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Dominique de Villepin, Héritier de Thomas Paine

Publié le 14 avril 2011 par Sagephilippe @philippesage

Thomas Paine ! Ah que voilà un homme à la destinée incroyable. Considéré comme l’un des pères fondateurs des Etats-Unis d’Amérique. Proclamé citoyen français en août 1792, puis, dans la foulée, élu député du Pas-de-Calais.
Auteur des Droits de l’Homme, attaché viscéralement aux valeurs de la République, il considérait que « sans revenu » il n’y avait « point de citoyen ».
« Sans un minimum de ressources », déclarait-il, en 1792, à l’Assemblée nationale « le nouveau citoyen ne peut vivre pleinement les principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité ».
Thomas-Payne.jpgEt, c’est bien cette idée, révolutionnaire, que Dominique de Villepin reprend aujourd’hui en proposant ce qu’il nomme « un revenu citoyen. C’est-à-dire la garantie donnée à chaque citoyen qui n’a aucune ressource de pouvoir disposer de 850 € ».
En contrepartie, ledit citoyen « doit s’inscrire sur les listes électorales » et « voter de façon obligatoire ».
Qui plus est, tous les citoyens – sans exception – seront, dans le projet présenté par Dominique de Villepin, imposables. Selon leurs revenus.
L’homme de République Solidaire – solidaire n’étant pas là, un vain mot – prône donc le retour à un welfare state (avec des services publics dignes de ce nom).
Mais il y ajoute une valeur essentielle, celle de dignité.

