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C'était demain / Karl Alexander

Par Bibliomanu
C'était demain / Karl AlexanderIl y a peut-être deux ans de ça, après avoir rempli mon adhésion à la FSHW, la Fédération des Super-Héros du Web, j'ai reçu dans ma boîte aux lettres leur guide énonçant les conseils à suivre et ne pas suivre. Et dedans il y a l'article 4. de la rubrique « identité et partage ». Article qui stipule : « évitez autant que faire se peut de vous raconter, de donner des éléments constitutifs de votre vie civile, surtout si vous n'avez pas de super pouvoirs, cela pourrait s'avérer fâcheux. Se dévoiler, c'est prendre le risque d'attaques malveillantes ou d'intrusions répétées dans votre cercle familial ou privé. » Jusqu'à présent, à une ou deux petites exceptions près sans grandes conséquences, j'ai toujours suivi à la lettre ces prérogatives. Mais là... là, comment passer outre ? Comment parler de C'était demain sans remonter en arrière – après tout c'est une histoire de voyage dans le temps, non?
Pour autant, ce n'est pas la peine que vous preniez des notes, ni que vous me réclamiez par la suite quelques euros d'honoraires, je ne vais pas non plus m'allonger sur un canapé binaire. Disons que je vais juste m'y asseoir, hein, ce sera plus près de la vérité.
Octobre 1985. Retour vers le futur sort sur les écrans français. C'est une claque pour l'adolescent que je suis et qui découvre peut-être pour la première fois une histoire de voyage dans le temps. L'éventail des possibles paraît proprement hallucinant.
Août 1986. En vacances, je tombe sur un vieil Historia (le n°414 pour être précis, datant de mai 1981) consacré à Jack L'éventreur. Un dossier constitué par Alain Decaux qui revient sur les faits et sur le mystère entourant l'identité du célèbre serial killer. Il laisse supposer que les scellées concernant ce dossier devant permettre d'y voir plus clair seraient enlevées vers 1999. C'est raconté d'une telle manière que la curiosité ne peut être que piquée.
Et puis vient juillet 1988. Je vois le film C'était demain. Une nouvelle claque, au point d'utiliser l'histoire pour une rédaction au collège quand nous travaillions sur la science-fiction et le fantastique. Mon seul et unique plagiat. Raté, pour ceux que ça intéresse. En tout cas, la réception de la note me valut une belle montée d'angoisse et la mise en branle de l'imagination quant à l'annonce qu'il faudrait en faire.A l'époque je ne savais pas que le livre existait, je ne savais donc pas non plus que l'auteur, Karl Alexander avait lui-même scénarisé le film. A l'époque, il ne fallait pas me parler de livres.
Fin de l'épisode revival.
Maintenant, la donne n'est plus la même, mais ce n'est pas sans une certaine appréhension non plus que j'ai ouvert ce livre. Est-ce que je n'avais pas trop magnifié cette histoire à l'époque ? Est-ce que mon regard à moi n'aura pas trop changé ? Est-ce que le bouquin n'aura pas trop vieilli ? Après tout il date de 1979...
Non. Oui forcément. Un peu mais qu'importe. Voilà, dans l'ordre les réponses à ces questions.
Première constatation : Karl Alexander a fidèlement, très fidèlement, retranscrit son histoire. à l'écran. Celle d'un Herbert George Wells ayant mis au point une machine à voyager dans le temps qu'il est contraint d'utiliser, non pas pour convaincre un auditoire de l'étendue de sa science, mais pour poursuivre Leslie John Stephenson, alias Jack l'Eventreur. Wells a en effet invité plusieurs personnes de sa connaissance pour leur révéler son invention quand la police frappe à sa porte. Elle a remonté la trace de l'assassin qui, pour lui échapper, n'a pas d'autre choix que de se propulser en 1979... à San Francisco.
A n'en pas douter Karl Alexander s'amuse beaucoup. S'il n'a pas le souci de la vraisemblance – il ne s'embarrasse pas d'explications scientifiques quant au fonctionnement de la machine à voyager dans le temps – il a néanmoins celui de divertir le lecteur, sans pour autant céder à la facilité. Tout juste emprunte-t-il à une ou deux reprises des raccourcis un peu abrupts dont je ne peux dévoiler la nature ici. Ce qui l'intéresse, c'est plutôt de projeter un homme dans le futur, de le soumettre à une observation puis de dresser le constat d'une évolution comportementale. Au début du roman, H.G. Wells est en effet convaincu que la science, la technologie et le savoir, pourvoiront à la plénitude sociale, au meilleur des mondes. Son voyage va se charger de lui remettre les pendules à l'heure.
Là d'où je viens, je suis un monstre, ici je suis un amateur, affirme Jack l'Eventreur.
On ne peut être plus clair.
Karl Alexander n'investit pas le champ des paradoxes temporels. A peine les effleure-t-il pour les besoins de son récit dont le déroulement s'avère sans temps mort. A aucun moment, je ne me suis lassé des découvertes du Wells pétri de naïveté, ni des prises de conscience qui en ont découlé, toutes auréolées du sourire du lecteur du XXIème siècle tant les situations ont pu s'avérer cocasses...
Comme lorsque j'ai vu le film pour le première fois, comme dans toute bonne histoire de voyage dans le temps qui se respecte, l'envie était là de donner des directives aux personnages – quoique ce ne soit pas la peine pour ce qui est de subjuguer les femmes, pour ça, les manières désuètes opèrent à merveille – leur dicter la voie à suivre plutôt que de s'empêtrer dans des complications dont ils pourraient se défaire sans aucune diff... enfin, en faisant un peu attention. Bizarre quand même quand on y pense, cette envie de vouloir toucher à tout parce que là, en ce qui concerne C'était demain, la place du lecteur est on ne peut plus confortable et enthousiasmante.
Tiens d'ailleurs, ça me fait penser qu'à l'automne 1993, en octobre si je ne me trompe pas, à moins que ce ne soit en novembre, enfin bref, ce n'est pas vraiment important parce que de toute façon, j'avais bien pris soin de [suite de la chronique supprimée en raison d'une modération de secours de la FSHW, conforme à l'article 6 de la rubrique « identité et partage »]
C'était demain, Karl Alexander, traduction de Jean-Pierre Carasso, révisée par Julien Bétan, Mnémos (Dédales), 248 p.

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