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Nicolas Béraud, président de BEG : ”Cette ouverture est aujourd’hui un échec”

Publié le 05 avril 2011 par Tournoispoker
Nicolas Béraud, PDG du leader du secteur BetClic Everest Group, préside également l’AFJEL.

Nicolas Béraud, PDG du leader du secteur BetClic Everest Group, préside également l’AFJEL.

Entretien exclusif avec le président de BetClic Everest Group, pour qui « l’objectif de la loi n’est pas atteint ».

Vous présidez l’AFJEL, l’Association Française des Jeux en Ligne. Quel est son rôle aujourd’hui ?

Nous avons en effet souhaité, aux côtés d’autres opérateurs agréés, créer une association qui puisse être une force de proposition pour construire un marché des jeux en ligne compétitif. L’Association regroupe Sajoo, France-Pari, Zeturf, Iliad Gaming, BetClic et Everest Poker.

L’AFJEL, c’est l’association naturelle des opérateurs privés français de jeux en ligne, des opérateurs qui partagent les mêmes valeurs s’agissant du jeu éthique et responsable. Nous sommes tournés vers l’avenir et nous souhaitons être un interlocuteur de poids pour contribuer, de façon pro active à un marché français plus compétitif.

Nous avons souhaité nous associer car il est toujours plus simple et plus efficace de parler d’une seule voix et nous avons à cœur de mettre à profit notre expertise commune. Notre premier cheval de bataille est de convaincre les pouvoirs publics de la nécessité d’avoir une offre attractive pour les Français pour lutter contre les sites illégaux.

Quel bilan tirez-vous des dix premiers mois de marché légal en France?

Cette ouverture est aujourd’hui un échec, l’objet premier de la loi qui visait à réguler le marché des jeux en ligne n’est pas atteint. L’offre proposée n’est pas attractive, en effet selon nos estimations, plus de 50% du marché n’est pas capté par les sites agréés et plusieurs paramètres de la loi française poussent, malgré elle, les joueurs français à jouer sur des sites non agréés. Il s’agit à la fois de joueurs français de paris sportifs qui préfèrent les cotes plus attractives et les taux de retour plus élevés proposés par des sites non agréés et de joueurs français de jeux de hasard et de casinos qui ne trouvent pas, sur les sites agréés, une offre complète.

D’après une étude Ipsos, il y aurait aujourd’hui près de 800 000 joueurs français qui joueraient sur des sites non agréés à des jeux de hasard et de casinos en ligne. Cela représenterait un produit brut des jeux de 300 à 400 millions d’euros. Ce sont autant de recettes fiscales qui ne sont pas captées par l’Etat français, et c’est surtout une sécurité de jeu moindre pour ces joueurs.

Quelle est actuellement la position de vos marques BetClic et Everest Poker sur le marché?

BetClic Everest Group a obtenu quatre agréments délivrés par l’ARJEL en France pour ses marques Everest Poker et BetClic (poker, pari sportif et turf), et a réussi son entrée sur le marché français puisque nous sommes aujourd’hui le premier groupe privé français de jeux en ligne et comptons plus d’1 million de joueurs français inscrits sur nos sites.

BetClic est leader avec 46% de part de marché sur le pari sportif et avec nos marques Everest Poker et BetClic Poker nous sommes dans le top 3 en poker.

Pourtant, même en étant le premier opérateur privé en France, le modèle économique n’est malheureusement pas viable, ne permet pas de nous développer et nous oblige en 2011 à réduire fortement les investissements que nous pouvions faire dans les médias et le sport français.

Qu’attendez-vous de la clause de revoyure, en septembre, maintenant que François Baroin a annoncé qu’il n’y aurait pas d’évolution de la fiscalité avant les échéances électorales de 2012?

Le législateur a prévu une clause de revoyure : c’est bien la preuve qu’il avait anticipé la nécessité d’aménager ou de modifier la loi. En 10 mois, nous avons parfaitement mesuré l’impact de la loi, pour les joueurs, comme pour les opérateurs. Nous constatons dès aujourd’hui les dysfonctionnements. Nombre d’opérateurs ont jeté l’éponge dont certains majeurs (EurosportBET du groupeTF1 ou CanalWin du groupe Canal+).

