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8 mars et caetera, plus des poussières

Publié le 10 mars 2011 par Petistspavs

Article commencé le 8 mars.

"Et c'est cela qui est humiliant,
cette façon de toujours reporter sur la femme
le fait d'être une 'bonne mère' aux yeux d'autrui
ou une mauvaise mère,
cette façon de tout faire passer par son corps
pour aboutir entre les jambes".
(Joyce Carol Oates, I lock my door upon myself,
péniblement traduit en français par Un amour noir

C'était la Journée des femmes, ce 8 mars et moi, j'aime les femmes. Tout comme Sacha Guitry, "je suis contre les femmes, tout contre", comme le répétait à l'envi quelqu'un que j'ai bien aimé, Charles, sous la véranda de Sucy-en-Brie, en prenant l'apéro. Pour filer la citation qui traîne partout, on dit que, près de se séparer de la pétillante Yvonne Printemps (qui lui avait préféré, au final, le royaliste à la voix de bronze Pierre Fesnay), Guitry lui aurait dit quelque chose comme "Sur votre tombe, Yvonne, on écrira « Enfin froide... » La belle Yvonne lui aurait répliqué, mauvaise joueuse : "Vous, Sacha, je ferai écrire sur la vôtre : « Enfin raide... »

Ca, c'était de la femme qui mérite qu'on lui consacre au moins une journée, car partie, c'est dur, mais avec le sens de la répartie.

Mais il faut avouer que la journée des femmes, ici, dans ce beau pays de France,a parfois ressemblé au Bal des Connasses. Pas des connasses que chante Benjamin Biolay :
Petite connase pourquoi fais-tu ta radasse
Petite pétasse qui montre rien en surface
qui veut qu'on l'embrasse encore
l'embrasse encore.

Vous avez remarqué que Biolay double les propositions (l'embrasse encore l'embrasse encore) ? Je ne sais pas pourquoi, mais j'aime beaucoup ça.

Non, je ne parlais pas de la connasse qu'on embrasse, mais de la connasse crasse, grasse du cervelet, glacée du sentiment. Genre, la Le Pen qui enfonce tout le monde dans les sondages (là, ça me rappelle Soeur Vaseline, qui serait d'après Libé à l'origine du porno -- attention, c'est pas pour les enfants, vraiment pas, mais pour les adultes, ce film des origines peut réserver quelques surprises, s'agissant notamment des libertés que s'accorde le cinéaste. L'UMP, c'est bien aussi dans le genre. Ainsi, "Il faut rassurer les Français sur toutes les migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée. Après tout, remettons-les dans les bateaux !" a déclaré la députée UMP Chantal Brunel à l'Assemblée Nationale, là où avaient précédemment pris la parole Hugo, Jaurès et Badinter. A Bonneuil, j'avais un voisin qui me faisait chier quand je faisais du jardinage, car il aimait causer. Moi, j'aimais jardiner. Et immanquablement au bout de quelques minutes de conversation sur tout et rien (surtout rien), il en venait aux étrangers. C'était obsessionnel, comme chez tous les malades du racisme et il en venait rapidement à "tous ces bougnoules, moi je les mets dans un bateau et, au milieu de la mer, je mets le feu au bateau" ; ou encore (à la fin de l'histoire), "j'enlève le fond du bateau".
Lui, c'était un pauvre type qui, dans sa vraie vie, n'avait jamais fait de mal à personne, qui buvait comme il respirait, pour survivre, dont la survie n'était pas vraiment facile. Il utilisait des expressions bizarres comme "Tac tac, cuisse de poulet" (véridique, évidemment), que je n'ai jamais bien compris. Il pouvait dire un truc comme "Putain, j'vais m'en jeter une derrière la cravate, tac tac, cuisse de poulet", pourtant il n'avait rien d'ésotérique. Mais bien que con au-delà des mots qui peuvent, dans les dictionnaires qu'il n'avait pas chez lui, définir ce concept (con comme quoi ? un balai ? une bite ? un hélicoptère ? un chaudron ? une poulie ?), ce n'était pas un mauvais type. Je suis certain qu'il aurait réussi à descendre une dizaine de bières avec un de ces étrangers bons à être explosés ou noyés.
Madame la députée, elle, n'a pas l'excuse de ces gens qui ont passé toute leur vie à se faire chier et qui passent toute leur mort à ne pas comprendre pourquoi. Oui, il est mort Devouc', incinéré, réduit à rien, une simple plaque au cimetière de Bonneuil, alors que l'autre empaffée fait ses déclarations pourries à son attention à lui. Pour les gens qu'elle considère comme con, comme lui. Mais ça fait un moment qu'il n'a plus d'oreilles pour t'entendre, pauvre chose (oui, Devouc' écoutait avec ses oreilles, pas son cerveau ; il utilisait peu son cerveau, il l'économisait pour le jour où il pouvait en avoir besoin).
Journée des femmes, doublée, décidément, même si ça n'a rien à voir, avec la fête des connasses, qui ne savent pas taire leur gueule de pouf, même en hommage aux vraies femmes, celles devant lesquelles je m'incline aujourd'hui et chaque jour qu'aucun Dieu ne fait, mais qui est.

