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Le Vin et "Le Monde" : Bettane, Onfray, Kauffmann.

Par Mauss

Nicolas de Rouyn (ICI) en a parlé et, faites le : lisez le Monde 2, le Magazine de ce jour qui a quelques belles pages sur le vin.

On peut aussi évoquer les pages sur Kubrick qui, avec quelques metteurs en scène de référence (John Ford, Fellini) a su nous offrir, dans nos jeunes années, quand la TV n'était pas omni-présente, des films qui savaient nous apporter de nouvelles dimensions d'émotions et de réflexion. Encore heureux que notre époque actuelle a encore cette belle capacité à voir émerger des metteurs en scène de grand calibre. Je pense là, par exemple, à ce Monsieur Tom Hooper qui a réalisé "Le Discours d'un roi", simplement une oeuvre magistrale. Un film essentiel.

Bon, revenons au Monde et le Vin.

Vous dire que j'ai lu (page 73) avec une pure délectation l'éditorial de Michel Bettane sur la question des classements serait en dessous de la réalité. En moins de deux colonnes, cette plume remarquable, tant par son style net et tranchant que par la solidité d'un argumentaire ne prenant en compte que les fondamentaux, démontre de façon implacable à quel point aussi bien la très fragile Alliance des Crus Bourgeois et l'éventuel futur Classement de Saint-Emilion, sont construits sur des bases d'une fragilité telle qu'on assistera - c'est une évidence - à des conflits juridiques incessants. Comme nous l'avons déjà écrit, les seuls gagnants vont être des avocats pointus qui trouveront facilement des clients pour financer leurs plaidoiries.

Michel Bettane, s'appuyant sur l'historique du 1855, explique le rôle essentiel de régulateur qu'est ce qu'on appelle "le marché". A Bordeaux, en l'occurence, le Négoce. Sa comparaison entre Bordeaux et Bourgogne va en convaincre plus d'un. Bravo pour cette lumière incisive, pointue, précise, historique, sur un phénomène - le besoin de classement - qui turlupine pas mal de régions : Alsace, Languedoc, Loire et autres…

On prendra aussi le soin de lire doucement, avec volupté même, le très intéressant dialogue entre Michel Onfray et Jean-Paul Kauffmann. Qu'il me soit permis de citer quelques extraits (© Le Monde) :

JPK : "Il y a dix ans, il y avait 300 mots pour évoquer le vin. Une universitaire en a recensé 800 dans un récent ouvrage. Nous n'avons pas gagné pour autant en précision, ce surenchérissement éloigne beaucoup de gens du vin. Une telle profusion rend la chose plus vague".

A rapprocher de notre idée au GJE de limiter la gradation des notes sur une échelle de 7 : gradation de plaisirs et ensuite d'émotions. "Tout ce qui se conçoit bien, s'énnonce clairement…"

Au sujet d'une certaine uniformisation du style des vins, sous l'influence de Parker : qui écrira un jour à quel point la Bourgogne a pu échapper à ce phénomène grâce à un propriétaire qui ne s'est pas laissé marcher sur les pieds ?

Certes, il doit y avoir également comme facteur d'uniformisation le fait que la recherche prioritaire des maturités entraîne, peut-être, un style de vin où richesse, plénitude, suavité arrivent à dominer les particularités locales qui, dans les meilleurs crus, ne peuvent alors se révéler qu'avec le temps ? Qui, de nos jours, identifie systématiquement un rive gauche d'un rive droite ?

Autre citation de JPK : "Nous, Français, sommes des latins dénigrants. Déprécier ce que nous avons de meilleur est notre sport national".

Qui aurait pu croire que sa belle revue "L'Amateur de Cigare" va devoir cesser d'être publiée, face aux attaques permanentes des ligues de vertu qui lui coûte une fortune en procès ?

Encore JPK : "Il y a cette idée stupide, de la part de l'Etat, de faire croire au citoyen qu'il est immortel. J'ai bien peur que rien n'arrête cette logique."

Michel Onfray démontre à quel point l'éducation du vin, que nos parents (pour ma génération) nous ont sagement apprise est désormais un passé, concrétisé par l'impossibilité et l'absence de désir de constituer une cave familiale qu'on se transmet entre générations.

MO : "Depuis les années 80, on est tombé dans la culture de l'expertise. La figure du consultant est omniprésente. Propriétaires et vignerons ont laissé les experts prendre le pouvoir, appuyés par l'argent."

"… le vin s'est désacralisé. Ne subsiste plus que la dimension hédoniste. Il a perdu sa dimension liturgique. C'est un constat."

"L'hédonisme suppose plus un vin modeste partagé avec des amis, dans des circonstances joyeuses où l'on aura débattu, accompagné de gestes et de regards d'amitié, qu'un grand cru bu en mauvaise compagnie".

En fait, il faudrait tout citer : depuis le sens du mot "ivreté" jusqu'à ce concept de la construction du plaisir.

Merci à Monsieur Jean-Luc Barde qui a suscité cette rencontre où deux belles figures nous disent clairement leurs vues sur ce monde qui nous fascine tant.

Les pages suivantes listent quelques propriétés bordelaises et alsaciennes qui, dans les derniers millésimes, nous offrent des crus au-dessus du lot. J'ai particulièrement noté les commentaires sur La Tour Carnet, Marquis d'Alesme, Marquis de terme, La Dauphine, Jean Faure, De Pressac, Agathe Bursin, Paul Blanck.

Pour rester dans les lectures de week-end, quelques pages du FigMag : sur Le Clos des Jacobins, conseillé par Hubert de Boüard, et la colonne de François Simon sur la cuisine italienne qui a su garder ses fondamentaux.

Autres news

J'apprends que Château Lafite-Rothschild vient de gagner deux procès contre des falsificateurs en Chine. Si cette info est correcte, cela montre qu'enfin ce vaste pays où les copies font vivre des millions de gens, commence à comprendre la nécessité de lutter contre ce phénomène.

La presse nous dit aussi que le Gouvernement chinois veut réduire les appels publicitaires au "luxe". Bon, ce n'est probablement pas ce souhait qui va réduire le rôle de cadeau de remerciement entre hommes d'affaires et hauts fonctionnaires qu'assume ce cru mythique entre tous.

Vu hier soir sur Arte l'effarante présentation du "nettoyage" des centrales nucléaires où des sous-traitants prennent des risques incensés. On sent bien que tout cela vient de directions éparses un peu trop soucieuses de rentabilité au détriment d'une priorité absolue pour des entretiens où le coût ne devrait simplement pas entrer en considération.

La dictature des actionnaires exigeant des rentabilités à deux chiffres est et sera encore longtemps, la plus néfaste déviation du libéralisme, sachant bien qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Mais bon, sur ce sujet, bien des écrits complexes ont été publiés… sans effets concrets ? Là est toute la question !


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