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Never let me go

Publié le 25 mars 2011 par Flow

Never let me go.

(réalisé par Mark Romanek)

De la cruelle Vérité d'être vivant.

 

 

Je n'attendais strictement rien de ce film que j'ai regardé seulement parce qu’il était encensé par mes collègues. Et tant mieux, car la surprise n'en fut que plus grande. Je n'attendais rien de ce film et pourtant, c'est un de ceux qui m'a le plus touché ces dernières années. Magistral de simplicité il ne fait que célébrer la vie, ce curieux phénomène aussi transcendant que cruel. A voir.

 

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Un pensionnat comme il y en a tant en Angleterre. On suit la vie de trois jeunes élèves: Kathy, Ruth et Tommy. Tout y semble banal et terriblement consensuel, soumis aux bonnes mœurs et à la morale. Mais on se rend compte assez vite que quelque chose cloche... Et la vérité nous est assénée de manière abrupte: nous sommes dans une élevage de clones destinés au don d'organes. Et ce détachement, ce stoïcisme caractérisant les élèves face à la révélation sera une composante dominante du film.

Bienvenue à Gattaca.

Hasard du calendrier s'il en est, je réfléchissais la semaine dernière à l'excellent Bienvenue à Gattaca en me disant que visionner d'autres films traitant de l'eugénisme pourrait être intéressant. Et c'est sans savoir de quoi il était question que je me suis lancé dans Never let me go. J'ai donc été agréablement surpris lorsque j'ai compris que le film traitait des bébés-médicament et de bioéthique. Cette pratique est -à moindre échelle- déjà d'actualité. Donner naissance à un enfant pour qu'il vienne en aide à son aîné malade est une pratique qui se développe. Le film la met en scène mais à une échelle industrielle. Les clones sont crées en masse et élevés dans des écoles qui ont pour mission de les garder en bonne santé, en attendant qu'ils soient en âge de donner leurs organes. Cette forme d'eugénisme pose également des questions éthiques: peut on considérer ces clones comme des êtres humains? Là est le problème central soulevé par le sujet mais je n'en dis pas plus car l'essentiel du film n'est pas là. Alors qu'avec une telle idée on s'attend à un monde futuriste et à une technologie abondante, on se rend compte que l'anticipation n'est qu'un prétexte et l'histoire se concentre plutôt sur les personnages; leurs sentiments et les relations les unissant. Ainsi, à aucun moment le film ne semble prendre position et poser les questions qui fâchent. Tout ce qui appartient à l'anticipation ne semble être que décor...

Triolisme.

Mais il n'en est rien. Car si le film se concentre sur le trio de personnages et sur le mélo (que je trouve ce terme péjoratif...) en dépit de son sujet de science-fiction ce n'est que pour mieux aborder ce dernier frontalement. Seulement, il le fait de manière sous-jacente, en filigrane. En effet, ce long-métrage prouve qu'on peut parler de clonage dans un monde qui n'est ni futuriste ni technologique. Au contraire, il n'a jamais été plus normal, simple et naturel. Une sacré réussite! Le film se positionne et dénonce le non-respect éthique à travers ses personnages. D'un minimalisme absolu mais d'une force infinie, la condamnation n'en est que plus percutante. Oui, ce sont des être humains et c'est à quelques exceptions près les seuls que nous voyons. Les humains dits normaux sont hors champ ou totalement déshumanisés (les chirurgiens, d'une froideur totale). On ne voit que trois jeunes, beaux et en excellente santé donnant leur vie pour que des vieux vivent plus longtemps. On ne peut qu'être révolté! Et ils débordent de sentiments, c'est le cœur du film! Le message passe bien sans qu'on ne puisse être contre. Puissant.

Pour revenir à ces personnages que j'évoque sans m'attarder sur leur cas depuis le début, que dire? Ils sont parfaitement interprétés. Keira Knightley, Andrew Garfield et Carey Mulligan sont parfaits. Ils donnent corps à ces jeunes à la dérive, sans avenir et transpirent leur spleen à l'écran. La simplicité et la sobriété de l'interprétation finissent de nous convaincre et de nous achever (et oui, j'ai pleuré). Pourtant, et c'est une qualité je pense, le trio est extrêmement banal. Un triangle amoureux comme on n'en a vu des milliers. A croire qu'ils veulent se compliquer la vie. Ils n'ont pas encore compris que le triolisme était fait pour éviter de souffrir à cause d'un triangle amoureux! Plus sérieusement, je pense que cette simplicité, voire cette facilité équilibre la cruauté des propos et rend le tout poétique et tragique. Pour peu que vous vos laissiez conquérir...

En gros, en recentrant le propos sur l'humain (comme Bienvenue à Gattaca en fait mais d'une autre manière) le film se positionne sur les questions éthiques. Non, on ne peut disposer du corps d'un être humain comme l'on dispose d'un morceau de jambon car il est doué de conscience. Une leçon que l'on a trop souvent tendance à oublier.

Plaintive élégie.

Je crois que le plus dur et le plus cruel dans ce film, c'est l'absence d’échappatoire. Dès qu'il commence on sait qu'il va mal finir. Le récit de Kathy apparaît comme une cruelle élégie, un chant du cygne qui raconte la Vie avec un grand V. Car qu'on ne s'y trompe pas. Il suffit de laisser de côté toute la dimension anticipation pour voir apparaître la métaphore même pas déguisée. A l'extrême fin Kathy nous dit qu'elle ne sait pas si leur vie à beaucoup différé de celle des vrais humains. Et évidemment la réponse est non. On n'échappe pas à la mort et la vie semble trop courte. C'est de cette façon que l'on peut expliquer cet angoissant refus de s'échapper. Jamais dans le film les personnages ne cherchent à s'enfuir. Car tout simplement, on n'échappe pas à sa condition. Ce n'est que la cruelle Vérité d'être vivant. Je ne vois que cette façon d'expliquer l'inanité et la résignation des personnages. Ils évoluent dans l'immensité des paysages naturels, qui s'étendent à perte de vue mais reste paniqués devant une barrière cadenassé qui ne devait pas être là. Ils sont prisonniers d'une prison inviolable et toute la rage déchirante et vaine de Tommy n'y changera rien. Vraiment cruel.

Un film simple, poignant et cruel mais assurément surprenant et à ne surtout pas rater. Laissez vous porter par le lyrisme élégiaque des décors et des personnages, préparez vos mouchoirs et déprimez un bon coup. Après cela vous n'aurez jamais été aussi content d'être en vie. Un must.

Les+ :

- Simple et profond.

- Interprétation.

- Triste et cruel à en chialer.

Les- :

- Triste et cruel à en chialer.

 

 

Note:

3


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