Comment ne pas y souscrire ?
Alors bien sûr, je les entends déjà, ceusses qui vont nous parler « d’assistanat ». C’est même déjà fait... Ainsi, Daniel Garrigue, le porte-parole démissionnaire de… République Solidaire et député de Bergerac qui, dans le quotidien Sud-Ouest, déclare que ce concept de « revenu citoyen » lui « semble plus tenir de l’assistance que d’une vraie politique d’insertion ».
Il est vrai, M. Garrigue, que les différentes politiques d’insertion menées jusqu’ici, par tous les gouvernements, ont été couronnées, comme chacun le sait, d’un succès époustouflant. Une vraie réussite (cf : RMI, RSA, etc.) !
Quant à Hervé Algalarrondo du service politique du Nouvel Observateur, il évoque quant à lui « une proposition un petit peu ronflante ».
C’est toujours intéressant de constater qu’un hebdomadaire (supposé) classé « à gauche » qualifie de « ronflante » une « proposition » qui fut portée il y a peu, par les Verts (aux municipales 2001) par le Parti Communiste Français ou par le courant Utopia du Parti Socialiste. La seule différence c’est qu’il s’agissait d’un Revenu d’Existence et qu’il n’était pas de 850, mais de 1000€ [1]. Nonobstant, le principe était rigoureusement le même. Car inspiré, lui aussi, de Thomas Paine.
D’autre part, ce concept [2] a déjà été testé, et avec bonheur, au Brésil et en Alaska.
Parler « d’assistance » ou « d’assistanat » c’est bien là, l’argument de ceux qui ne souhaitent pas une République plus juste, celle qui garantit : liberté, égalité, fraternité.
C’est aussi, et surtout, l’argument de ceux qui ne font pas confiance au citoyen. Lui trouvant tous les maux (mais ils doivent être, eux, des modèles de vertu, je présume), tous les vices.
Sans oublier, le dernier argument, l’enclume, qui consiste à diviser les citoyens, soit d’un côté ceux qui se lèveraient tôt et iraient au turbin, et d'un autre ceux qui toucheraient ce revenu d’existence et resteraient, comme de bien sûr, tranquillement chez eux... Quelle triste, étriquée vision du citoyen ! Mais comme elle est facile à distiller dans les esprits... Et dire que ceux qui colportent ces nauséabonderies, sont, faut-il les croire, les hérauts de la réforme. Sauf que, leurs réformes sont uniquement dictées par les lois du marché, et peu leur chaut le coût social qui en découle ; il n’entre jamais dans leurs calculs. Pourtant ce coût est énorme, et nous le payons tous (délocalisation, chômage, délinquance, alcoolisme, etc.).
Oui, ce sont eux qui n’ont cesse de nous dire que « le monde bouge » mais refusent obstinément de « bouger avec lui » en nous refourguant toujours et encore les mêmes recettes, éculées (emplois jeunes), inefficaces (plan emplois seniors), vouées à l’échec (« travailler plus pour gagner plus »).
Or, la vérité, c’est que dans ce monde-qui-bouge, le plein-emploi, c’est fini. Terminé. Et depuis lurette.
Comme l’expliquait en 2005 [3] l’économiste Henry Lombard :
« Le travail n’est pas un bien, mais une ressource. Plus la population augmente, plus la ressource augmente, plus le travail est abondant. Mais pas l’emploi. Ainsi, une machine qui remplace un homme supprime un emploi – donc un salaire – mais pas le travail à effectuer. Ce n’est donc pas le travail qui se raréfie. C’est l’emploi ».
C’est d’autant plus vrai, six années plus tard.
Or donc, il nous faut trouver des alternatives. Créer une nouvelle société, une nouvelle génération de salariés.
Et ce « revenu citoyen » peut y contribuer. Parce qu’il permettra à chacun de nous de mener à bien ses projets. De construire. Car il aura le temps pour le faire... Et puis, chose importante, essentielle, il pourra (qu’il soit étudiant, chômeur ou précaire) avec ce « revenu citoyen », se loger.
Pourquoi penser qu’avec un tel revenu – d’existence – le citoyen se « laisserait vivre » ?
Pourquoi ne pas imaginer, qu’au contraire, conscient de ses droits et de ses devoirs, il n’aurait pas plutôt le désir de s’inscrire – ou de s’insérer, puisque tel est le verbe qu’on nous sert – réellement dans une société plus équitable, plus digne, plus… solidaire ?
Car tel est le mot-clé, le pivot, celui que nous avons oublié : solidarité. C’est à partir de cette notion qu’a été créée la Sécurité Sociale.
Le « revenu citoyen », fonctionnerait exactement sur le même principe.
Reste à savoir dans quelle société nous voulons vivre.
Celle-ci, où les inégalités progressent, et avec elles, le repli sur soi, l’individualisme, la défiance, le soupçon, la peur même.
Ou alors une société plus fraternelle, plus équitable, plus libre, et dans laquelle la notion de dignité humaine serait notre centre de gravité. Où le mot « citoyen » signifierait enfin quelque chose de concret.
C’est un vrai choix de société que nous propose Dominique de Villepin. Il est étonnant que ce soit lui, et non le PS qui nous le soumette. Car, outre le fait qu’il soit Républicain, ce programme, du moins une grande partie, aurait dû nous venir de ce Parti qui se prétend être « à gauche » et l’est de moins en moins. Trop occupé à courir derrière l’UMP, jusqu’à oublier ses fondamentaux, voire : les renier.
Et voyez-vous, je préfère un Villepin qui nous (re)fait Paine, que ce PS qui fait peine (à voir comme à entendre).
[1] C’est du moins, la somme que préconisait (en 2005) Yann Moulier-Boutang, professeur en sciences économiques et directeur de la revue Multitudes.
[2] Proposé et ardemment défendu par des économistes, philosophes ou sociologues comme Yoland Bresson, Henry Lombard, Philippe Van Parijs (Belgique), Klauss Offee (Allemagne) ou Keith Roberts (Angleterre), etc.
A ceux-là, on pourrait, je crois, et sans se tromper, y ajouter Pierre Bourdieu.
[3] Propos recueillis par le quotidien Libération pour son supplément du jeudi 10 novembre 2005 intitulé :
« 30 Idées Pour Réveiller La Gauche ».
Quelques éléments pour approfondir la notion de « revenu d’existence » ou « revenu citoyen » :
- A l’origine du revenu garanti : Thomas Paine [...]
- Le Revenu d’Existence : utopie ou nécessité ? [...]
- AIRE : Association pour l’Instauration d'un Revenu d’Existence [...]
- Le droit au revenu [...]
- Etablir un revenu d’existence par Didier Hassoux [...]
- Yoland Bresson : « Le Revenu d'Existence sera au centre du débat en 2012 » [...]


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