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Lire en inde

Publié le 22 mars 2011 par Abarguillet

LIRE EN INDE ( SUITE )


 

L’Inde dans toute sa misère

Après le formidable moment que nous avons passé avec le carré d’as de la littérature indienne, nous nous attarderons, cette fois, avec de jeunes écrivains moins connus certainement, sauf Svarup évidemment, que j’ai moins appréciés, aussi, mais qui nous montrent une image bien réaliste et fort cruelle de l’Inde d’aujourd’hui. « Nous les Indiens nous avons cette sublime faculté de voir la souffrance et la misère autour de nous sans que cela nous affecte », écrivait Svarup et il leur faut bien cette faculté innée pour essayer de nous montrer tout ce que l’Inde recèle comme malheurs et tout ce que les Indiens doivent endurer dans leur pauvre vie. Shani Mootoo qui n’est indienne que d’origine, nous parlera de la vie de terreur qu’a vécue cette pauvre folle, Siddarth Dhanvant Shangvhi évoquera elle les égarements d’une jeune fille et Akhil Sharma parlera, elle aussi, de la condition des femmes maltraitées. Nous essaierons de trouver un peu d’espoir avec Vikas Swarup même s’il est assez fataliste et pense que « vous les pauvres ne devriez jamais chercher à échapper à votre condition ».

Les fabuleuses aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire

Vikas Swarup (1963 - ….)

Fabuleuses, ces aventures le sont, il n’y a pas fraude sur la marchandise, l’auteur a tellement cultivé cet aspect du roman qu’il a dû donner le tournis à Ponson du Terrail lui-même. Il lui a fallu déployer toutes les facettes de sa grande imagination pour nous expliquer comment un petit Indien miséreux a bien pu gagner une somme fabuleuse, elle aussi, à ce jeu si célèbre qui envahit désormais les écrans des télévision du monde entier ou presque.

Personne ne peut croire que ce petit miséreux a pu répondre à ces questions et gagner cette énorme sommes sans le recours à un concours extérieur, surtout pas les producteurs qui doivent payer la somme en question ni la police qui veut le faire avouer, parce que la police est rarement du côté des pauvres, du moins dans ce pays. C’est alors que surgit une avocate qui tire le malheureux des griffes de la police et essaie de comprendre comment ce miracle a été possible en visionnant l’enregistrement du jeu avec les explications du jeune héros.

En expliquant comment il a pu répondre aux douze questions, le jeune homme raconte sa vie d’errance et de misère dans cette Inde de tous les excès où les pires calamités s’étalent et prospèrent à l’ombre des rêves bollywoodiens. Swarup prend le prétexte de ce jeu pour nous livrer un catalogue de toutes les misères qui affectent l’Inde, un genre d’inventaire à la Prévert des fléaux qui peuvent affecter le monde. Il semble vouloir réaliser le rêve de Sashi Tharoor qui voulait publier un livre total sur l’Inde en écrivant « Le grand roman indien ». Mais Swarup limite son ambition à toutes les calamités qui affectent cet immense pays où la misère dans son épure la plus pure côtoie la richesse la plus fastueuse. Et, ainsi chaque question explore l’un de ces fléaux qui gangrènent cet immense pays.

Toutefois, l’auteur évite soigneusement de tomber dans la sordidité et laisse toujours un peu d’humour, de dérision ou de truculence traîner par ci par là pour ne pas plonger le lecteur dans un dégoût trop profond. Cependant, le récit, même s’il a connu sa gloire à Hollywood, semble bien avoir été écrit pour Bollywood, il comprend la dose nécessaire, et même plus, d’ingrédients sirupeux , héroïques et mélodramatiques de façon à faire verser des torrents de larmes à tous les admirateurs de ce genre de films qui sont, les uns et les autres, très présents dans ce récit.

Un livre qui semble bien destiné à divertir un très large public mais qui met tout de même un solide coup de pied aux fesses de tous ceux qui gouvernent notre monde, et l’Inde en particulier, et qui n’élude pas les questions essentielles de l’existence, où la mort n’est qu’une façon d’échapper aux calamités et, qu’en attendant celle-ci , la morale, même si elle autorise certains règlements de compte, n’est pas le moteur de la vie car l’argent seul peut offrir le pouvoir suprême. « Les rêves n’ont de pouvoir que sur votre esprit. Alors qu’avec l’argent, on a le pouvoir sur l’esprit des autres. »

 

Fleur de nuit   de Shani Mooto ( 1958 - ... )

A Paradise, sur une île imaginaire, Mala la vieille sorcière, du moins c’est ce que pensent ses voisins, arrive dans un hospice où elle fait peur à tout le monde sauf au dernier infirmier embauché qui est marginalisé dans des tâches d’entretien. Petit à petit, avec délicatesse et tendresse, celui-ci noue quelques liens avec Mala qui lui confie la vie qu’elle a eue et tout ce qu’elle a dû subir.

Ce livre rompt, pour une fois, avec l'image misérabiliste et morbide des hospices, et autres mouroirs, dont on conte habituellement la vie de leurs malheureux occupants. Shani nous emmène dans un monde de poésie et de tendresse où la fin de la vie n'est pas forcément sordide et où la différence n'est pas une tare. Quel bonheur de lire ce roman, je voudrais vivre dans le monde de Shani et qu'elle me raconte encore des belles histoires comme ça.

La fille qui marchait sur l’eau  de Siddarth Dhanvant Shangvhi  ( 1981 - ... )

C’est l’histoire d’une famille indienne qui a adopté une fille un peu particulière, elle peut marcher sur l’eau, elle déconcerte, elle fascine, elle inquiète, elle fait même peur à certains. Mais cette histoire ne tourne pas très rond, je suis surpris par l'engouement suscité par cette saga Bollywoodienne. Ca sent décidément, à mon avis, trop l'eau de rose. Et, pour faire bonne mesure et un peu contrepoids à ce milieu friqué, Shangvhi rythme son récit avec des événements tragiques qu'on voit venir au moins... un certain nombre de pages à l'avance.

Difficile pour moi de rentrer dans ce livre qui ne sent pas l'Inde et qui est trop inspiré par les belles sagas américaines qui savent si bien faire pleurer Margie !

Un père obéissant  de Akhil Sharma  ( 1971 - ... )

L'archétype du fainéant, profiteur et corrompu jusqu'à la moelle qui profite de tout et de tous et surtout de sa famille qu'il tyrannise jusqu'à l'inceste. Et, sa fille vit une énorme angoisse à l'idée qu'il risque de reproduire avec sa petite-fille ce qu'il lui a fait subir à elle. Mais la vengeance de cette dernière sera à la hauteur de la haine qu'il inspire.

C’est un personnage très malsain, même répugnant, qui ressemble à l'Inde, que Sharma semble nous proposer. Mais, ce récit un peu maladroit manque de finesse et de force pour passer par dessus le dégoût qu'il inspire.


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