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Le sujet délicat des vins sans soufre

Par Mauss
Si, comme tout amateur, je sais que le soufre mis en minime quantité dans le vin sert, entre autres, à combattre les éventuelles bactéries et freiner une oxydation rapide du vin, mes connaissances techniques ne vont guère plus loin.
Par contre, je sais mieux que c'est un sujet qui allume vite des passions et des commentaires bien trop souvent assis sur d'inutiles partis-pris.

J'évoquais récemment le cas de Dominique Belluard à Ayze, près de Bonneville, qui me disait à quel point il avait encore du mal à bien contrôler sa cuvée "pur jus" sans soufre, étant encore loin des réussites d'un Jean-François Ganevat (Jura) un nom qu'il évoquait mezzo voce avec beaucoup de respect.
Ce midi, j'étais à Paris avec Henry Marionnet qui me faisait déguster ses 2010. Si son sauvignon offre immédiatement rondeur en bouche, fraîcheur en finale et belle complexité, je suis resté assez baba devant sa cuvée "Ma Première vendange" de son gamay qui est l'exemple parfait du "vin-solution", la noblesse même du "se boit sans soif" dans sa plus évidente acceptation.

de

Magnifique cuvée de sauvignon, vivement recommandée, si loin des pipis de chats bien trop fréquents sur ce cépage

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"Première Vendange" : à la limite, ce serait criminel de ne pas encaver ce gamay rapicotant comme pas deux !

Bon an, mal an, la production de cette cuvée tourne quand même autour de 50.000 bouteilles. Figurez-vous les amis que c'est une cuvée strictement sans soufre. En fait, allons plus loin : depuis 1990, Henry Marionnet élève ainsi cette cuvée haut de gamme de son gamay sans en faire tout un tapage ni un argument commercial prout-prout madame. Les sages savent à quel point il y a une forte corrélation entre puissante publicité "bio" et médiocrité des vins ainsi labellisés. Certes, certes, il y a de notables exceptions, mais avouons que les domaines produisant les plus belles réussites en "bio" restent plutôt discrets sur leur politique de vinification, n'ayant nul besoin de label pour faire apprécier leurs crus.

Oh, bien sûr que depuis 1990, Henry Marionnet a dû vidanger quelques cuves qui ne répondaient pas à ses exigences qualitatives ou qui "piquaient" en quelques heures. Mais, quand même, chaque année depuis 1990, il a pu offrir à sa clientèle fidèle ce vin si joli. Naturellement, quand la RVF a publié un long papier sur les "sans soufre", on a pris un soin rigoureux à ne pas mentionner son nom ni ses vins, alors même qu'il en était le précurseur évident, et avec un tel éclat ! Passons.

Vous savez à quel point je peux poser des questions bêtes à pleurer : ça n'a pas loupé :-)

Première question : qu'est ce qu'apporte le "sans soufre" ? Et bien j'ai appris que le soufre, entre autres actions, tuait des variétés de levures et donc cela aboutissait à une palette aromatique bien différente. On mettra ainsi un de ces jours en parallèle un "sans soufre" et un "avec". On verra bien ce qu'on ressentira.

Deuxième question : est-il vrai que le vin lui-même peut produire lors de son évolution un peu de soufre (ou sulfite ?) ? Oui, car des analyses ont montré un taux de 3 milligrammes là où il n'avait strictement rien mis. Mais entre 3 mg et 100+mg, votre tête fait vite la différence.

Troisième question :  et quid de la protection contre l'oxydation ? Là encore, comme ce sont des vins à boire plutôt jeunes, sur la fraîcheur et la vivacité d'un fruit portant au péché de volupté, il n'y a pas lieu de s'inquiéter et il n'y a jamais eu de retour significatif de la part de clients contrariés.

On ne va surtout pas rentrer dans des discussions techniques byzantines à souhait. Restons calmes, sereins et fondamentalement pratiques : ou c'est bon, ou c'est pas bon : point.

Mais ce que j'ai pu déguster ce jour avait la splendeur d'un ciel sans nuages et on rêvait déjà de la prochaine ouverture de la terrasse du Laurent qui, comme d'hab, reste une des plus belles illustrations parisiennes de l'alliance rare entre qualité de la cuisine et compétence du service. Une maison majeure comme il y en a trop peu.

cdtr

La cuvée "Cot" en non greffées développe une puissance imposant le respect. Un vin de silence.

benoit

Henry Marionnet et Benoît France dont les cartes de vignobles font référence : deux gamins pas tristounets !

 

juy

… et Monsieur Puisais (à droite) qui défend avec ardeur la notion de "vrais" vins. L'élégance d'un fringant jeune homme.

PS1 : if you speak english and are quite interested by statistics, just look at Tom Wark last paper :

The Frequency of Usage of Wine Words : HERE


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