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Le système Kadhafi à bout de souffle en Libye

Publié le 21 février 2011 par Africahit

Le régime libyen, aujourd'hui contesté par la rue, repose sur un équilibre instable, où Kadhafi se plaît à diviser pour mieux régner.

Mouammar Kadhafi à Rome en août 2010. Crédits photo: REUTERS/Max Rossi.

Le régime libyen est-il réformable? Seif al-Islam Kadhafi semble le croire. Dans son discours télédiffusé en pleine nuit, entre lundi et mardi, il a fait allusion, entre deux menaces, à l'élaboration d'une Constitution. Le fils du Guide de la révolution, dauphin supposé, rêve de réguler la vie politique libyenne par un texte fondamental. Il a même chargé un groupe d'experts étrangers d'y travailler.

Son père l'a laissé faire, tout en s'accrochant au système qu'il a inventé, la Jamahiriya, la «République des masses». Un système aujourd'hui à bout de souffle. Selon ce concept, le peuple est censé gouverner directement à travers des assemblées de base, les comités populaires, et leur émanation nationale, le Congrès général. Mouammar Kadhafi ne serait qu'une sorte de conseiller bienveillant. Le «Guide» entretient la flamme de cette utopie en annonçant régulièrement la suppression des fonctionnaires, voire des ministères, et la distribution directe des revenus pétroliers au peuple, annonces qui sont restées sans effet.

En réalité, et même si Kadhafi écoute réellement les doléances du Congrès, la répression de la révolte trahit la réalité du régime, dirigé par un leader s'appuyant sur une garde prétorienne et sur un organisme politique, les comités révolutionnaires, une milice politique au parfum soviétique qui chapeaute, dirige et surveille les comités populaires.

Kadhafi divise pour mieux régner

Le système Kadhafi à bout de souffle en Libye
Mais ces comités révolutionnaires n'exercent pas tout le pouvoir. Kadhafi a toujours pris soin de diviser pour régner. La description du fonctionnement du système a donné la migraine à plus d'un chercheur. François Burgat et André Laronde, deux des meilleurs spécialistes français de la Libye, s'y sont essayés dans un brillant Que sais-je?.

«Mouammar Kadhafi prend alternativement appui sur trois institutions: le Congrès général du peuple, les comités révolutionnaires et l'armée. La continuité du pouvoir repose sur cette alternance imprévisible de trois pôles concurrents», écrivent-ils. Kadhafi a en outre tenté récemment d'ajouter une institution régionale au rôle assez flou. Toutefois, ajoutent les auteurs, il ne faut pas oublier les passerelles: les comités révolutionnaires noyautent l'armée et le Congrès général. Mais on est encore loin de la vérité si l'on oublie que les comités révolutionnaires peuvent être eux-mêmes «court-circuités à tout moment par des solidarités tri­bales encore extrêmement vivaces».

Mouammar Kadhafi a toujours pris soin de faire entrer le paramètre tribal dans la distribution des postes et des prébendes. Les tribus, de leur côté, ont pris l'habitude d'investir les différentes institutions. Leur influence est encore grande dans une société où l'on se ré­fère souvent à un chef avant d'obéir à un État qui, en principe, n'existe pas…

Tentatives de coup d'État 

La Libye a toujours fonctionné grâce à cet équilibre perpétuellement instable ; l'armée elle-même est traversée de courants et de complots. Les spécialistes estiment à une vingtaine le nombre de tentatives de coup d'État militaire depuis celui de septembre 1969, à l'origine de la prise de pouvoir de Kadhafi. Mais, depuis quelques jours, l'équilibre semble en passe de se rompre. Plusieurs chefs de tribu ont décidé de mettre fin à leur allégeance.

Parmi eux, Akram al-Warfalli, un dirigeant de la puissante tribu al-Warfalla, a annoncé à la télévision nationale: «Nous déclarons au frère Mouammar Kadhafi qu'il n'est plus un frère, nous lui disons de quitter le pays.»

Cette tribu avait été impliquée dans une tentative de coup d'État militaire en 1993. Des centaines de ses membres avaient été tués. Réprimés et marginalisés, les Warfalla pourraient estimer que l'heure des règlements de comptes a sonné. La tribu compterait encore de nombreux membres dans l'armée. «La révolte ravive des plaies anciennes», affirme le chercheur Olivier Pliez. Le soulèvement de la ville de Beida, ajoute-t-il, rappelle que cette cité de l'Est fut le siège de la dynastie Senoussi, l'ancienne famille royale de Libye, renversée par Mouammar Kadhafi.



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