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Au risque du deshonneur et de la defaite

Publié le 23 mars 2011 par Journalautredefinition

AU RISQUE DU DESHONNEUR ET DE LA DEFAITEAuteur : Frédéric Salat-Baroux

Reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur, également publié dans Le Figaro du 22 mars.

En refusant de donner des consignes de vote claires en cas de face à face P.S.-FN, dimanche prochain, à l’occasion du second tour des élections cantonales, l’UMP ne s’est pas bornée à renvoyer dos à dos ses adversaires. Elle a ouvert une brèche dans la digue élevée par le Général de Gaulle entre la droite et l’extrême droite. Une digue qui avait tenue plus d’un demi-siècle.
 
L’Histoire permet de comprendre qu’entre la droite et l’extrême droite, il n’y a pas une différence de degré, il y a une différence de nature. Une différence de racines.
 
L’extrême droite s’est construite sur le refus de la République. Elle a été jusqu’à faire, avec une partie des élites françaises, le choix de la défaite en 1940 pour mieux renverser la République. Le Gaullisme est né en réaction à cette double trahison.
 
Pour l’extrême droite, il y a deux catégories de Français : ceux de souche – les prétendus vrais – et les autres. Son antisémitisme des années 1930 a muté pour prendre le visage aujourd’hui de son rejet des musulmans. Mais il s’agit d’évidence des deux faces d’une même pièce. Pour le Général de Gaulle, la distinction est toute autre : « il n’y a que deux catégories de Français : ceux qui font leur devoir et ceux qui ne le font pas ».
 
Même différence fondamentale de vision économique : l’extrême droite refuse la mondialisation : l’illusion du retour à la terre sous Vichy trouve comme écho contemporain son projet de sortie de l’Euro. Le gaullisme, au contraire, est marqué par la volonté de relever le défi de la concurrence mondiale, par la combinaison d’une politique industrielle forte et d’un modèle social protecteur.
 
Parce que tout nous sépare, le principal adversaire de l’extrême droite a toujours été le gaullisme. De Gaulle hier, Chirac dans les années 1990.
 
C’est pour cela que la gauche n’a pas hésité à voter Jacques Chirac en 2002.
 
C’est pour cela que l’appel au vote P.S., en l’absence de candidat UMP, s’impose au regard de nos valeurs autant que de notre histoire.
Lorsque l’essentiel est en jeu, la fidélité à ce que nous sommes rejoint nécessairement notre intérêt tactique. Les électeurs tentés par le Front National choisiront toujours l’original à la copie, pour reprendre le mot de Jean-Marie Le Pen. De proche en proche, l’UMP a adopté une ligne politique suicidaire : elle laisse entendre que par son professionnalisme, elle serait seule à même d’apporter des réponses efficaces aux questions posées par le Front National.
La vérité, c’est qu’à force de parler des Français qui ne se sentiraient plus chez eux, d’envisager de remettre les réfugiés dans des bateaux, d’ouvrir un prétendu débat sur la laïcité, comme paravent de la stigmatisation de l’islam, on ne peut parvenir qu’au rejet et au mépris de ceux que l’on cherche à séduire. Les Français ne sont pas dupes du fossé entre les mots et les actes. Car nous sommes au pouvoir !
 
L’histoire se répète : accepter de mettre entre parenthèse notre honneur pour sauver – croit-on- nos chances de victoire, ne peut conduire qu’au déshonneur et à la défaite.
 
L’élection de 2012 se jouera sur la question de la mondialisation et de ses conséquences économiques et sociales. Deux aspirations se font face : la volonté de s’y engager et la tentation du repli. Est-ce un hasard si en tête des sondages présidentiels on trouve Dominique Strauss Kahn, qui symbolise une approche décomplexée de la mondialisation et Marine Le Pen qui porte l’illusion dramatique d’une France qui aurait raison de refuser le changement contre le reste du monde ?
 
Les Français savent bien que la peur ne mène à rien. Ils attendent d’être éclairés et guidés dans la mondialisation par des femmes et des hommes de conviction. Le chancelier Schröder, au début des années 2000, a fait les choix nécessaires pour adapter l’Allemagne au défi industriel, sans remettre en cause son modèle social.
 
Pour la droite, il est encore temps d’affirmer ce qu’elle est sans se dissoudre. L’action du Président de la République en Libye montre que lorsque l’on renoue avec des valeurs ouvertes, ambitieuses, exigeantes, bref gaullistes, notre voix porte et nous retrouvons prise sur les événements.
 
Face à l’immigration, il faut agir, appliquer les lois fermement et sans idéologie. Sur les questions d’identité, il faut affirmer les valeurs auxquelles nous tenons, sans stigmatiser : le voile a été interdit à l’école publique en 2004, au nom de la République et pas pour flatter des sentiments xénophobes.
 
Le Gouvernement s’est aussi donné deux rendez-vous de réforme avant les élections : la fiscalité du patrimoine et la dépendance. C’est l’occasion de montrer que l’on peut à la fois prendre des décisions fortes et justes pour encourager les entrepreneurs et renforcer notre modèle social.
 
C’est comme cela, et pas en devenant les supplétifs obsessionnels du Front National, que nous imposeront notre marque au service de la France.

 Frédéric Salat-Baroux


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