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L Word (Ilene Chaiken, Michele Abbott, Kathy Greenberg)

Par Interstella_fr

The_L_Word_12_1280x1024.jpgThe L Word (sans le « The » en VF, mais ça sonne moins bien), littéralement « Le mot en L », est la dernière série dont j’ai regardé tous les épisodes, et comme je ne suis plus à un retard près au niveau des textes sur mes derniers films vus, j’ai eu envie d’en dire un mot ici.

Dans le monde des séries, je suis d’ailleurs complètement inconsciente d’en parler maintenant car, pensez-vous, cette série a commencé en 2004 et s’est terminée en 2009 ! Autant dire une antiquité. La préhistoire. Je ne vais donc pas en faire une présentation approfondie, mais en quelques mots : 6 saisons donc, qui nous font suivre un groupe d’amies à Los Angeles, dont la plupart sont lesbiennes (et hop, deux L pour ceux qui pouvaient se demander à quoi ça pouvait renvoyer, manque évidemment celui de Love).

Ce n’est pas la peine d’y chercher des qualités de narration ou de mise en scène hors du commun, car il n’y en a pas particulièrement. A part, peut-être, quelques détails dans certains pré-génériques (mais ils ne sont pas exploités de façon régulière, hormis dans les premières saisons).

Le fond de la série, en revanche, mérite davantage l’attention. Bien sûr, on pouvait s’en douter, le sujet central de la série est l’homosexualité, mais plus encore peut-être, c’est aussi la condition féminine. La série résonne souvent d’accents militants pour la cause des lesbiennes en particulier et des femmes en général, et c’est une litote de dire que ça n’est pas si courant. Et ça fait vraiment plaisir qu’une telle série ait pu être produite, diffusée, et tenir relativement longtemps. Évidemment, le tout est enrubannée dans du sentimental, de la situation, bref, tout ce qui fait une série « classique » (avec, en plus, les scènes de sexe fréquentes et parfois superflues, diffusion sur Showtime oblige), et qui parfois dessert ce côté militant, surtout au fur et à mesure que la série avance et que ses péripéties se font de plus en plus artificielles.

Agréable à suivre parce que les personnages sont plaisants et que ses interprètes sont sympathiques, L Word souffre malgré tout d’un défaut majeur qui sera peut-être bloquant pour une partie des spectateurs potentiels : Jenny.

Jenny

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J’avais commencé à regarder la série il y a quelques années, puis j’avais arrêté, par manque de temps comme souvent, et aussi parce que, The L Word a un ingrédient spécial qui fait qu’il faut quand même s’accrocher : j’ai nommé Mia Kirshner.
C’est elle qui interprète Jenny, personnage hautement important dans la série et surtout dans la narration de la première saison, puisqu’elle est le personnage « extérieur » qui arrive dans le groupe, qui débarque à Los Angeles, qui découvre tout petit à petit ; en résumé, elle sert de médiateur pour le spectateur qui découvre lui aussi les personnages et l’univers.
Et c’est bien là le problème. Mia Kirshner est une actrice bien particulière, avec un jeu qui peut s’avérer très vite horripilant, tout en minauderie, grands yeux bleus et moues à l’appui, et il faut dire ce qui est : en 5 minutes on a envie de l’étriper. Son jeu est en permanence en décalage avec celui  de ses partenaires, elle est toujours très centrée sur elle-même, ne joue que pour elle et ne renvoie que rarement la balle. Très vite donc, les états d’âmes de Jenny (et ils sont nombreux) deviennent insupportables.

En revanche, ce qui est vraiment étonnant, c’est que l’on sent très nettement, au fil de la série, que la personnalité et le jeu de l’actrice influent lourdement sur l’écriture du personnage, qui devient lui-même de plus en plus perdu et agaçant, collant par là-même mieux à son interprète. C’est pourquoi les saisons suivantes sont moins pénibles à regarder : on déteste Mia Kirshner mais on déteste aussi Jenny – alors tout va bien. De plus, le décalage de jeu de l’actrice se justifie parce que le personnage devient lui-même décalé, tant Jenny est coupée des autres, que ce soit dans un premier temps via son « monde fictif », ensuite dans son « monde intérieur » lié aux blessures de son passé, et enfin dans sa quasi folie égocentrique des dernières saisons.