Le président de l’autorité de tutelle, Jean François Vilotte, a lui-même observé, début mars, qu’il y avait “un sujet de modèle économique” et “un vrai débat sur les instruments fiscaux”. Il faut d’urgence revoir certains points de la loi pour que cela ne soit pas une ouverture mort-née.

Pensez-vous désormais qu’il y a encore des chances pour que la fiscalité sur les jeux en ligne évolue avant… la fin de l’année 2012? Ou considérez-vous que cela est peu probable? Et quelles sont les conséquences ?

Je suis un entrepreneur pragmatique et optimiste. Les dysfonctionnements de la loi ont été constatés par les autorités compétentes. L’offre n’est pas attractive pour les joueurs français qui préfèrent jouer sur des sites non-agréés. Les chiffres prouvent que le marché illégal n’est pas capté. Pourquoi attendre ? Il y a aujourd’hui une impérieuse nécessité de créer enfin les conditions d’une offre attractive pour les consommateurs français engendrant la viabilité économique des opérateurs et l’augmentation des recettes de l’Etat et garantissant la protection des publics vulnérables et l’intégrité des conditions de jeu.

Dans votre précédent entretien à IGA Magazine, vous disiez que “sans changement majeur, cette ouverture serait un fiasco”. Avez-vous peur de ce fiasco, maintenant que les changements majeurs semblent écartés ?

Comme je le répète, depuis longtemps, le marché n’est pas équitable et sa pérennité est remise en cause. Les opérateurs privés se voient dans l’impossibilité économique d’exister face aux monopoles.

Regardez ce qui s’est passé en Italie. L’ouverture du marché des jeux en ligne s’est faite en plusieurs phases. Le législateur a revu sa copie a réajusté, pragmatiquement, les modalités de régulation du marché : périmètre du marché, fiscalité…

Résultat : le marché dit “illégal” a été capté, les consommateurs ont été mieux protégés et le marché des jeux en ligne a décollé.

Une dizaine de pays européens préparent également des régulations de notre activité. L’immense majorité envisage une taxation sur le produit brut de jeux qui n’impacte pas le jeu lui-même, permet de construire une offre attractive dans un modèle économique viable (taxation du PBJ entre 20% à30%).

François Baroin a également écarté toute privatisation de la FDJ et du PMU dans les mois qui viennent. S’agit-il d’une erreur ?

Cela a du sens dans l’histoire de notre secteur que ces entités soient progressivement privatisées comme l’ont été d’ex-monopoles. Je fais confiance aux pouvoirs publics pour choisir le bon timing. En attendant, il est par contre important de régler les problèmes de distorsion de concurrence entre les monopoles et les opérateurs privés qui ont été dénoncés par l’Autorité de la concurrence.

L’Autorité de la concurrence, qui abonde dans votre sens, en ce qui concerne la “distorsion de la concurrence”… Son avis sur le sujet vous-a-t-il réconforté ? Pensez-vous que cela permettra une évolution plus rapide des choses ?

Le marché doit être régulé pour faire jouer véritablement la concurrence au bénéfice des amateurs de sport, de poker et de turf et de jeux de hasard.

Les recommandations de l’Autorité de la concurrence, rendues publiques début janvier, ne nous étonnent pas.

Elles nous confortent, certes, mais à présent, il faut les prendre en compte et nous demandons donc au régulateur d’intervenir pour rétablir l’équité entre les opérateurs publics et privés. Elles confirment ce que les opérateurs privés comme BetClic Everest Group affirment depuis plusieurs mois. Nous avions dit que la loi comportait des restrictions de concurrence entre les monopoles et les nouveaux entrants, nous avions dénoncé l’absence de séparation juridique et comptable des activités online et offline des monopoles, l’avis le confirme en termes très clairs, tout particulièrement pour le PMU. Ces distorsions de concurrence sont d’autant plus inacceptables que la loi elle-même, pour les raisons que nous avons maintes fois développées, taux de retour joueur plafonné à 85%, fiscalité confiscatoire, périmètre de jeux réduit, rend notre activité difficile. Il est donc impératif que la réglementation soit aménagée au plus vite, et de respecter les recommandations de l’Autorité de la concurrence.

