Magazine Journal intime

Sencha troublé par le Japon: catastrophe et philosophie

Par Vanessav
Je suis troublée, émue. C'est assez souvent quand l'actualité marque son empreinte à la maison. C'est cette douleur des autres qui m'atteint... une sorte d'empathie (quelque fois matinée de bonne conscience superficielle et presque abjecte de fausseté). Je ne parle jamais d'actualité sur ce média, je ne sais souvent pas quoi dire, je ne suis souvent pas investie: j'y pense quelques secondes et je cours me satisfaire mes besoins primaires et secondaires. Mon souvenir est à trous et très éphémère.
Sencha troublé par le Japon: catastrophe et philosophieLà, je parlerais tout de même de la situation au Japon.
D'une part parce que ma mémoire est mise à l'épreuve toute la journée par ma consommation culturelle ou culinaire japonaise et mes envies futures. Je lis de la littérature japonaise: Yoko OGAWA, Haruki MURAKAMI, Junichirô TANIZAKI, Jirô TANIGUCHI, entre autres... Je consomme chaque semaine des produits japonais: miso, shoyu, umebosis, kombu, kanten, riz... et bien-sûr thé! Je m'immisce dans leur culture, doucement, sans vraiment de repères, sans rigueur aussi, mais avec envie, avec fréquence, avec émotion : le monde flottant, l'architecture, les vêtements, les témoignages (KITANO). Je rêve aussi en japonais: l'enfance sous le regard des studio Ghibli (surtout MIYAZAKI). Et j'anime mes mains sous influence: elles rêvent de sumi-e, elles suivent le tracé des peintres japonais (et d'autres asiatiques), elles modèlent en espérant du feu, de l'air, de la fusion et de la brillance d'un raku. Et puis ma philosophie se penche de plus en plus vers une idée de la relation corps-esprit japonaise (shiatsu entre autre) et vers le bouddhisme.
Et voilà justement ce qui me pousse à écrire, leur philosophie.
Sencha troublé par le Japon: catastrophe et philosophieCe matin, j'ai finis un contenant de sencha. Et mes pensées étaient au moment présent. Un peu là-bas tout de même. Ce thé vert japonais est toujours un moment fort. J'aime sa tonicité et son onctuosité.
J'ai aimé ce vert. Les feuilles ne sont pas mises en valeur ici, c'est la fin d'un paquet, il y a plus de débris qu'autre chose mais cela me convient bien, justement. Une idée de restes, de ce qui reste après... après d'autres dégustations comme après d'autres vagues, d'autres nuages.
J'ai aimé ce trouble de l'infusion, ces débris au fond de la tasse. Ils reflètent le mien et comment je perçois la situation.
Et puis ce vase raku, œuvre de ma tante, donne toute la puissance à cette sorte d'invocation: de la matière brute, des fissures, des coulures, du rayé et du glissant. Et du vert... comme un espoir.
Sencha troublé par le Japon: catastrophe et philosophieJe suis troublé par leur philosophie de vie. Les Japonais semblent presque sereins. Ils ne sont pas mal informés, insouciants ou fatalistes, juste réalistes d'une manière troublante.
Alors bien-sûr ils ont eu dans leur éducation et dès l'enfance un apprentissage à la catastrophe, voir ici par exemple. Mais cela ne fait pas tout, surtout face au nuage.
Ce sont bien, pour moi, leur spiritualité qui fait la différence. Je ne connais rien du shintoïsme mais découvre l'homme comme partie d'un tout, minuscule poussière dans une nature sacralisée. Alors les catastrophes naturelles peuvent être un élément de vie.
C'est encore plus dans les préceptes du bouddhisme que je lis leurs émotions contenues ou plutôt fluides, au même titre que l'eau qui coule. Cette idée d'impermanence de la vie qui me sidère à chaque fois. Non que j'ai peur de mourir (quoique ma réaction soit plutôt faussée par ma non-confrontation permanente) mais bien peur de la mort d'autrui. C'est vrai que penser à la mort n'est pas une réflexion très occidentale.
Ma première approche de cet état de détachement est arrivé avec la lecture de "S'occuper de soi et de ses enfants dans le calme, bouddhisme pour les mères" de Sarah NAPTHALI (j'en parlais très très brièvement là), ce fut un premier choc. Se désaisir de notre utopique permanence est un acte du quotidien. Il y était fait référence de cette souffrance dont il fallait se délester et si elle est réelle et non contournable, qu'il faut alors traverser. C'était aussi ma première approche de l'équanimité (appréhender avec acceptation et patience). Et je pense que c'est cette pratique qui me bouleverse autant dans les attitudes des Japonais en ce moment.
Ma récente lecture de "Petit traité de vie intérieur" de Frédéric LENOIR que je présentais un peu ici le soulignait aussi. Il y parle de ce non-attachement au matériel, de la philosophie de la vie (naissance et mort dans le même cycle vital) et de cette capacité à avancer.
Alors oui, être conscient des drames, ne pas faire l'autruche... pour ailleurs mais aussi pour ici (pensées pour Flo Makanai, au regard du Japon et en réfléchissant au reportage sur notre poison quotidien: la chimie industrielle et agro-alimentaire). Être vigilant et aussi conscient.
Je n'ai pas mis les actualités quand le petit loup était à la maison, je ne lui en ai pas parlé. Je devrais, je vais. Mais je ne sais pas comment amener une actualité. Je ne lui ai encore jamais parlé de catastrophe naturelle, je ne lui ai encore jamais parlé d'accidents, de meurtres, de terrorismes. Les dangers, les "peurs", n'ont été présentés que dans sa sphère d'enfant. Mais il est nécessaire que je me lance peu à peu, pas à pas, sans tomber dans la dramatisation, sans me pencher encore sur les parcours individuels, sur la vie arrêtée et sur l'humain en danger, mais en apportant de quoi y faire face, au moins spirituellement.
Mais je commencerais par lui parler de vivre le moment présent.
Être dans l'ici et le maintenant

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