C’est dommage, car la deuxième saison avait tenté de redonner de l’intérêt au personnage, via justement l’exploration de son passé et toute la gravité du propos, lié au viol sur mineure. Et puis, finalement, comme rien ne pouvait surmonter l’antipathie que la plupart des spectateurs avaient pour Jenny, les scénaristes ont sorti la carte improbable, mais équivalente à un bonus d’invincibilité totale : l’amitié de Shane pour Jenny.

Shane

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Shane, c’est bien simple, est le personnage-symbole de la série. Jeune femme longiligne, extrêmement mince et pourtant avec des formes fascinantes, à la voix d’une gravité surprenante, c’est elle qu’on remarque, avant tout, dès le début de la série. Un peu à part, un peu sauvage, pas aussi lisse que les autres filles du groupes, qui enchaîne les conquêtes à un rythme effréné, qui fume, se drogue, et qui refuse tout attachement amoureux : elle incarne une sorte de fantasme parfait pour le spectateur ou la spectatrice moyen/ne avide d’une imagerie lesbienne mi-dangereuse (mais pas trop), mi-excitante. Personnellement, je trouve que le personnage, bien que très fascinant au début, ne devient réellement intéressant qu’au fur et à mesure de son évolution, en particulier dans son rapport avec Shay, le petit frère, en saison 4. Le reste contient beaucoup de redondances, et finalement ses aventures sont bien moins intéressantes que ses amitiés, en particulier avec Alice ou Bette. Shane incarne à mes yeux non pas l’amante idéale mais l’amie qu’on aimerait avoir. Indépendante mais loyale. Et finalement, l’attachement que j’ai pour Shane tient plus au fait que son interprète, Katherine Moennig, fait partie des meilleures actrices de la série, qui prend plaisir à jouer et semble vraiment s’amuser.

Son amitié avec Jenny tient bien sûr de l’incompréhensible et il faut un vrai saut de foi pour croire une seule seconde que ces deux personnages pourraient s’entendre et se fréquenter, encore moins vivre ensemble. Une fois ce saut passé, cela fonctionne pourtant assez bien, et Jenny s’en trouve effectivement rehaussée. Si Shane, personnage chéri de la série, apprécie Jenny, alors Jenny est digne d’être appréciée. C’est malin de la part des scénaristes… jusqu’aux saisons 5 et 6 où Jenny devient tellement invivable qu’il nous est de plus en plus difficile de croire que Shane puisse la supporter. Sans parler de cet affreux lien qui les unit dans la saison 6, mais j’y reviendrai.

Bette

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Le personnage qui m’a le plus plu dans la première saison, c’est Bette, incarnée par Jennifer Beals (Flashdance). Et là, pour être honnête, ça ne tient quasiment qu’à son interprète, qui, elle, est à mes yeux la meilleure de toutes. Son implication dans le rôle est totale, son expressivité et sa sensualité sont toutes entières au service de ce personnage de femme de pouvoir, que ce soit dans sa vie professionnelle ou dans sa vie privée. Ses moments de défaillance en sont d’autant plus touchants. Dommage qu’au fil de la saison, les histoires qui la concernent deviennent de plus en plus feuilletonnesques et tournent un peu en rond…

Alice

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Mon vrai personnage préféré, c’est le troisième du trio : Shane-Bette-Alice. Le trio qui ira un jour grimper sur un toit pour démonter une pancarte géante, par amour ou amitié, selon le cas ; Bette à cette occasion dira à Shane et Alice : « Vous êtes les meilleures », et c’est vrai, de loin !
Dans la première saison, Alice apparaît comme la fille un peu cynique, un peu coquette, un peu trop à l’aise, bref, le personnage n’est pas encore bien cerné, ce qui fait qu’on ne peut pas trop s’y attacher. Puis, petit à petit, l’interprète, Leisha Hailey, prend ses marques, et s’installe dans le rôle comme si elle y était chez elle, au point qu’on a parfois l’impression qu’elle s’interprète elle-même. Émouvante dans son histoire avec Dana, mais surtout, toujours très très drôle, Alice tient le moteur de la série pendant les 5 autres saisons. Elle est aussi, avec Bette, une des seules qui restera hostile à Jenny du début à la fin, ne faisant des trêves que par égard pour Shane ou ses amies. Mais contrairement à Bette qui joue la carte de l’ignorance et du mépris, Alice s’amuse parfois à attaquer Jenny de front ; on a ainsi quelques scènes d’anthologie opposant Alice et Jenny, comme par exemple la fameuse scène « Monet » (voir la vidéo qui resitue un peu le contexte, la scène elle-même se trouve entre 2:13 et 4:40)

