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Y-a-t-il un pilote dans l'avion Sarkofrance ?

Publié le 23 mars 2011 par Juan
Y-a-t-il un pilote dans l'avion Sarkofrance ?Qui gouverne en Sarkofrance ? Le Monarque semble tout affairé par la crise libyenne, et pourtant, on découvre qu'il y a un problème de pilotage politique de l'opération. En France, certains journalistes feignent de croire que l'actualité se résume au trouble frontiste qui agite l'UMP. Pourtant, le ministre Guéant commet bourde sur bourde, à croire qu'il les livre sur commandes. Et les nouvelles du front économique, si négligé en ces temps de crises internationales à répétition, sont à nouveau mauvaises.  Y-a-t-il un pilote dans l'avion Sarkofrance ?
Qui gouverne en France ?
La Sarkofrance a son nouveau gaffeur. Il s'appelle Claude Guéant. Le ministre de l'intérieur a pris le relais de Brice Hortefeux et ses déclarations sécuritaires et de Michèle Alliot-Marie et ses maladresses. En moins d'une semaine, il nous a gratifié d'une déclaration aux relents xénophobes (« les Français, à force d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux », jeudi 17 mars), d'une interprétation manipulatoire des résultats des élections cantonales (« on constate une bonne tenue de la majorité présidentielle, avec 32,5% des suffrages exprimés », dimanche 20 mars), et, ce lundi 21 mars, d'une provocation internationale à propos de l'intervention en Libye : « Le monde entier s'apprêtait à contempler à la télévision des massacres commis par le colonel Kadhafi, heureusement, le président a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies et puis la Ligue arabe et l'Union africaine
Le nouveau ministre ne pouvait ignorer, lui qui agissait comme émissaire de l'ombre de Nicolas Sarkozy auprès de nombre de dictatures africaines ou arabe quand il était secrétaire général de l'Elysée, qu'un soupçon colonialiste se développe à l'encontre de l'offensive aérienne de la coalition occidentale contre le régime Kadhafi. Le premier ministre russe Vladimir Poutine a justement utilisé le même terme de « croisade », lundi dernier, pour fustiger cette intervention armée.
Nicolas Sarkozy, lui, visitait une base militaire française, en Corse. Le chef de guerre n'ose pas utilisé le mot tabou. Il n'y a pas de guerre en Libye, a répété François Fillon, le jour même à l'Assemblée nationale. Fillon et Sarkozy se disputent par petites phrases interposées l'attitude à tenir devant le Front National pour le second tour des élections cantonales. Cela fait désordre en Sarkofrance. On croyait que Sarkozy tenait au moins son propre camp. Fillon s'est ouspillé par quelques députés UMP tentés par l'électorat frontiste ou trop vassaux du Monarque élyséen.
En France, il n'était pas question de faire valider l'escapade libyenne ou la poursuite des opérations par la représentation nationale. Les différents groupes parlementaires ont pu un à un déclarer leur soutien (avec quelques bémols à gauche) mais sans vote. Chez nos voisins, la démocratie est visiblement plus aboutie : David Cameron a obtenu un vote positif du Parlement britannique. En Espagne, le premier ministre Zapattero a attendu le soutien de ses députés pour officialiser la participation de son pays à l'intervention onusienne.
L'austère premier ministre Fillon fut presque lyrique pour défendre l'initiative française en Libye : « Le mur de la peur est tombé. Et en tombant, il démontre qu'il n'y a pas de fatalité pour les populations de cette région à être enfermés dans un choix binaire entre pouvoir autoritaire et régime islamiste. » Cette déclaration intervenait trop tard.
Qui pilote l'opération Harmattan ?
Le soufflé est presque retombé. Si Benghazi a été sauvée de la répression kadhafienne le weekend dernier, le monde s'interroge déjà sur la suite des opérations : les bombardements aériens français, américains et britanniques n'ont pas fait tomber le régime. Kadhafi poursuivait, mardi, son offensive vers les villes de Zentane et Misrata. Le même jour, le porte-parole de la Défense annonçait que les forces françaises n'avaient effectué aucun raid aérien en Libye. Le soir, de nouveaux missiles américains et britanniques frappaient Tripoli.
Après la Russie et la Ligue arabe, l'Algérie a critiqué l'intervention jugée disproportionnée et la Chine a dénoncé une « catastrophe humanitaire.» Autre divergence, le président roumain a refusé, le 17 mars dernier, de suivre Sarkozy et de reconnaître le Conseil national de transition comme autorité légitime en Libye. Motif ? Certains de ses membres ont été impliqués dans la détention des fameuses infirmières bulgares, libérées en juillet 2007 par ... Nicolas Sarkozy : « Agité et intempestif, Nicolas Sarkozy a essayé une fois de plus de mener son jeu personnel dans l'Union européenne, portant ainsi atteinte à la tentative de parvenir à une politique étrangère commune » commentait un journaliste roumain.
