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Dernier rendez-vous avec les enfants sur Galapiat

Par Crapulax
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12 mars 2011

Ce mois en Guadeloupe avec les enfants est le dernier que je passe avec eux sur Galapiat. La prochaine fois, en Juillet, P1020128ça sera en France, canot stationné aux Açores, avant le dernier run vers l'Europe en Août. Je serai finalement parvenu à partager ce voyage avec eux malgré les obstacles, à commencer par leur mère, les encouragements du genre : « Tu rêves! Jamais un juge n'acceptera ça! » et mes propres doutes sur la façon pratique dont tout cela pourrait s'organiser. Compliqué mais finalement pas tant que ça grâce à l'aide de ma mère et de Nanou en particulier. De la Méditerrannée aux Canaries en 2009, au Sénégal, vers Rio puis Salvador en 2010 et enfin en Guadeloupe, mes mini-marinheros auront finalement passé plus de 7 mois à bord avec moi.

Les mouillages protégés en Guadeloupe et îles environnantes se situent pour la plupart sous le vent de Basse Terre ou aux Saintes. L'alizé est toujours aussi fort, la mer cassante. Seul pendant les trois premières semaines avec les enfants, je privilégie bien entendu sécurité et tranquilité d'esprit. Tenter Saint Anne à l'est de Point à

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Pitre le premier jour n'est donc pas une bonne idée. Au près, gités et secoués, les enfants pas encore amarinés vomissent tous deux dans la cabine. Quant au mouillage, un coup de jumelles à son approche suffit pour se rendre compte qu'il sera rock & roll. Nous nous rappatrions sous l'îlet du Gosier et, le lendemain, déposons Bernard à terre pour son vol du soir. Sous 30 noeuds de vent, même avec l'ancre bien crochée et 50 mètres de chaine dans 5 mètre d'eau, désormais seul avec eux, je n'en mène pas large et ne suis pas très satisfait de mes choix. Nous désertons aussi souvent que possible le canot rouleur et bruyant sous les rafales qui sifflent dans le gréement. La jolie plage peu fréquentée de l'îlet est un bon camps retranché. Les kids exultent, retrouvent leurs activités aquatiques, traquent les petites bêtes rouges, explorent le phare ou chevauchent les « motos des mers » qui y font escale.

Au bout de deux jours, les conditions moins hostiles permettent de

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dégager vers les Saintes sans trop de stress. 20 noeuds bien tassés au travers, 30 sous grains, 3 mètres de creux. Rien de trop méchant en soit mais seul avec eux, j'anticipe et prépare soigneusement chaque détail de la moindre manoeuvre. Les enfants sont un peu crispés au début, beaucoup d'adultes le seraient. Je leur explique que ce n'est jamais qu'un gros manège et qu'avec papa, rien ne peut leur arriver. Impliqués dans la navigation, les voilà rassurés et très appliqués à leurs taĉhes. Une vague plus forte que les autres claque contre la coque et nous rince de la tête au pieds. Ewen, dégouté, rentre penaud dans la cabine, Thao se marre avant de rejoindre son frère après la deuxième douche. J'enfile le ciré, on trace à plus de 8 noeuds, tant mieux car ces 20 milles seront vite effacés. Je barre un peu dans un sale grain mais le reste du temps, me libère pour jouer aux playmobils avec eux à l'abri de la pluie pendant que le pilote nous emmène à destination fissa fissa, un ris dans la GV et yankee. Grand soleil et calme enfin nous saluent dès que nous passons sous le vent de l'ïlet Cabri. Peu de voiliers, parfaites conditions pour mouiller nickel. Jolie petite nav finalement.