Alice restera à mes yeux le personnage le plus intéressant jusqu’à la fin, d’autant que la fin de la série voit évoluer sa relation avec Tasha, interprétée par Rose Rollins, et que leur histoire fonctionne très bien. Jouant très bien ensemble, les deux actrices s’amusent énormément et leur plaisir est communicatif. Et alors qu’elles n’ont, sur le papier, rien à faire ensemble, et que tout les sépare, leur relation est peut-être la plus touchante de toute la série, et, dans la dernière saison remplie d’artifices, elles constituent ce qui reste d’authentique (« last couple standing »).

Et les autres

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Comme toute série, il y a les personnages « principaux », qui sont là depuis le début jusqu’à la fin (dont les trois suscitées), et puis des personnages qui partent, d’autres qui arrivent.
Tina (Laurel Holloman) est un personnage principal qui est assez touchant pendant la 1ère saison et qui ensuite connaît des hauts et des bas, forcément liée aux histoires de Bette qui manquent un peu d’originalité. Elle se redynamise sur la fin mais elle ne passionne jamais vraiment.
Kit (Pam Grier, de Jackie Brown) est la seule hétérosexuelle du groupe, et elle est aussi beaucoup plus âgée. Elle est justement intéressante parce qu’assez différente dans ses enjeux de ses camarades (dépendance à l’alcool, quête sans fin d’un homme décent, ménopause…) et elle permet de renouveler un peu les intrigues, même si on souhaiterait que le sort ne s’acharne pas autant sur elle.
Dana (Erin Daniels) est assez attachante lors de la première saison, dans ses égarements, ses ignorances, ses hésitations. Mais dès la deuxième, on s’ennuie un peu à ses côtés, on a envie qu’elle arrête de faire n’importe quoi avec n’importe qui et son conformisme finit par ne plus tellement se justifier. Son départ de la série, alors qu’il devrait être bouleversant, ne touche finalement pas tant que ça ; c’est surtout à travers la détresse d’Alice qu’on ressent quelque chose. Regrets aussi que Lara, sa petite amie (Lauren Lee Smith), ne soit pas plus présente, car l’actrice est très jolie et expressive.
Helena (Rachel Shelley) arrive en cours de route et malgré le charme de son interprète, son visage quasi parfait et son accent britannique adorable, c’est le personnage le plus bizarrement écrit de la série. Même si certaines histoires la concernant sont intéressantes, je reste persuadée qu’elle n’aurait pas dû rester après son premier passage et l’histoire avec Tina, tellement tout le reste pourrait concerner plusieurs personnages différents. Je l’aime plutôt bien mais trouve que tout ça manque de cohérence.
Moira/Max (Daniela Sea) arrive en saison 3 et participe aussi de la réhabilitation de Jenny. Personnage parfois antipathique, surtout au début, il finit par devenir de plus en plus intéressant, soulevant de nombreux questionnements (sur les trans-genres, ce que c’est d’être une femme/un homme…) et l’aventure de la dernière saison est tellement surprenante et tellement « grosse » qu’elle réussit à fonctionner, complètement à contre-courant.
Pour le reste, en vrac, mention à Jodi (Marlee Matlin), personnage sourd intéressant dans sa dynamique mais difficile à apprécier, et qui se trouve trop au cœur du nœud Bette-Tina pour qu’il y ait une vraie chance pour elle. Carmen (Sarah Shahi), saisons 2 et 3, au-delà d’un physique un peu trop « couverture de FHM », n’est pas très passionnante et sert surtout de ressort à Shane. Phyllis (Cybill Sheperd) vaut surtout pour son interprète et pour le côté décalé de cette femme mûre qui bouleverse sa vie en étant enfin ce qu’elle est. Joyce, l’avocate spécialisée en droit des lesbiennes, qu’on croisera de temps en temps, jusqu’à la voir davantage avec Phyllis, est évidemment irrésistible puisqu’interprétée par Jane Lynch, avec ses réparties cinglantes, son humour à froid et son enthousiasme permanent. Enfin, Marina (Karina Lombard), personnage fascinant de la première saison, ne survivra pas, ou à peine, au cyclone Jenny (et non le contraire, à mon sens), mais ses apparitions sont toujours délicieuses.
On citera enfin des passages un peu brefs (et parfois avortés ?) tels que celui de Kristanna Loken, l’excellent Alan Cumming, l’étonnante Kelly Lynch (dans le rôle d’Ivan), l’improbable Elizabeth Berkley, ou encore Cobie Smulders (de How I Met Your Mother) en petit petit rôle. Je passe sous silence les visites de Rosanna Arquette, insupportable comme d’habitude.

