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L'innovation ou les contraintes des transports

Publié le 16 février 2011 par Bix

Entre déplacements contraints et innovations : 2 images contradictoires de la SNCF à l'heure du début de la fin de l'automobile et de la privatisation.

Hasard des publicatons et intérêt du crossposting[1] pratiqué sauvagement par Owni, mes lectures d'aujourd'hui ont vu se télescoper 2 articles sur la SNCF et ses pratiques, ses évolutions en tant que principal transporteur de voyageurs du pays. 2 articles au point de vue fort différent, macro et micro, optimiste et pessimiste. Ce n'est hélas pas incompatible : vive la complexité du monde qui vient et qui est déjà.

Le futur est déjà là, l'écologie avec

D'un côté on a Ludovic Bu, parti assister à la conférence annuelle "rencontres clients" où il a découvert que "SNCF" (oui, l'entreprise devient une marque et le "la" va peu à peu devenir obsolète ; lisez donc le rapport d'activités 2009 pour vous en convaincre) innovait dans tous les sens : gare HQE[2], accessibilité aux handicaps améliorée, tarifications adaptées (probablement avec le concours des collectivités "clientes" du territoire), locomotive "hybride", etc.

Au final, malgré quelques bémols, Ludovic est ressorti enchanté de la conférence. Citons :

j’ai le plaisir de reconnaître que la SNCF est en passe de réussir son pari de devenir l’acteur majeur et incontournable de l’éco-mobilité ! A condition de déployer largement toutes ces bonnes initiatives dans l’ensemble des gares et trains de la compagnie, bien sûr.

Lire tout l'article : La SNCF et l'écologie : essai en cours de transformation

Le futur est déjà là, les caméras et le contrôle automatique aussi

Son de cloche fort différent du côté de Jean-Noël Lafargue, qui se contente d'analyser finement les changements dans sa petite gare de Cormeilles-en-Parisis, dans le Val d'Oise.

Avant les travaux :

Depuis la rue, on accédait librement aux voies, c’était à chacun de prendre la responsabilité du compostage du billet, comme sur les quais des grandes gares parisiennes. On pouvait aussi accéder à l’intérieur de la gare, dont le gros de la surface était occupé par le personnel de la SNCF, réparti en deux guichets et un bureau de réservation grandes lignes

Après les travaux :

la gare a été vidée des agents, il ne reste qu’un unique guichet, fréquemment fermé. L’espace de services a été transformé en un simple hall, que l’on peut traverser. Le lieu est équipé d’automates d’achat de billets (banlieue et grandes lignes) et une zone a été réservée pour accueillir une boutique semble-t-il, mais elle est pour l’instant inoccupée. Ce hall n’est pas assez spacieux pour qu’on y ait disposé des bancs.

Une tendance observée dans les salles de Gare de l'Est, où je passe tous les jours : automates partout, guichets nulle part (et encore, les grandes lignes sont un peu à part) et surtout, surtout, profusion de boutiques. Il ne sera pas dit que le moindre espace ne sera pas mis à profit pour qu'on ouvre son porte-monnaie. Des rayons plutôt que des bancs. Du shopping plutôt que de la flânerie.

Le nouvel aménagement de la gare de Cormeilles contraint les déplacements. Contraintes auxquelles s'ajoute un effet cliquet : pas question de sortir du quai pour une raison ou une autre si vous n'avez pas d'abonnement : votre titre de transport ne serait plus valable. Sous prétexte de lutte contre la fraude on pénalise l'ensemble des voyageurs.

La langue médiatique actuelle aime bien prétendre que les voyageurs sont « otages » des mouvements sociaux, eh bien ils peuvent aussi être « séquestrés », « piégés » par des portillons automatiques.

L'auteur regrette également des choix techniques peu compréhensibles : écrans illisibles, caméras plutôt que présence humaine, automate plutôt que guichetiers. Ce qu'il regrette encore plus est que la technique n'est vue que sous l'angle de la contrainte, pas de la souplesse qu'elle pourrait apporter. Grâce à l'informatique en effet on pourrait multiplier les titres de transports la carte, souples et multimodaux à l'image du système Keolis à Pau cité par Ludovic Bu, preuve que c'est possible.

Lire l'article complet : Prison automate : l'exemple d'une gare

Par là, mais pas par là et faites le tour

Au final, mépris, défiance, contraintes semblent être les mots clef des aménageurs de gare. Certes, on est encore loin des stations de métro pékinoises où des gentilles mais fermes policières vous font comprendre qu'il faut passer par un itinéraire précis qui mène aux rayons X pour votre sac, quand ce ne sont pas carrément des doubles barrières qui coupent de halls immenses afin que les entrants ne croisent pas les sortants. Le tout exécuté dans le calme avec une discipline impressionnante (du point de vue français, et on ne parlera pas des files d'attente).

Oublions la Chine, revenons à Paris. Combien de temps perdu, aux Halles par exemple, dans ces espaces aux flux contraints entre voyageurs qui sortent, voyageurs qui entrent et ceux en correspondance ; aux heures de pointe. Combien de bouchons créés par les tourniquets, les touristes perdus avec leurs valises qui cherchent le trou pour le ticket qui n'existe que sur 15 % des bornes de validation. Des voyageurs peu habitués qui déboulent dans un cul-de-sac réservé à l'entrée alors qu'ils veulent sortir...

Sans aller réfléchir trop loin, le Vigipirate Rouge en permanence, les paranoïas anti-fraude, plus la vidéosurveillance et la hausse des tarifs, pas sûr que la diversification et l'innovation de SNCF ou RATP soient suffisantes pour nous faire préférer les transports.

Qui a dit "volonté politique" ?

Notes

[1] Crossposting : une manière plus branchée de dire "copier- coller", il s'agit tout simplement de la pratique de publier un article/billet sur plusieurs supports à la fois. Par exemple d'un blog perso à Owni.

[2] Au fait. Non Ludovic, le HQE n'est pas un label ni une norme, juste une démarche sans critère. C'est bien là tout le problème.


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