Magazine Journal intime

D’une modeste manipulation de la PQR et plus si affinités

Par Markhy

(J’ai tourné le bouzin de façon à comprendre la situation sans forcément connaître les protagonistes. Cet anonymat peut être éclaté par le premier venu qui me connaît un peu, mais peu importe. Le but est juste d’expliquer à mon daron comment je peux pénétrer modestement dans la vie locale sans quitter l’iMac.)

Quand le maire de chez moi, déjà en difficulté à cause d’une majorité sécessionniste, appelle plus ou moins habilement à voter FN… et que personne ne se bouge le cul pour le dire, je me suis dis qu’il fallait faire une petite action. Sans espérer un résultat autre que le chef d’œuvre dans la pure tradition Fluxus. Je n’ai pas été déçu.

Alors comme un vulgaire noëliste, ou on préférera « un glorieux anonymous », je me suis invité dans le débat de l’entre deux tour des cantonales en bas de ma rue… mais sur internet. Chez spintank, ils diront que j’ai eu une attitude sociale hyperlocale. Chez tonton, il dira que je suis un sale con de gamins des quartiers. Mais putain tonton, tu ne comprends pas que je suis le nouveau citoyen tant attendu, le citoyen 2.0 élevé à NetPublic.fr et prochaine étude de cas dans ce cours au CELSA ? Wait…

Depuis quelques jours était posée une tribune complétement ahurissante et réactualisée pour le second tour des cantonales. Une tribune qui n’allait être lu que par moi et son entourage tellement tout le monde, à priori, se fout de ce que raconte notre maire. Un long récital appelant au combat par les urnes rempli d’à priori raciste, d’amalgame sur violences et logements sociaux, apprentissage de l’arabe et montée de l’islamisme. Un grand classique des meilleurs blogs identitaires mais digéré et rebalancé par le maire de ma sympathique ville, qui profite alors à un FN invisible durant la campagne affichant juste la gueule de Marine. On était déjà mardi, et ma veille sur la ville, l’opposition etc, était trop silencieuse et pas assez réactive à mes yeux. Peut-être fatiguée de devoir l’affronter au quotidien ou autre chose à foutre. La politique locale entre inconnus a ce bénéfice pour l’élu que personne ne s’y intéresse sauf quand il faut un permis de construire pour cette putain de cabane au fond du jardin.
Avec mes petites mimines, j’hésitais à plein d’actions, fallait un truc rapide. La première qui me venait à l’esprit était d’investir l’affichage public avec des trucs bien léchés que j’aurais foutu sur mon portfolio mais à part faire travailler mes potes des services technique pour le nettoyage et me faire payer un déjeuner avec leurs heures sup’, je n’aurais pas touché grand monde.

Reste LePost.fr. Le meilleur outil pour le story telling ; Et pas question de buter une nouvelle fois Jean Dujardin. LePost.fr est une arme incroyable pour notre pays, un peu comme twitter l’est pour un égyptien (euh ?). Et pour un enjeu local son utilisation est idyllique.
De mes plus belles années de troll, j’ai pondu un truc suffisamment neutre pour flatter notre maire de son action « anti gaucho » mais avec un titre suffisamment putassier, type « ces mairies déjà FN », pour y attirer le quidam républicain qui viendra like. Sans oublier un screenshot de la tribune sans commentaire. Je me suis permis de placer volontairement et involontairement des fautes, pour faire vrai. Information brut ils appellent ça au Monde Interactif. En gros, j’ai fait un truc impossible à utiliser dans la presse mais qui donne des idées à ceux qui veulent fouiller. Surtout le but originel était de coller son nom à Front National sur Google, en 2011 c’est comme cela qu’on grave dans le marbre. Le deuxième but espéré était que l’on parle de cette tribune un maximum pour que les gens en bas de chez moi sachent. Il était 10h30 quand j’ai appuyé sur valider. Un bon timing sur le net, juste avant le prime time.

Heureusement la PQR veille sur Google et ses stagiaires étaient avec moi au bahut. Et COMME PAR HASARD le lendemain, c’était magnifique, sur tous les kiosques, un A3 de l’édition locale : « Le maire est au FN ». Epic fucking win mais rire obligatoire sous la cape, mon bouzin du Post.fr venait d’être validé par une presse « crédible ». L’espace d’un instant, j’ai voulu distribuer moi même toutes les éditions, étant le putain de nègre de tout ce game. Mais je préférais profiter de l’effet boule de neige inhérente. Une recherche sur le net, on trouve la PQR, on trouve un portail d’info local, on trouve moi, on trouve maintenant l’opposition qui réagit fermement comme si ils y avaient pensé eux même. On trouve des copier/coller de mon truc agrémenté de la PQR mélangé à une pensée un peu con, le blog du plus inconnu des conseillers municipaux n’arrête pas de s’actualiser d’attaque gratuite etc, un ancien de science po en parle pour ce magazine urbain. Les spécialistes de la politique locale (des potes de mon daron) s’en mêlent dans les commentaires de tous les sites qu’ils connaissent et les barons locaux de son parti réfléchissent, en ce moment, à des sanctions. Success, success.

Ou coup de pied dans la fourmilière, je crois qu’on dit.

Résultat, pour ne pas trop se griller, le maire a fait une petite marche en arrière en lâchant un démenti, « jamais je n’ai appelé à voter FN ». Mais impossible pour moi de ne pas poursuivre le troll. Oubliant l’éthique au profit du foutlamerde, j’ai pris le rôle d’un militant FN. Un mec quoi, super déçu de ce démenti. « Finalement le maire n’est qu’un membre parmi tant d’autre de l’UMPS, on est dur le lundi, mais déjà mou le mardi quand les premiers gaucho commencent à s’exciter » qui vient commenter ici et là et qui hésite à écrire le fond de sa pensée sur LePost.fr lui aussi. Mais l’omniprésence de la pensée extrême droite dans les commentaires des sites d’info créent un bruit suffisant pour faire mal comme il faut sans que j’ai à me fatiguer plus que ça pour nourrir le troll.

Cette petite parade va se terminer comme elle a commencé : dans un anonymat complet. Mais on ne va pas pouvoir m’empêcher de sourire jusqu’à dimanche. Malheureusement rien ne va changer, je vais reprendre mes petits dessins au posca sur les goutières en bas de chez moi. Et jusqu’à 2014, le maire a le temps d’apprendre tous ces outils et contrer la parade, en lancer d’autres à sa guise.

J’ai raconté ça à mon père. Il a déclaré : « Non mais pourquoi t’as pas juste envoyé un mail au journal ? ». Oui, aussi.



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