Quand Jacques Rogge, le président du CIO, déclare que les paris sportifs illégaux pourraient atteindre 101 Mds€ par an au niveau mondial, cela va dans le sens de ce que vous nous dites sur le marché illégal que vous estimez à 50% en France et en progression. Pourquoi pensez-vous que les autorités françaises refusent d’accepter cette réalité ?

La meilleure manière de lutter contre les paris sportifs illégaux est de réguler cette activité en protégeant le consommateur et lui proposant une offre équilibrée et attractive. On assèche et tue ainsi l’offre illégale. C’est pour cela qu’il faut que nous adaptions la loi du 12 mai 2010. C’était une bonne première étape, mais il faut transformer désormais l’essai.

En matière de paris sportifs, pensez-vous qu’il est urgent que la loi permette d’élargir les possibilités ? Qu’attendez-vous exactement de la “revoyure” en la matière?

La priorité aujourd’hui, c’est que les conditions actuelles d’ouverture de marché soient revues afin de permettre à la loi d’atteindre ses objectifs. Il est dans l’intérêt de tous, consommateurs, opérateurs, Etat, que la loi soit modifiée au plus vite. Bien entendu, plus l’offre de paris sera attrayante et complète, plus les joueurs joueront sur les sites agréés.

Il est aujourd’hui évident que le fait que, à titre d’exemple, les paris sur le match France / Brésil ne puissent être proposés aux amateurs de sport français freine le développement du marché et favorise “l’illégalité”.

En matière de poker, secteur qui a mieux démarré que prévu, quelles sont selon vous les révisions à apporter à la législation?

En matière de poker, la fiscalité reste très forte, impacte le jeu en taxant les mises mais est plus équilibré que pour le pari sportif. Ma proposition est de taxer aussi le poker sur le produit brut des jeux afin de ne pas affecter le jeu. Le problème constaté aujourd’hui est, du fait de la forte fiscalité sur les mises, un bon joueur a du mal à gagner de l’argent sur une plateforme de poker en France, le jeu est peu attractif et la tentation d’aller jouer sur des sites non agréés est forte.

Vous parlez peu de paris hippiques… Est-ce parce que BEG a plus de mal à s’imposer sur ce terrain, face au PMU?

BetClic s’apprête à lancer une nouvelle version de son offre de paris hippiques. Jusqu’à présent, notre coeur de métier, chez BetClic, était le pari sportif. Notre objectif est d’être l’expert du pari hippique et l’acteur privé de référence. BetClic turf proposera très prochainement une offre renouvelée, riche et complète pour les turfistes amateurs et plus aguerris. Rendez-vous dans quelques semaines.

Stéphane Courbit se déclare prêt à ouvrir le capital de son groupe, LOV à hauteur de 15 à 20 % et affirme qu’il va “doubler ou tripler de taille dans les trois ans qui viennent”. Est-ce également l’objectif de BEG, que de “doubler ou tripler” en trois ans ?

BetClic Everest Group a maintenant 3 ans. C’est encore une entreprise jeune mais déjà dans le top 3 en Europe. Dans le secteur des jeux en ligne, les consolidations sont inexorables. Nous restons donc très attentifs.

Faites-vous partie de ceux qui pensent que Dominique Strauss-Kahn pourrait être plus libéral que Nicolas Sarkozy? Pour simplifier, pensez-vous que la gauche au pouvoir pourrait être plus favorable au secteur que la droite ?

Que ce soit la gauche ou la droite, il est dans l’intérêt de tous que la loi soit efficace et réponde à ces objectifs.

Propos recueillis par Julien Saint-Guillaume

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