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Après tout

Publié le 10 mars 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“Après tout, remettons-les dans les bateaux !” C. Brunel députée de la République – 8 mars 2011

Après tout

La neuvième vague - I. Aivazovsky

Après tout, quoi ? Une députée de la République débonde sur les berges de l’ignominie. Dans une posture langagière qui confine à la frivolité en matière d’affaires internationales, de droits humains, mais surtout d’humanité. Une légèreté avec laquelle on devise, les escarpins sis dans les moquettes moelleuses du palais, des autres, des immigrés, de ceux qui font le grand saut pour des raisons qui semblent échapper au cercle de la raison. C. Brunel représente le peuple français, et élue pour cela. Elle exprime de ce point de vue l’inconstance de chacun de ses concitoyens face aux tourments planétaires. Cette facilité à évoquer grâce à une locution, “après tout”, l’intérêt qu’elle porte au sujet. Non pas que pour le courant de pensée qu’elle représente l’immigration ne soit pas une thématique cruciale, en termes de rente électorale. Mais dans ce fragment de phrase, elle verbalise benoitement les rudiments de l’opinion commune sur la question des humains qui s’échouent sur les plages de la forteresse Europe.

“Après tout”, ces populations devraient rester chez elles une fois la démocratie conquise ? Qui seraient ces migrants qui, non contents de s’être libérés de la dictature, sont de surcroit toujours attirés par l’éden consumériste européen. Jamais rassasiés, même défaits des autocrates, ils en redemandent, et se précipitent en terre d’occident. Après tout, l’autre est un envahisseur qui convoite, par essence.

“Après tout”, tout ce que la France a fait pour eux. Ces décolonisés telles des tortues reviennent sur les plages pour y essaimer. Attirés qu’ils seraient par la promesse de prospérité qu’ils n’ont pas réussi à instaurer ces quarante dernières années. Les nuls, les incapables. Impossible alors de résister aux radieuses vitrines des sociétés occidentales. La facilité en somme. Un atavisme parasitaire aussi, faute de faire on vient profiter des largesses du modèle européen.

“Après tout”, on est chez nous. Et on fait ce que l’on veut ! C’est dans ce type d’autarcie mentale que s’enferment en grande partie les élus de la représentation nationale. Recyclant ordinairement le mépris issu de la vulgate frontiste et nationaliste. Qui concerne tout ce qui touche à l’autre, comme un objet de la périphérie ; obligatoirement, mais surtout possiblement contrôlable. Que les éléments relatifs à la pauvreté, la misère, les conditions de vie, mais aussi l’expression individuelle de l’épanouissement de soi et des siens ne concernent qu’une partie infime de la population du globe : l’Occident. Les autres “après tout”, n’ont qu’à se débrouiller dans l’ordre immanent des choses. Cet ordre cannibale du monde.

On pourrait supposer qu’il s’agit là d’un paradoxe, C. Brunel et ses amis prônent à longueur de médias l’égoïsme et la recherche du bonheur individuel. Mais ce serait aller trop loin dans le concept, étant entendu que là, il s’agit seulement d’un embryon de pensée impossible à interpréter, sauf dans le cadre de la bêtise ordinaire. De la dérive inexorable d’une société vers des récifs périlleux. D’un rapport à l’autre autocentré sur une problématique nationale et électorale. La manière d’utiliser les mots de la haine politique, pour coloniser son terrain sémantique. Et s’imaginer lui souffler ses voix.

“Après tout”, c’est probablement ce que se disent aussi les desperados qui affrontent quatre cents kilomètres de mer sur des rafiots de fortunes. Un fol espoir qui les pousse à jouer leur unique existence sur un coup de vent.

“La nuit était noire, sans lune. Le vent soufflait à plus de 100 km/h. Il soulevait des vagues de dix mètres qui s’abattaient dans un fracas effroyable sur la frêle embarcation de bois. Celle-ci était partie dix jours auparavant d’une crique de la côte mauritanienne avec à son bord 101 réfugiés africains. Par miracle la tempête jeta la barque contre un récif de la plage d’El Medano, sur une petite île de l’archipel des Grandes-Canaries. Au fond de la barque, les agents de la Guardia civil espagnole trouvèrent, parmi les survivants hébétés, les cadavres d’une femme et de trois adolescents, morts de faim et de soif” – J. Ziegler in L’empire de la honte

Après tout…

Vogelsong – Paris – 9 mars 2011


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