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Prêt à jeter : l’obsolescence programmée en pleine lumière

Par Erwan Pianezza

Déjà abordée brièvement dans un article précédent (voir l’histoire des produits électroniques), l’obsolescence programmée est une pratique industrielle dont on parle finalement très peu et qui consiste à réduire volontairement la durée de vie des produits et des objets pour en augmenter la demande et alimenter la croissance.  Mardi dernier, Arte vient de diffuser sur ce sujet « Prêt à Jeter », un documentaire remarquable de Cosima Dannoritzer.  A l’appui d’images d’archives  et de nombreux témoignages en provenance du monde entier, le documentaire décortique les rouages de la société de consommation en adoptant une perspective historique et culturelle.

Prêt à jeter : l’obsolescence programmée en pleine lumière

L'ampoule de Livermore - Crédit photo: Dick Jones http://www.centennialbulb.org/photo1b.htm

En fil conducteur, Marcos, un informaticien de Barcelone, se trouve confronté à une panne d’imprimante.  Confronté à un devis de €15 pour un diagnostic de panne et à une facture potentielle de €110 à €120, Marcos est rapidement invité à considérer l’achat d’une nouvelle imprimante.  En effet, il pourrait se procurer une nouvelle machine bien plus performante que la sienne, et ce « à partir de €39 ». Le documentaire se termine par le mot « FIN ? » sur une page qui sort de l’imprimante que Marcos a réussi à réparer lui-même sans débourser un centime.  Sans le dévoiler ici, le diagnostic de la « panne » est édifiant.

Autre anecdote étonnante, celle de « l’ampoule de Livermore ».  En 1972, un employé de la caserne des pompiers de Livermore en Californie remarque une ampoule différente des autres dans le système d’éclairage : c’est une lampe à incandescence en verre soufflé qui a l’air assez ancienne.  Après enquête, un journaliste parvient à retracer l’origine de l’ampoule et il s’avère qu’elle a été installée…en 1901.  Cette même ampoule éclaire donc la caserne depuis 109 ans.  Ce genre d’exemple nous amène donc à nous interroger sur la durée effective des appareils électriques que nous utilisons quotidiennement.  Depuis que la technologie le permet, une webcam (c’est la deuxième…la première a rendu l’âme !) est d’ailleurs pointée sur l’ampoule en question.

« Prêt à jeter » met également « en lumière » un certain nombre de faits historiques :

  • Un cartel mondial (le « Cartel de Phoebus ») se met en place dans les années 20 pour limiter la durée de vie des ampoules électriques à 1000 heures.  Même si les activités du cartel sont mises à jour dans les années 40, le standard établi reste inchangé.
  • Alors que l’invention du nylon dans les années 40 permet de produire des bas quasiment indestructibles, les ingénieurs sont sommés concevoir des bas moins résistants pour soutenir la consommation.
  • Si le constructeur automobile Ford invente la chaîne de montage pour la production en série de la Ford T au début de 20e siècle, c’est la firme General Motors qui introduit la notion de design.  Dès 1915, GM sort un nouveau modèle de Chevrolet par an pour forcer le consommateur à changer de voiture tous les trois ans.
  • Un certain nombre de produits électroniques modernes comme la première génération des iPod contiennent des piles non rechargeables, non remplaçables et dont la durée de vie est limitée à 18 mois.  Suite à un procès en recours collectif en 2003 (non abouti) et à la pression des consommateurs, les délais de garantie sont modifiés et les piles ne sont plus soudées à la carte mère pour un remplacement plus facile.

Si la pratique de l’obsolescence planifiée par obligation légale n’a jamais été officiellement appliquée, ce sont les pratiques du design industriel qui introduisent chez le consommateur la notion de « désir de nouveauté » dès les années 50 avec l’introduction d’objets de consommation courante beaux, stylisés et à la mode.  Comme le rappelle Serge Latouche, dès la fin de la deuxième guerre mondiale, l’obsolescence programmée, le crédit et la publicité deviennent les moteurs le l’ "American Way of Life ", et par extension de la société de consommation occidentale, et donc de la croissance.

Ce sont les montagnes de déchets électroniques qui arrivent en Afrique ou en Asie du Sud-Est (ou la majorité des produits en fin de vie sont exportés pour y être « recyclés ») qui commencent à remettre sérieusement en question cette logique interminable de croissance et de gaspillage.  Le reportage conclut en explorant quelques pistes pour sortir de cet engrenage :

  • Changer le modèle de production en place et s’orienter vers des produits pérennes comme les ampoules à LED Pharox, garanties 25 ans  ou des produits entièrement biodégradables et non polluants en reproduisant les cycles naturels.
  • Recommencer à réparer et à recycler les produits en panne sur place, comme le font la majorité des pays africains en suivant un modèle artisanal.
  • Changer la logique et adopter un modèle de décroissance, comme le suggère Serge Latouche.  Une véritable révolution culturelle qui implique une réduction de l’emprunte écologique, du gaspillage, de la surproduction et de la surconsommation.

Rediffusion le Vendredi, 18  février 2011, 10h30;  le Jeudi, 24  février 2011, 03h25 ou visible sur le site d’Arte


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