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Grand corps malade, poete du 9-3, slameur de banlieue

Par Jfherdhuin

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Grand Corps Malade - Je viens de là par GrandCorpsMalade" width="425" height="335" wmode="transparent" /]  

   Je suis allé voir « Grand Corps Malade » au Casino de Paris. Ma compagne me posa la question de savoir comment on devait se vêtir. « Il va y avoir beaucoup de jeunes, il ne faut pas se faire remarquer ». Je lui répondis que je m’habillerai comme d’habitude. Pour moi retraité de la Police Nationale depuis peu, d’habitude c’est quand même costume-cravate ; Je ne veux pas me laisser aller à la décontraction juste pour être à l’aise ou par paresse. Je me suis toutefois rappelé que lorsque j’ai récemment revisité Saint Denis et la Courneuve dans leurs dédales de bétons, je n’avais pas mis de cravate. Je fis de même.

   En arrivant rue de Clichy j’étais à l’aise dans mon territoire parisien, mais j’avais un petit pincement au cœur. Ce n’était pas vraiment une appréhension mais je me dis que je jouais au bourgeois qui allait s’encanailler. Il y avait un début d’affluence sur le trottoir, l’œil exercé je cherchais les loubards. Surprise c’était un public mélangé comme pour un spectacle parisien habituel. Il n’y avait pas de cravates, comme à l’Opéra ou au Théâtre des Champs Elysées, mais des gens simples qui n’affichaient pas ce détachement avec cet air supérieur qu’ont certains autres publics heureux d’être là. Devant nous il y avait même une mamie ; au fond de la salle je remarquais « la banlieue » garçons et filles rigolards.

   J’ai vu « Grand Corps Malade » arriver lentement sur scène avec sa béquille ; une démarche lente évidemment et son Grand Corps qui traînait un peu comme pour frotter le sol. Je ne l’avais jamais vu marcher. J’ai honte d’avoir pensé un très bref instant que cela faisait partie de la mise en scène. Puis très vite j’ai été ému, ce n’était pas de la pitié.

   C’est un personnage attachant; il a déclamé un texte avec talent et lucidité sur son handicap, qu’il vaut mieux oublier rapidement si l’on veut rester son ami. Je ne connaissais pas le slam (comme mon correcteur automatique d’ailleurs) et j’ai découvert la poésie. Une poésie plus réaliste, plus populaire et tout aussi belle que celle que nous apprenons dans nos écoles.

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   J’ai observé les yeux clairs de Grand Corps Malade, il prenait autant de plaisir que les spectateurs à être là. La musique était excellente : Un pianiste-accordéoniste, une guitare, une basse, une batterie et un harmoniciste exceptionnel. Cet ensemble talentueux nous a séduits, il y avait un véritable débat entre les instruments. L’harmonica voulant bousculer le percussionniste ou le guitariste, et le piano de son côté se rebellait pour faire entendre sa voix. L’arbitre, Grand Corps Malade, les laissait s’ébattre jusqu’à ce qu’ils s’accordent enfin et déclamait sa poésie. On sent qu'il aurait voulu bouger son corps, s'il avait pu.

   Inutile d’insister sur la richesse et la portée du texte. Aucune agressivité, beaucoup d’amour et de compassion. C’est un fleuve de paroles humanistes sans jamais toucher à la mièvrerie. La banlieue est à l’honneur, elle le mérite bien, elle aussi a un Grand Corps Malade.


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