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Proust contre la déchéance de Joseph CZAPSKI

Par Lecturissime

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♥ ♥

 "Sur ce fond lugubre, ces heures passées avec des souvenirs sur Proust, Delacroix, me semblent les heures les plus heureuses."

L’auteur :

Joseph Czapski, artiste peintre né à Saint-Pétersbourg (1896-1993), devient membre du groupe des « Kapistes » dans les années trente. Interné dans un camp soviétique de 1939 à 1941, il est ensuite chargé, selon l’accord passé entre la Pologne et l’URSS, de retrouver ses compatriotes soldats dans les prisons et les camps soviétiques pour les enrôler dans l’armée Anders. Il publie en 1947 Terre inhumaine, première description du goulag sibérien, et, au lendemain de la guerre, s’installe en France où il contribue à fonder Kultura, la revue de l’émigration polonaise.

Le propos :

Après la déportation par les Russes de quatre mille officiers polonais dans le camp de Starobielsk, d’octobre 1939 jusqu’au printemps 1940, quatre cents d’entre eux furent déplacés à Griaziowietz : ils furent les seuls à échapper au massacre de Katyn.


Afin de surmonter leur abattement et leur angoisse, ils imaginèrent de se donner mutuellement des cours ou des conférences. Tandis que d’autres parlaient d’histoire, de science ou d’alpinisme, Joseph Czapski fit une série d’exposés sur la littérature française. Comme une mise en abyme, la remémoration de La Recherche du temps perdu par un prisonnier de guerre gravement atteint dans sa santé, sans livres ni documents à sa disposition, est elle-même une véritable création, et d’autant plus que Czapski n’est ni philosophe (il s’en excuse) ni critique professionnel (il en surclasse plus d’un...), mais lecteur et artiste, qui met en valeur la nouveauté de la phrase et de la forme proustienne, tout en ramenant son théâtre prodigieux à la filiation de Saint-Simon et de Balzac.


Un lecteur qui n’a jamais lu Proust découvrira, dans ce livre miraculeusement arraché à la déchéance, un chemin tracé vers un auteur qu’on a dit, à tort, réservé aux élites ou entaché de snobisme mondain. (Présentation de l’éditeur)

Ce que j’ai aimé :

-   Le projet lui-même est admirable : rendre leur dignité à des hommes privés de tout :

«  Nous y avons essayé de reprendre un certain travail intellectuel qui devait nous aider à surmonter notre abattement, notre angoisse, et défendre nos cerveaux de la rouille de l’inactivité. » (p. 7)

« La joie de pouvoir participer à un effort intellectuel qui nous donnait une preuve que nous sommes encore capables de penser et de réagir à des choses de l’esprit n’ayant rien de commun avec notre réalité d’alors, nous colorait en rose ces heures passées dans la grande salle à manger de l’ex-couvent, cette étrange école buissonnière où nous revivions un monde qui nous semblait alors perdu pour nous pour toujours. » (p. 9)

-   L’auteur est un amoureux de Proust et il nous communique son enthousiasme avec délectation, nous immergeant dans l’œuvre dans sa globalité et nous l’éclairant intelligemment.

« Nous y rencontrons un manque tellement absolu de parti pris, une volonté de savoir et de comprendre les états d’âme les plus opposés les uns des autres, une capacité de découvrir dans l’homme le plus bas les gestes nobles à la limite du sublime, et des réflexes bas chez les âtres les plus purs, que son œuvre agit sur nous comme la vie filtrée et illuminée par une conscience dont la justesse est infiniment plus grande que la nôtre. » (p. 56)

Il relie les évènements intrinsèques à la vie privée de Proust et l'oeuvre elle-même, créant ainsi des passerelles entre l'auteur et l'oeuvre.

-   Les illustrations reproduisant les notes de Joseph Czapski permettent d’aérer le texte tout en l’enrichissant.

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-   Un essai qui nous donne bien évidemment envie de nous plonger –ou replonger dans La Recherche.. .

 

Ce que j’ai moins aimé :

-   Trop court…

Premières phrases :

« Cet essai sur Proust fut dicté l’hiver 1940-1941 dans un froid réfectoire d’un couvent désaffecté qui nous servait de salle à manger de notre camp de prisonniers à Griazowietz, en URSS. »

Vous aimerez aussi :

A la recherche du temps perdu de Marcel PROUST

D’autres avis : Keisha, Aifelle, Alex

Proust contre la déchéance, conférences au camp de Griazowietz, Les Editions Noir sur Blanc, janvier 2011, 93 p., 16 euros

Merci à Denis LEFEBVRE.


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