Le mystère de la 6ème saison

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Je conseillerai à ceux de mes lecteurs qui ne souhaitent pas en savoir plus sur la fin de la série et sur l’évolution des personnages de ne pas cliquer sur le lien ci-dessous, car comme on dit… *MAJOR SPOILERS*

Cliquez si vous ne craignez pas les spoilers

On apprend donc, dès le début, que Jenny va mourir. Et ça, eh bien, inutile de dire que c’est un peu comme annoncer Noël à une classe de maternelle surexcitée. Et les créateurs de la série le savent : du coup, loin d’en faire un événement tragique, ils s’en amusent. Ainsi, par exemple, la plupart des pré-génériques, situés chronologiquement avant la mort de Jenny, contiennent une phrase, ou plus, qu’un personnage prononce, apparemment anodine, mais qui annonce, comme dans une tragédie grecque, que Jenny va mourir.
De fait, les scénaristes semblent avoir complètement abandonné. Jenny, cas désespéré, va donc devenir l’ennemi à abattre. On ne cherche plus à la rendre sympathique, tout est fini, à l’image de cette scène où Alice découvre la relation entre Shane et Jenny et l’annonce plus ou moins secrètement à toutes ses amies. On se moque ouvertement du personnage, ce qui est bien entendu très drôle (d’autant que l’enchaînement des réactions est vraiment cocasse, et que l’on partage leur répulsion !), mais cela provoque aussi une certaine gêne. Je trouve très étrange cette manière de sacrifier le personnage de Jenny après nous l’avoir infligé aussi longtemps. Le lien avec Shane n’est plus un cadeau protecteur : on a tellement envie que Shane ouvre les yeux, on est tellement au courant des bassesses de Jenny, que cela ne fait que renforcer la haine obligatoire qu’on a pour elle.
Je crois que le plus fascinant est d’observer, quand on le peut, Mia Kirshner à travers tout ça. Quelle horreur ce dut être pour elle d’incarner ce personnage manifestement détesté de tous… Et si Jenny est accablée des pires agissements (ses mensonges envers Shane avec la veste cachée, et la révélation finale sur les négatifs…), on ne peut s’empêcher d’avoir une certaine compassion non pour elle-même, mais pour le personnage et son devenir au sein même de la construction fictionnelle.
Dans cette saison écourtée (8 épisodes), entre ça, la grossesse de Max, le départ annoncé de Bette et Tina… on a un peu l’impression d’un feu de joie en cette dernière saison, un peu prématuré car il y avait encore des choses à faire avec tous ces personnages. Tout cela émane d’une étrange cruauté des scénaristes et s’il n’y avait pas quelques beaux moments et l’humour soutenu entre autres par Alice, il y aurait de quoi être très mal à l’aise…

Ilene Chaiken avait un projet de spin-off pour le personnage d’Alice, mais qui n’a pas été retenu, à mon plus grand regret. La série se termine donc un peu en queue de poisson, c’est vraiment dommage.
Pour Leisha Hailey, on n’a plus qu’à se retourner vers son groupe d’électropop, Uh Huh Her


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