Les bas du front républicain

La montée du Front National et sa fréquente position au second tour, pourtant largement attendue, a lancé un débat houleux sur l’opportunité ou non de constituer un « front républicain ». Pour ceux qui n’auraient pas parfaitement saisi la signification de cette fort pompeuse expression, elle consiste pour le 3ème larron du premier tour (souvent un UMP) à donner des consignes de vote à ses électeurs du premier tour en faveur du seul candidat républicain restant en lice (souvent un PS).

Pour résumer, on peut dire qu’il y a 2 écoles, celle édictée par Sarkozy et largement véhiculée par Coppé consistant à dire, « pas de front républicain, pas de consignes de vote, nos électeurs font ce qu’ils veulent, nous ne voulons pas créer la confusion et que l’on puisse dire ensuite que l’UMP et le PS c’est kif kif bourricot ! », l’autre école étant largement représenté par tous le PS mais également par quelques personnalités de la majorité, appelant le candidat recalé à se prononcer explicitement en faveur du candidat républicain restant pour faire barrage au FN !

Quelques remarques à propos de ce débat :

Tout d’abord, il faut être lucide, et se dire que les consignes de vote tout le monde s’en bat les couettes !

Pour une fois la formule consacrée est juste, les candidats ne sont pas propriétaires de leurs voix et ce n’est pas parce que le candidat UMP aura appelé à voter pour le candidat du PS que ses électeurs s’exécuteront comme un seul homme !

Il faut être également lucide lorsque l’on juge l’attitude des uns et des autres, c’est le PS qui a le plus intérêt au front républicain, et de loin !

D’après des chiffres trouvés ici, le FN serait présent au second tour dans 394 cantons, opposé dans la majorité des cas (204) au Parti socialiste.

De plus, il semble que la position du PS n’ait pas toujours été aussi claire.

Dans ces conditions, se présenter comme les hérauts de la démocratie contre le fascisme et vilipender, en les présentant comme complices du FN, ceux qui à l’UMP n’appellent pas à voter….pour eux, est quand même un peu facile sinon osé !

D'autant plus, que je ne suis pas certain que le concept de « front républicain » soit particulièrement pertinent !

D’entrée, je me méfie de tout ce qui commence par « front » : Front national, Front Polisario, Front Syndical de Classe (si ça existe, ça ne s’invente pas), Front de Gauche... sans compter tous les fronts militaires qu’ils soient de l’Est, du Nord ou du Sud !

« Front » a une connotation militaire marquée, matière dont on sait que la nuance n'est pas son fort !

C’est la barrière entre le bien derrière le Front et le mal devant ou entre les bons et les méchants pareillement positionné de part et d’autre du front, comme une sorte d’obstacle entre le cerveau et le vide intellectuel !

S’appeler front quelque chose, c’est, d’entrée, marquer son manichéisme voire son sectarisme.

Bref, même qualifié de «républicain » je me méfie du front !

Dans le cas qui nous préoccupe, le postulat de départ c’est que le FN n’est pas un parti républicain !

Je ne comprends plus vraiment ce que signifie républicain dans ce cas, pourquoi serait-ce moins un parti républicain que le NPA qui clairement veut renverser le système et prône la révolution ?...parce qu’ils seraient racistes, antisémites, xénophobes, nationalistes…méchants ?....outre le fait que s’en tenir à ces considérations est pour le moins simpliste, je ne vois aucun synonyme d’antirépublicain dans tous ces qualificatifs !

Que je sache, le FN s’inscrit dans les lois et les règles de la république. Certes, ses thèses ne sont pas toujours d’une grande finesse, elles sont souvent basée sur des concepts primaires et erronés et s’apparentent à des incantations simplistes, mais n’est-ce pas exactement le cas du NPA avec lequel le PS n’hésiterait pas à s’allier si celui-ci en était d’accord !

De toute façon, ce n’est pas un front fut-il républicain qui fera barrage aux idées du FN, au contraire, en l’absence de contradiction intelligente, on laisse se répandre tranquillement son populisme malsain.

On devrait avoir compris depuis longtemps que diaboliser le Front National n’a jamais stoppé la propagation de ses thèses dans l’opinion.

Encore une fois, en donnant l’impression que l’establishment politique se ligue contre le FN, on ne fait que le victimiser. Le front républicain, sera vite qualifié de front UMPS par Marine et consorts, qui sauront d’autant mieux en profiter que ni l’UMP ni le PS n’ont su répondre aux réelles inquiétudes de ceux qui se sont retournés vers le FN.

Laissons faire les urnes, et si élus FN il doit y avoir eh bien tant mieux ou tant pis, c’est le jeu de la démocratie, mais laissons les se confronter à réalité d’un mandat, ils pourront être jugés sur pièce plutôt que sur de faciles et fumeux discours.
Et surtout, osons débattre de tous ces sujets préemptés par le FN au lieu de les nier et de mettre notre immaculé mouchoir en dentelle dessus pour cacher ce que nos yeux délicats ne sauraient voir !