L'intérêt des Saintes est qu'on peut choisir, en fonction de la météo et de l'humeur, l'un de ses trois plaisants et proches

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mouillages. Avitaillement refait avant le départ, nous sommes autonomes et restons à l'écart du Bourg pendant une semaine. L'îlet Cabri puis le petit pain de sucre sont aérés et parfait pour assouvir leur frénésie de baignades et ballades dans la nature mais la fin des yaourts rend nécessaire le retour à la civilisation et au Bourg des Saintes. Je le trouve nettement plus agréable que la première fois où nous y sommes passés avec Bernard. J'ai toujours une furieuse envie de tirer dans ce tas d'abrutis qui déboulent comme des dingues dans les ruelles en scooter mais sinon, entre le fort Napoleon; les ballades en kayak, les plages et les nombreux enfants qui se retrouvent en fin de journée au village pour jouer au loup, faire du skate ou disputer une partie de foot, les activités abondent. De nombreuses unités passent ou stationnent dans les parages et entre les invitations à bord du « Bel Espoir », le trois mat du père Jaouen ou, à l'opposé du spectre, sur le trimaran 50' du très sympathique Eric Dumont, coureur pro entreprenant et passionant, la curiosité des enfants pour toute machine nautique est comblée, la mienne aussi.

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Nous développons assez rapidement une vie sociale assez dense. Au bourg, à bord d'un canot ou sur la plage, les enfants retrouvent leurs copains. Le monde de la bourlingue nautique est minuscule par ici. Je m'en était déjà aperçu à Pointe à Pitre après avoir revu un solitaire rencontré à Rabat ou une copine d'école en vacances sur le classe 40 de son compagnon, coureur pro. Les routes convergent aux Saintes. Jean-Philippe et Clara m'abordent au Bourg. Ils sont des amis de Cécile, mon équipîère de choc entre Vittoria et Salvador; la famille du superbe Outremer 55 Zephyr passe me saluer à bord. Ils ont rencontré Mlle C en Casamance il y a deux mois juste avant leur transat; le Rapa Nui de Carriacou est tout proche aussi. Nous passons de bons moments les uns avec les autres. Une vraie vie de village....

Thao et Ewen ne cessent de m'épater. Comme tout père, je ne suis probablement pas très objectif mais les tiers aussi s'étonnent souvent de leur adresse et de leur vivacité. Tous deux socialisent

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naturellement et immédiatement avec des enfants de plusieurs années leurs aînés, empruntent masque et tuba d'un petit copain pour s'en servir sans difficulté, mettent à l'eau le kayak de Jean-Philippe et quittent la plage en pagayant sans prévenir personne non sans avoir kidnappé une petite fille de 8 ans. Thao assure la conduite de l'annexe de A à Z, barre Galapiat très proprement; Ewen est un dieu du freesbee et avec une balle aux pieds, son shoot est si puissant qu'une innocente dame sur la trajectoire du ballon s'en trouve à moitié sonnée.

Diabalement efficaces mais pas très civilisés.... Idéalement, j'adorerais aussi que ranger ne soit pas qu'un concept abstrait, que les accidents nocturnes d'Ewen à bientôt quatre ans ne m'occasionnent pas des lessives tous les 2 jours, que le contenu de leur assiettes et verres n'atterisse pas systématiquement pour moitié dans leur estomac et pour l'autre, par terre ou sur les coussins, que leurs disputes ne tournent pas au combat de rue. Mais bon, on ne peut pas tout avoir....

Février arrive à son terme et retourner à Point à Pitre pour embarquer ma mère, mieux connue sous le nom de code de

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« Mamy Christine », n'est guère compatible avec la météo. Après quelques jours cléments, l'alizé a violemment repri du service. Lorsque des équipages d'adultes hésitent à partir, je ne vais certainement pas tenter le diable. Ma mère n'y tient pas non plus et elle nous rejoindra donc sur place avec la navette. Au mouillage, la situation redevient pénible. C'est bien connu depuis Sartre: « L'enfer, c'est les autres ». Moins les équipages sont expérimentés et plus ils éprouvent le besoin de se coller à nous. Les dérapages ça et là sont courants et je redoute chaque nuit la collision d'un de ces blaireaux en catacaravane de location mouillé trop près et trop court. Je les maudis et ne dors que d'un oeil.

