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Supprimons les « régions » plutôt que les départements

Publié le 28 janvier 2008 par Roman Bernard

Rappelons qu'à l'époque, il ne devait falloir qu'une journée de cheval aux citoyens les plus éloignés de la préfecture pour s'y rendre. Avec l'augmentation de la vitesse des transports, certains départements, comme le Rhône dont je suis issu, ont pu devenir exigus... pourquoi, dans ce cas, ne pas en fusionner certains pour que leurs dimensions correspondent davantage aux réalités des transports contemporains ?
On peut rétorquer que, justement, les régions présentent cet avantage, et que, comparées à leurs homologues européennes, dans les Etats régionaux (Espagne, Italie) ou fédéraux (Allemagne), elles sont même encore trop petites. Soit, alors faisons des super-départements aux dimensions de la Bavière, de la Catalogne ou du Piémont !
Mais dans le cas de la France, qui, contrairement à ses voisines allemande, espagnole, italienne, ne s'est pas construite à partir des régions mais contre elles, grâce à un Etat central fort s'appuyant sur une capitale puissante, Paris, ce pays qui, des capétiens à la Ve République, est né et s'est développé grâce à la centralisation, disloquer le territoire national en entités destinées à être de plus en plus autonomes me semble, incurable jacobin que je suis, un pas vers l'éclatement. Les départements ont été créés pour imposer l'Etat central, l'Etat-nation, là où il n'y avait auparavant que des provinces désunies, soucieuses de leurs privilèges.
La régionalisation, après deux siècles de jacobinisme, a en quelque sorte constitué le retour -du réfoulé- des provinces d'Ancien Régime, même si, pour l'heure, elles sont encore dépendantes de l'échelon supérieur, l'Etat, qui les dote financièrement et se défausse de ses dettes sur elles, et de l'échelon inférieur, le département, qui reste ce pour quoi il a été conçu au départ :la République de proximité.
Gardons-nous de supprimer ce trésor inestimable ! C'est aux départements que la France, qui au contraire de l'Allemagne ou de l'Italie n'a aucune base linguistique ou culturelle, doit son exceptionnelle unité et sa relative homogénéité. Parachever la régionalisation en supprimant son garde-fou, le département, conduirait à mon sens à introduire une République à deux vitesses, où les régions riches (Île-de-France, Rhône-Alpes, Alsace) prendraient le pas sur les régions pauvres (Limousin, Corse).
Je ne vois pas ce qu'il pourrait résulter d'autre de ce processus de dégroupage qu'un fractionnement, puis une dislocation du territoire national, et de la République. D'autant que les régions françaises n'ont pas toutes la même nature. Il existe en réalité trois types de région en France. Les régions identitaires (Alsace, Bretagne, Corse, dans une moindre mesure Lorraine et Picardie), les régions correspondant plus ou moins vaguement à une ancienne province (Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, les deux Normandie) et les régions fourre-tout (Centre, Champagne-Ardennes, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, PACA, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes). L'Île de France se confond aujourd'hui avec Paris, qui en a fait sa chasse gardée. Quant au Limousin, sans faire injure à ses habitants ni à ses belles montagnes que j'ai eu plaisir à gravir à vélo, je ne vois pas bien ce qui justifie son existence comme région administrative.
On le voit bien, si on se bornait à subdiviser le territoire national en régions, le risque serait grand que ces différences de nature, mais aussi de population et de richesse ne les conduisent au fractionnement. A moins que l'Etat central ne continue à garder la mainmise sur les régions, mais dans ce cas, pourquoi ne pas s'être contenté des départements, qui assuraient très bien ce rôle de mini-Etat accessibles à tous ? D'autant que, et j'en finirai là, l'inexistence, pendant deux siècles, des régions en tant qu'entités administratives, n'a jamais empêché, par exemple, que l'on qualifie le Haut-Rhin et le Bas-Rhin d'Alsace dans le vocabulaire courant. Si les régions doivent exister, c'est uniquement sur le plan folklorique. Vouloir en faire des entités à part entière, ce que la suppression des départements permettrait, serait assurément une fort mauvaise chose pour l'unité du territoire national.
Roman Bernard

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