j'ai peur, moi docteur en pharmacie.
Et contrairement à l'élève à qui le professeur pose une question pour laquelle il n'est pas sûr de la réponse et qui n'a d'autre choix que d'en faire une par l'absurde, j'ai le choix de ne pas poser la question.
(1) Belton KJ, European Pharmacovigilance Research Group. Attitude survey of adverse drug-reaction reporting by health care professionals across the European Union. Eur J Clin Pharmacol 1997 ; 52 : 423-7

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