Cette saison particulièrement dégeulasse se surpasse pour l'arrivée de Mamy Christine. Le premier jour, nous restons terrés dans le bateau sous des seaux d'eau. Les prévisions météo sont déprimantes, genre la même chose pendant une semaine avec une petite chance de

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mieux sous le vent de la Guadeloupe. Nous tentons cette option. Une fois passée la pointe sud de Basse Terre, la mer est plus calme et les grains ont effectivement tendance à s'être déjà essouflés sur le relief. Nous longeons une côte tristoune où, en fait de plages, Graal pour les enfants, se succèdent des anses caillasseuses et sans charme. L'île aux pigeons, « parc national Cousteau », tient en revanche ses promesses. Après avoir guetté le départ d'un voilier suédois amarré à la bouée idéale, nous l'investissons dans la foulée pour y passer la nuit. Pour la toute première fois aux Antilles, Galapiat y est seul. La plongée est un peu plus intéressante qu'ailleurs: corail encore vivant par endroit, poissons assez dodus. Le lever habituel des enfants vers 6h30 du matin nous permet de profiter pleinement du lieu avant l'arrivée des meutes de kayaks de mer ou des bateaux de plongée en milieu de matinée. Le bon moment pour partir vers Deshayes.

Deshayes « le plus beau village de Guadeloupe » selon le guide

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touristique de ma mère. « mouillage favori des voiliers » selon mon cruising guide. Ok, bon, bof. La baie est effectivement calme mais quant au bled, il se résume à deux rues de bicoques un peu déglinguées, le must de l'urbanisme de charme guadeloupéen semble-t-il. Comme d'habitude, ambiance couvre-feu sauf entre 17 et 18h environ. RAS sinon quelques petits restos agréables les pieds dans l'eau. A 2 km au nord en revanche, la vaste plage de Grand Anse est superbe. Heureusement que la mer est plate car même dans ces conditions, un gros shore break rend acrobatique tout débarquement / embarquement en annexe. Thao et Ewen adorent se faire balloter toute la matinée dans les vagues et, une fois revenus sur le bateau, s'effondrent de fatigue pour une longue sieste. Le jardin botanique sis dans l'ancienne propriété de Coluche est également un petit paradis magnifiquement aménagé. Il est déjà temps de revenir vers Point à Pitre. Les conditions redevenues tranquilles, le retour via les Saintes puis le Gosier est paisible.

J'ai le blues en racompagnant ma mère et les enfants à l'aéroport mais apprécie aussi le retour au calme sur Galapiat. Sur le quai, je retombe sur Eric Dumont et un de ses copains aventureux qui a silloné la planète de la Patagonie aux Marquises et exercé tous les métiers du monde: décorateur, monteur chez Canal+, « tourdumondiste » avec les plus grands navigateurs, photographe. On parle d'aventures, de rencontres et de grands espaces... . Retour sans transition au monde des « barbus ». Rien de tel que l'alternance....

J'ai quelques jours pour remettre le canot au carré, divers bricoles, grand nettoyage, rangement post tsunami et gros plein

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car je ne risque pas de trouver grand chose à Cuba. Je ne serai finalement seul pour cette dernière étape tropicale car après avoir testé la température, Nikko s'est décidé à me rejoindre sur un coup de tête comme il l'avait fait au Cap Vert. Il arrive dans quelques jours et nous partirons dans la foulée. Excellente surprise.

Il faudrait être difficile pour ne pas apprécier les courtes navigations ventées et la facilité générale au quotidien qu'offre l'arc Antillais. Ceci étant, c'est la partie du voyage la moins excitante. Trop de monde, peu de diversité d'une île à l'autre et puis surtout ce coma antillais qui atteint son comble en Guadeloupe. A de trop rares exceptions près, encore plus léthargiques que leurs voisins du sud, aussi aimables que des parisiens sans l'excuse du stress urbain et de la grisaille, les guadeloupéens rendent leur île bien triste et donnent surtout envie de fuir. Ces petites antilles auront surtout constitué une base logistique commode pour mon chantier à Grenade ainsi que pour recevoir les enfants. Je suis content d'en partir et vraiment perplexe sur les raisons qui font que les plaisanciers viennent s'y entasser en si grand nombre.

 
 

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