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I wish I knew Natalie Portman

Par La Trempe
  Enfin ! Dispersant de la blancheur dans les rêves un peu trop placides de ces derniers temps, le Black Swan s’est installé sur nos grands écrans hâlés depuis mercredi pour les traditionalistes et depuis plusieurs mois pour cesbeaux esprits qui préfèrent les cocktails/avants premières du Ciné Cité à la queue fastidieuse du mercredi soir (ne parlons pas des autres corsaires anti-hadopi…). Depuis décembre, des rumeurs venues de l’Ouest l’annoncaient comme LE perturbateur, le film de clôture de l’année 2010, de la décennie. Verdict ? A l’inverse des multiples Armageddon avortés que nous a reservé 2010 : le vaniteux Inception, le bleu-dans-les-yeux Avatar et un « requiem numérico-psychédélique » hypertrophié nommé Enter The Void… le nouveau Darren Aronofsky tient les promesses espérées, provoquant de réels et stupéfiantes réactions épidermiques, poussant à l’insomnie.     Tel le Suspiria de Dario Argento ou le Carrie au bal du diable de De Palma, le film du frère Darren sublime l’horrifique par suite de perversions schizophréniques et de fantasmes en profusion dans l’univers délicat de la danse. Mais de tels artifices ne restent pas désintéressés, Black Swan retire de son sujet -la quête acharnée du perfectionnement- l’une des plus édifiantes irruptions en enfer qu’ii nous ait été donné de voir depuis longtemps. Darren, en quête lui-même de perfection, au travers de son imagerie ultra-intimiste, nous livre une sublime hallucination du Lac des Cygnes de Tchaikovsky, endurée sans essoufflement par ce vilain petit canard en sucre d’orge qu’est Natalie Portman. Le réalisateur s’engouffre dans un hommage à la danse classique dont on ne saurait ressortir indemne tant le film comporte de plans audacieux et virevoltants, embrassant les fouettés du cygne sans jamais croiser le regard des immenses miroirs qui ornent les salles de répétitions. Outre ce regard passionnant sur le milieu de la danse classique et sa rigueur démente, Black Swanrepose sur ses seconds rôles qui ne sont rien d’autres que le prolongement du décor du ballet. La mère de la danseuse, calquée sur celle de Carrie, plonge l’antre de la petite famille dans un univers claustrophobique, un monde pollypocket où ne transpire aucune maturité, empêchant la ballerine de s’abandonner à elle-même, à son corps. Lili la rivale, interprétée par Mila Kunis (That 70’s show) transporte le film dans une atmosphère desérie B ou de teenage-movie avec son visage d’éternelle lycéenne, illustrant parfaitement la schizophrénie de l’héroïne tant elle en est l’antithèse. Quant à Vincent Cassel qui joue le directeur artistique de la compagnie, celui-ci a tendance à nous rappeler son rôle dans Notre jour viendra, endossant une fois de plus le costume du français Dandy-savant et donnant, habitué à ce genre de rôle, une belle touche de charisme au film. On préférerait malgré tout le voir abandonner certaines mimiques qui le rapprochent plus de Lambert Wilson que de John Malkovich…     La fin de la séance nocturne nous abandonne au sentiment d’avoir assisté à la projection d’une œuvre d’art intraitable, d’un choc cinématographique rare, à la fois fédérateur et ambitieux. Et l’on ne peut s’empêcher de songer à tous les films ayant précédé Black Swan cette année et qui ont prétendu à la même envergure. Difficile de ne pas se sentir léger, comme soulagé d’un poids dont on avait oublié la présence tant on ne s’attendait plus à ce genre d’acrobaties filmiques de la part d’une superproduction. Avec Black Swan, Aronofsky lâche la bride, poursuivant la voie qu’il avait ouverte (maladroitement) par The Fountain puis avecThe Wrestler, trois ambitieuses machines dissonantes à l’égard de la production hollywoodienne. I wish I knew Natalie Portman… Natalie fera passer une nuit blanche à plus d’uns, condamnés, fumant clope sur clope, contraints à mater en boucle l’Hotel Chevalier sur Internet. Nouveau sex-symbol hollywoodien, Portman fait oublier le croisement de jambes de Sharon Stone dans Basic Instinct ou le dépouillage de boucles d’oreilles de Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut, naviguant via sa double personnalité entre le chaste et l’érotique… I wish I knew Natalie Portman.

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