La question du pilotage politique de l'opération libyenne fait surtout débat, trois jours après le déclenchement des hostilités. Le sommet de Paris fut finalement une opération de communication protocolaire et symbolique pour bombarder rapidement. Lundi, les ministres des 28 Etats membres de l'OTAN se sont disputés sur le rôle à accorder à l'alliance atlantique. La plupart des alliés (Belgique, Danemark, Norvège,  Canada et Italie) qui se sont joints à l'intervention libyenne souhaitent que l'OTAN prenne le relais, par commodité logistique. Lundi, la Norvège a même suspendu sa participation. La France refuse, pour ne pas heurter le monde arabe. Tout juste Alain Juppé a-t-il concédé qu'elle pourrait intervenir d'ici quelques jours, et en support seulement. L'Allemagne et la Turquie refusent également toute implication de l'OTAN, mais pour d'autres raisons : elles ne veulent pas être mêlées, via l'oTAN, à cette opération. Vous suivez ?
Finalement, l'OTAN a confirmé qu'elle aiderait à faire respecter l'embargo sur les armes. Quelques heures plus tard, Laurent Wauquiez, le discret ministre des affaires européennes, s'étranglait toujours  : « Pour être légitime, on a besoin du soutien de la Ligue arabe. Qu'a dit la Ligue arabe ? Ne nous mettez pas l'Otan. Voilà, c'est tout. »
Y-a-t-il un pilote dans l'avion ?
« It's the economy, stupid ! »
Ce slogan fut lancé contre Papa Bush en 1992 par les partisans du challenger Bill Clinton. George Bush senior croyait sa réélection assurée après sa brillante victoire contre Saddam Hussein. Mais l'économie allait si mal, qu'il fut allègrement défait quelques mois seulement après cette agitation patriotique sur les champs de pétrole koweïtiens.
En France, les nouvelles du front économiques sont mauvaises. Et le moral « économique » des Français s'est effondré. Début mars, la Commission européenne estimait à 1,7% la croissance du PIB français en 2011. Notre gouvernement national tablait sur 2%, une hypthèse optimiste qui sous-tendait les objectifs de réduction du déficit budgétaire. Mais la déstabilisation du monde arabe agite les cours du pétrole. Mardi, un assureur-crédit a réévalué à la baisse la prévision française : un maigre 1,4%... voilà ce qui nous attendrait pour cette année. Non seulement la reprise économique est bien lente, mais l'envolée des prix des matières premières et de l'énergie plombe la rentabilité chancelante des entreprises françaises.
On attendait les premiers commentaires rassurants de Christine Lagarde. Pour le moment, le gouvernement semble tétanisé. La ministre Bachelot, complètement à contre-courant, s'est félicitée lundi de l'augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA-Jeunes de 29% depuis novembre 2010... Quelle satisfaction ! Et combien sont-ils, ces jeunes précaires enfin indemnisés ? 8.132... Pas un de plus. En septembre 2009, le Monarque Nicolas nous en promettait 120.000 ! Puis on découvrit qu'il entendait réserver cette extension du RSA aux seuls moins de 25 ans ayant au moins travaillé 2 ans sur les 3 dernières années ! On attend aussi près d'un million de chômeurs en fin de droits d'ici la fin de l'année. Là encore, silence gouvernemental !
La ministre de l'Economie a d'autres chats à fouetter : deux hommes-clés de la procédure d'arbitrage qui régla le litige entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais par un joli cadeau de quelque 390 millions d'euros au profit de l'ancien homme d'affaires ont été renvoyés devant la Cour de discipline budgétaire et financière par la Cour des Comptes. Cette dernière conteste la validité légale de l'accord. L'étau se resserre. La ministre Lagarde est clairement visée par cette procédure. Ces deux hommes ont agis sur ordre.
Son collègue Longuet, à la Défense, très concentré par l'opération militaire en Libye, a également son actualité judiciaire. L'ancienne commissaire aux Comptes de sa société de conseil Sokrates Group, vient de livrer une « révélation » de faits délictueux au parquet de Paris, au sujet des comptes de l'entreprise.
Un commandement militaire incertain, un gouvernement paralysé, des affaires qui reprennent ... y-a-t-il un pilote dans l'avion Sarkofrance ?


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