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Bataille autour du SMIC

Publié le 03 mars 2011 par Copeau @Contrepoints

Bataille autour du SMICJean-Claude Trichet, actuel président de la BCE, a récemment recommandé que pendant trois ans la revalorisation du SMIC ne soit plus automatique, compte tenu des risques d’inflation. Ce serait, à son avis, une erreur de vouloir maintenir le pouvoir d’achat des salariés en compensant les hausses de prix actuelles par des « coups de pouce » au SMIC. L’effet serait une aggravation de l’inflation, donc une course poursuite prix-salaires que l’on a connue en France et en Europe dans les décennies 1950 et 1960. Jean-Claude Trichet reprend ainsi l’un des principes du « pacte de compétitivité » d’inspiration allemande : pas d’indexation des salaires, et surtout pas du SMIC.

La réaction de François Baroin, Ministre du Budget, ne s’est pas fait attendre : pas de blocage du SMIC, sous quelque forme que ce soit, de sorte que la perspective d’une hausse du SMIC de 5% en juillet prochain est toujours d’actualité : arrosage électoral. Mais l’arroseur peut être arrosé, car beaucoup d’électeurs de la majorité connaissent les conséquences d’une hausse du coût du travail pour la compétitivité des entreprises et le maintien de l’emploi. 

Le SMIC est une impitoyable machine à broyer les emplois. C’est, avec la fiscalité progressive, la cause majeure du chômage, et en particulier du chômage des jeunes.

Le SMIC a en effet pour caractéristique de dissocier rémunération et productivité. Dans un objectif dit « social », pour garantir un revenu « décent » aux salariés, le SMIC aboutit à les surpayer c’est-à-dire à les payer plus que ce qu’ils rapportent (productivité).

Cette « générosité » va ruiner les chances de ceux qui recherchent un emploi, mais aussi de ceux qui en ont un. Quantité d’emplois non qualifiés pourraient être offerts, notamment à des gens qui débutent ou qui n’ont pas encore reçu une formation suffisante. Le SMIC fonctionne ici comme une barrière à l’entrée sur le marché du travail. Ainsi les jeunes chômeurs allemands sont-ils 14% et les français 26%. Il en est de même pour les femmes à la recherche d’un premier emploi, ou désireuse de reprendre un emploi après une interruption d’activité. Voilà pourquoi André Bergeron avait jadis lancé l’idée d’un « SMIC jeunes » très inférieur, qui aurait permis à des jeunes de mettre le pied à l’étrier, d’apprendre les mœurs des entreprises et les disciplines du travail. Si on ajoute qu’au SMIC s’ajoutent les charges sociales, on comprend pourquoi les entrepreneurs français se refusent à embaucher, même en CDD, et de ce fait limitent leur activité et leur expansion.

Quant à ceux qui occupent un emploi de smicards, le chômage les menace tout autant. Le SMIC est en effet une subvention au travail non qualifié. Pourquoi le salarié chercherait-il à améliorer sa productivité, à investir dans une formation, à s’élever dans le métier qu’il pratique, alors qu’il a un revenu sans trop de responsabilité, qui est arrondi par les aides sociales (et le travail « parallèle » parfois) ? Sans qualification, ces smicards seront les premières victimes d’un ralentissement de l’activité économique, les premiers visés par le licenciement. À cause de la mondialisation ce sont eux qui sont les plus menacés par la main d’œuvre des pays émergents, dont la qualification est aussi faible que la leur mais la rémunération cinq ou dix fois moindre.

Lorsque le smicard est licencié, quelle est sa chance d’être réembauché ? Le SMIC a pour effet de resserrer l’éventail des salaires, de sorte que pour un employeur, l’écart entre ce qu’il doit donner à une personne qualifiée et un smicard sans qualification est faible. Le SMIC rend le travail qualifié comparativement moins cher, et l’embauche passera sous le nez du smicard.

Le bilan économique du SMIC est donc vite établi : coût prohibitif de la main d’œuvre, perte de compétitivité, et défaillance des entreprises suivie de chômage, et des coûts financiers et humains du chômage. Le bilan social est encore plus lourd : ce sont ceux que l’on prétend aider qui sont les premières victimes de l’aide. Le gaspillage de la jeunesse est dramatique ; dramatique aussi le chômage de longue durée pour ceux qui n’ont aucune qualification. Le SMIC est réellement un cadeau empoisonné. Non seulement il faut tout faire pour en ralentir la progression et l’éloigner du niveau de salaire moyen, mais il faut purement et simplement le supprimer.

Pour les gens réellement dans la misère, un filet social s’impose, mais il n’a pas à être à charge des entreprises ; comme toute solidarité il doit être financé par un effort fiscal de l’ensemble de la communauté nationale. Mais si le salaire est un vrai prix, lié à la productivité, il y a moins de chômeurs, moins de filets à tendre, et moins d’impôts de solidarité.


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