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L’Avantage de la science : Jean de La Fontaine

Publié le 20 février 2011 par Unpeudetao

   Entre deux Bourgeois d'une Ville
   S'émut (1)jadis un différend.
   L'un était pauvre, mais habile,
   L'autre riche, mais ignorant.
   Celui-ci sur son concurrent
   Voulait emporter l'avantage :
   Prétendait que tout homme sage
   Etait tenu de l'honorer.

C'était tout homme sot ; car pourquoi révérer
   Des biens dépourvus de mérite ?
   La raison m'en semble petite.

   Mon ami, disait-il souvent
   Au savant,
   Vous vous croyez considérable ;
   Mais, dites-moi, tenez-vous table ?
Que sert à vos pareils de lire incessamment ?
Ils sont toujours logés à la troisième chambre,
Vêtus au mois de Juin comme au mois de décembre,
Ayant pour tout Laquais leur ombre seulement.
   La République a bien affaire
   De gens qui ne dépensent rien :
   Je ne sais d'homme nécessaire
Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
Nous en usons, Dieu sait : notre plaisir occupe
L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,
Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez
   À Messieurs les gens de finance
   De méchants livres bien payés.
   Ces mots remplis d'impertinence
   Eurent le sort qu'ils méritaient.
L'homme lettré se tut, il avait trop à dire.
La guerre le vengea bien mieux qu'une satire.
Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient.

   L'un et l'autre quitta sa ville.

   L'ignorant resta sans asile ;
   Il reçut partout des mépris :

L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle.

   Cela décida leur querelle.

Laissez dire les sots ; le savoir a son prix.

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