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Coquette affiche et prises de bec LGBT

Publié le 17 avril 2011 par H16

Ce week-end, je vous propose une réflexion de fond, une plongée dans les tourments psychologiques d’une minorité visible dont la vie, en République du Bisounoursland, est vraiment trop dure. Cette minorité est celle des personnes à la sexualité alternative bousculée qui revendiquent bruyamment leur différence en même temps que la nécessité pour le reste de la société de les traiter absolument comme tous les autres. Et ces personnes, inscrites dans des associations aussi colorées qu’effervescentes, nous font actuellement une petite crise de nerf au sujet d’une affiche. C’est, soyons clairs, assez coquet.

Comme tous les ans, Paris va pouvoir s’enorgueillir d’accueillir une nouvelle Gay-Pride, défilé chatoyant de chars à paillettes sous des déluges de mégawatts de musique techno permettant à des citoyens très très festifs et habillés de tenues extravagantes, avec des boas, des strings et des bas-résille rose fluo de se trémousser en rythme dans les rues de la capitale.

Et comme tous les ans, cette Gay-Pride — dont on sait déjà qu’elle se déroulera très bien avec aucun incident — dispose d’une magnifique affiche réalisée par un de ces collectifs joyeux qui organise les festivités.

Le suspense étant intenable, je dévoile immédiatement le visuel :

Gay Pride 2011

Ça roxxe, n’est-ce pas ?

On peut donc noter les éléments suivants :

  • un coq à la crête très rouge
  • un boa de plumes rouges
  • un petit slogan bien de chez nous: « Pour l’égalité, en 2011 je marche, en 2012 je vote« .
  • l’heure et le lieu de la « Marche des Fiertés »

Quand je vois un poulet, pour ma part, ça m’évoque – surtout le dimanche – la proverbiale poule au pot qu’il est délicieux de déguster encore chaude avec des pommes frites. Ce qui marche avec le poulet fonctionne avec le chapon, qu’on déguste dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, miam, slurp et qu’on peut ponctuer d’un « En 2011 je mâche, en 2012 je rote. » … Après tout, moi aussi je peux faire dans le slogan politicomique associé à un animal de basse-cour.

Et justement, cet animal et son plumage provoquent une tempête dans le petit monde associatif. En effet, l’association nationale Le Refuge, qui vient en aide aux personnes victimes d’homophobie, a demandé vendredi son retrait pur et simple parce le volatil « donne une image négative des homosexuel(le)s« .

L’affiche, d’après Le Refuge, stigmatise les personnes homosexuelles en les réduisant à des volatiles affublés de boas. Plus de trente ans après La Cage Aux Folles, «les clichés sont toujours véhiculés et atteignent leur paroxysme cette année».

Et je dois dire qu’effectivement, lorsqu’on voit ce que les défilés proposent en réalité, on est bien là dans la scandaleuse stigmatisation de la plume et du poil.

Gay Pride : plumes et poils

Il est évident, ici, que des clichés sont bel et bien véhiculés, sur de gros chars bariolés qui crament d’ailleurs du 50L au 100. La LGBT n’est donc pas éco-consciente, mais à la limite, on s’en fiche.

Je ne suis pas sûr que le coq soit, à proprement parler, un paroxysme. Le lapin (rose ou en chocolat) aurait aussi bien pu faire l’affaire : après tout, on en retrouve dans certains cortèges comme en témoigne la photo ci-dessus.

En tout cas, à la lecture du vibrant article de Labération, organe de presse qui ne recule devant aucune information dérangeante et n’hésite jamais à se faire le porte-voix des imbéciles les plus bruyants, on découvre d’autres pépites qui lèvent de façon parfaite tout doute sur les remuants individus qui agitent la polémique et qui déclarent, sans rire :

«Nos psychologues passent un temps infini à déconstruire ces clichés intériorisés par les jeunes qui refusent leur homosexualité et sont dans un déni d’eux-mêmes».

Apparemment, des énergies considérables sont donc déployées par des psychologues qui s’épuisent à déconstruire des clichés, et une bête affiche avec un coq flanque tout par terre. Il y a de quoi s’agacer, non ?

Quant aux auteurs de l’affiche, eux, ils assument totalement leur côté transgressifs de la mort qui couine et y voient même un détournement symbolique, sans doute dans une nouvelle conceptualisation de l’espace républicain réapproprié par ses citoyens alternatifs en quête d’une identité qui ne soit pas nationale mais transgenre ou un truc du style avec de l’impertinence, du poil à gratter, du second ou du troisième degré et une bonne louche de militantisme anti-fachos pour faire bonne mesure :

«Nous avons voulu détourner un symbole de la République, le coq, et nous l’approprier avec ce boa, qui est un symbole de travestissement, de transgression. La transgression fait partie des éléments identitaires du mouvement LGBT».

Voyez, s’pas, c’est très simple, le coq, le boa, le boa entoure le coq, le coq frémit de plaisir, ça se voit il est tout rouge, c’est de la transgression à l’état brut, et en plus, avec ce poulet au regard un peu fou, on se réapproprie la République, les enfants, c’est de la bombe.

L’avantage de vivre dans un pays riche, c’est qu’on a facilement le temps de s’y prendre la tête pour des futilités absolument consternantes. On peut y faire grève ou on peut aisément choisir des professions hypocaloriques : la société, souple et pas trop avare de ses largesses, laisse de confortables matelas à ceux qui savent comment s’y prendre pour profiter d’elle.

Les microdisputes et autres chamailleries ridicules de ces associations rentrent tout à fait dans le cadre de ces futilités où chacun va pouvoir obtenir un peu de médiatisation à condition de sortir le discours le plus amphigourique et les remarques les plus courroucées sur les détails les plus absurdes.

Objectivement, l’affiche est effectivement nulle parce qu’elle veut faire de la politique en même temps que vendre un défilé dont l’aspect choquant est devenu tellement entendu qu’il en est banal. Mélanger les messages, c’est s’assurer qu’aucun ne passera bien.

Et puis transgresser pour transgresser, choquer pour choquer, à force, ça lasse : lorsque c’est devenu une habitude, plus personne n’y prend garde. Le fait que nos histrions doivent se houspiller les uns les autres par presse interposée pour qu’on les remarque encore est une parfaite illustration de cette banalisation galopante à laquelle ils font tout pour échapper.

On peut même voir ça comme une bonne nouvelle : tant que la presse a le temps de s’occuper de ces niaiseries, tant qu’un blog peut se pencher sur ces amusantes bêtises, tant que des gens ont même le temps de déconstruire des clichés et transgresser la république à coup de coqs en boas rouges, c’est qu’il y a des réserves de richesses insoupçonnée dans ce pays.


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