Causette
Pour la Journée des femmes, j'ai acheté un magazine féminin. Pas Elle, avec son portrait de la Le Pen qui marine dans son jus paternel, mais Causette.
Je me souviens, il y a deux ans, le premier numéro de ce magazine féminin qui ne prend pas les femmes pour des connes. J'avais essayé d'acheter ce numéro initial à la gare St Lazare, mais le train allait partir et je n'ai pas eu le temps de trouver dans le kiosque ce nouveau mensuel sous-exposé à l'époque. 

Donc, j'ai attendu deux ans pour découvrir un journal féminin féministe pas con.
Plutôt genre 8 mars que Fête des Mères ou Fête des Pouffes. Non, ma mère n'est pas une pouffe, c'est pas ça, je cherchais des fêtes nulles, comme celle des Mères, mais c'est difficile de trouver pire. Pour celles et ceux qui ignorent l'histoire et la géographie ou qui s'en foutent, la Fête des Mères est un héritage de la collaboration.

Au détour des pages plutôt festives de ce magazine pas si militant, un dossier "Prendre un pénis par la main" qui m'a réjouit. Heu, non, c'était pas le mien.

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Une vraie trouvaille, ce Guide pratique iOS4 de Presselivre informatique. Admettons que, comme moi, vous avez acquis le plus beau, le plus fort, le plus smart des smartphones, mais que votre expérience de la chose ne vous ait pas permis de vous rendre compte en quoi c'était le plus beau, le plus fort, le plus smart. Très honnêtement, compte-tenu du prix de la chose, si votre expérience ne vous a pas permis de découvrir par vous même l'extrème pertinence de votre choix, si les 137 grammes de technoloqie concentrée que vous manipulez 7 heures par jour (après, il s'éteint) pour frimer ne vous a pas convaincu de votre supériorité naturelle par rapport à votre voisine de RER Blackberrysée, vous avez l'air un peu con(ne).

Je parle d'expérience.
Pour une somme modique (l'iPhone vous a coûté un bras, la revue ne vous coûtera qu'un doigt, même pas dressé), iPhone, le guide pratique vous explique pourquoi et en quoi vous ne vous êtes pas fait avoir, en quoi vous êtes un(e) winner, en quoi l'avenir vous sourit, en quoi vous avez encore un avenir, malgré votre achat. En quoi, vous pouvez infliger à votre petite voisine de RER un petit sourire bienveillant mais conquérant tout de même, elle qui manipule son BlackBerry en se posant peut-être, finalement, les mêmes questions sur la pertinence de ses choix personnels. Nobody is perfect. 

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Je n'ai pas trouvé sur internet la couv' des Cahiers que je trimballe comme un écolier pas sage, dans mon cartable. Mais j'aime bien cette couv' qui consacre un film qui m'a comblé, même si malaise. Surtout si malaise, je déteste tellement le cinéma consensuel.
Les Cahiers ont sorti un spécial "La France, qu'en pense le cinéma ?". Nombreuses approches des liens étranges entre ce pays bizarre et soncinéma, parfois à la lumière des cinémas étrangers. N'ayant pas tout lu (ben non), j'évoque juste brièvement un article qui m'a séduit, signé de Laurent Dubreuil dont l'oeil est hexagonal décentré puisqu'il enseigne aux Etats-Unis. Il aborde sous le titre "A propos du réalisme citoyen" les liens anciens entre cinéma et politique, en se concentrant sur deux films, Des hommes et des dieux et Vénus noire.
Ce qui m'intéresse dans ce point de vue ? Il montre que, pour devenir citoyen et intéresser le plus grand nombre (avec des succès mitigés, un des deux films ayant mobilisé un nombre invraisemblable de spectateurs, l'autre non), ce cinéma qui s'affiche politique est obligé de s'affranchir de tout point de vue politique. Les deux films traînant dans les brisées du colonialisme nient la densité pesante de celui-ci. Je cite, à propos des Hommes et des dieux, un bout d'article : "Beauvois y va carrément. Ces moines sont comme arrivés par miracle, par bonté  sur ce coin de la terre, et l'histoire de l'Algérie Française se fait malencontreux détail. Lorsque, moment unique dans Des hommes et des Dieux, le fonctionnaire dit le mot qui fâche ("C'est la colonisation qui nous a mené là"), l'explication provient d'un homme corrompu et provoque un contrechamp où Frère christian sourit tristement, avec cette compassion digne des grands hommes sachant faire le départ entre les folles opinions. On n'en aura pas davantage" . Et l'article d'opposer la vacuité de cet humanisme mou du cinéma à la française à Hunger de Steve Mac Queen qui "crée de l'émotion par un renouvellemùent du regard, de la pensée" et ose incarner un cinéma politique non consensuel. Article très intéressant. En outre, ce numéro des Cahiers tape agréablement sur le nouveau Régis Wargnier, film sportivant qui "vise la médaille d'or de la bien-pensance". Le cinéma, bien sûr, est ailleurs.

 A propos de cinéma, une rétrospective Hong San Soo à la Cinémathèque, à partir du 14 mars et qui ne dure pas six mois, ça ne se refuse pas, n'est-ce pas ?


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